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vendredi 16 avril 2021

« Ainsi était Saint Louis » de Jean-Noël Toubon (2020)

Nous étions le 25 décembre 498, Clovis et trois mille de ses guerriers reçurent le baptême de l'évêque de Reims, le futur Saint Rémi. Le prélat déclara au roi franc : « Dépose tes colliers, Sicambre ! Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. »

Ainsi allaient se succéder, et ce pendant plus de dix siècles, 63 monarques héritiers de Clovis. Au fil des siècles, le prénom Clovis devint Clodovico en latin puis une fois francisé se transforma en Ludovicus puis en Louis. Dix-huit rois de France porteront ce nom.


Après les Huns d’Attila au Vè siècle, les Avares entre le VIè et le VIIIè siècle, les Mongols furent le plus grand péril que connut la chrétienté occidentale.


Leurs ennemis de l’époque les appelaient les « hérétiques albigeois » quand nos contemporains les nommaient les « cathares » (…) ce mouvement (…) cherchait une séparation totale entre la matière et l'esprit. Pour eux, il y avait un Dieu bon et un Dieu mauvais. Tout ce qui provenait de la matière était l'œuvre du Prince des Ténèbres, par conséquent, l'Incarnation de Jésus-Christ était une aberration (…)

Au début du XIIIe siècle, inspiré par la tolérance et la charité, le pape Innocent III confia l'évangélisation du Midi du royaume à des abbés cisterciens. Ces clercs portés par l'esprit de charité ne reçurent de la part de ses « bons hommes » qu’insultes, tentatives d'assassinat, spoliation de leurs biens, persécutions, etc. (…) Quand son entourage l'invitait à utiliser des moyens plus répressifs, il répondait qu'il préférait « la conversion des pécheurs plutôt que leur extermination » (…) De 1209 à 1229, les nombreux combats entre les chevaliers du nord et les hérétiques entraînèrent inévitablement des exactions des deux côtés (…) Dominique de Guzman, futur saint Dominique, avait été de ceux qui avaient œuvré activement contre l'hérésie albigeoise en organisant des débats théologiques avec les hérétiques.


L'année 1214 marqua particulièrement notre histoire, et ce à double titre : tout d'abord la naissance d'un roi qui deviendra saint, puis une bataille qui transformera à jamais le visage de la France : la bataille de Bouvines. La France, alors sous le règne de Philippe Auguste, était menacée de toute part : d'un côté les Anglais, de l'autre le Saint-Empire romain germanique (…) Quant au roi d'Angleterre, Jean sans Terre, il avait été vaincu quelques jours plutôt, le 2 juillet 1214 (…) Alors que les troupes royales françaises étaient en infériorité numérique, pour la première fois, les milices communales étaient autorisées à combattre, privilège normalement réservé à la noblesse. Ce dimanche ensoleillé de juillet fut glorieux pour la France, car de cette bataille elle sortit victorieuse et fortifiée.


(…) Philippe Auguste récupéra la Normandie, le Maine, l'Anjou et la Touraine. À partir de cette date, pour la première fois, le peuple se sentait réuni, animé par une même cause : la France. Il est coutume de dire que le sentiment national est né à Bouvines (…) Trois mois avant Bouvines, naquit Louis, deuxième fils de Blanche de Castille et de Louis VIII.


(…) le XIIIe siècle restera pour la postérité l'âge d'or médiéval appelé aussi le « siècle français ». En quarante-quatre ans de règne, Louis IX se révélera être un homme bon, un roi sage, un saint immortel.


À cette époque, le jour du baptême était considéré comme le véritable jour de naissance…


Les hommes du XIII siècle était imprégnés de la crainte de la mort, sensibles au moindre signe de la fin des temps. Louis allait en être l'archétype : en roi eschatologique, il passera sa vie, sans relâche, a préparer son âme et celles de son peuple à la rencontre divine.


Originaire de Palencia en Castille, cette femme au cœur viril était arrivée en France à l'âge de douze ans pour être mariée à Louis VIII. Elle était belle et érudite, connaissait les lettres, la musique, les sciences (…) vouait une dévotion profonde pour Saint-François (…) Si bien qu’à la mort du saint catholique en 1226, les frères du fondateur de l'ordre franciscain envoyèrent à Blanche et à Louis une relique, le coussin sur lequel le saint se reposait. Louis n’avait que 12 ans.


La charge du royaume de France revenait à Philippe, son frère de quatre ans son aîné. Mais le destin du royaume bascula quand le prétendant au trône, Philippe, mourut en 1208. Alors âgé de seulement quatre ans, Louis devenait de fait le prétendant au trône de France. Cinq ans plus tard, son grand-père tant aimé, Philippe Auguste, roi de France trépassa. Louis VIII, le père du futur Louis IX, lui succéda sur le trône de France pendant trois courtes années (…) ce sera sa mère, encore reine de France, qui allait l’éduquer.


Il n’y eut que trois petites semaines entre la mort du roi et le sacre de son fils, une véritable prouesse d'organisation tant les communications de l'époque était lentes. Mais il ne fallait pas plus de temps pour susciter de nombreuses convoitises de la part des puissants barons du royaume.


Dans les dernières années de son règne, il commanda à Vincent de Beauvais, un frère dominicain, une encyclopédie qui avait pour mission de compiler l'ensemble des savoirs de son époque : histoire, astronomie, anatomie, poésie, musique, etc. Ce Speculum Majus, terminé en 1260 et resté pendant des siècles l'œuvre la plus importante du monde occidental, est l’ouvrage le plus considérable que le Moyen Âge nous a légué.


Au Moyen Âge, un roi ne pouvait être sacré roi sans avoir été, au préalable, fait chevalier. La cérémonie d'adoubement avait habituellement lieu dans la vingtième année du prince (…) En tant que roi, il fit le serment de maintenir les coutumes de l'Église, de rendre la justice à son peuple et de le garder en paix (…) Le lendemain de la cérémonie du sacre, comme ses prédécesseurs, il guérit les malades des écrouelles en prononçant la phrase : « Le roi te touche, Dieu te guérit », puis en profita pour se rendre en pèlerinage à Corbigny et à Saint-Marcel. Sur la route, il fit de nombreuses largesses aux plus humbles de son royaume.


A peine le roi était-il sacré qu'en ce début d'année 1227, les barons, soutenus par le roi d'Angleterre obnubilé par la récupération de ses terres perdues, formèrent une coalition dans le but de prendre le contrôle du pouvoir royal (…) Telle une armée, il se rangèrent et se serrèrent à ses côtés et l'accompagnèrent jusqu'à Paris, prêts à se battre contre quiconque voulait attenter à sa vie. Prévenus de la mobilisation populaire massive, les révoltés renoncèrent et s’en allèrent dans leurs contrées respectives. Cet épisode imprima dans l'esprit de Louis une reconnaissance indéfectible et profonde envers son peuple.


Lui qui pouvait, du haut de ses quatorze ans, admirer de son palais royal la progression de l'édification de la cathédrale Notre-Dame de Paris, prouesse architecturale de son temps, comme ses ancêtres, il allait se révéler être un grand bâtisseur (…) Lors de la construction, il n'hésitait pas à porter les pierres et le mortier lui-même. 


Un jour, un moine de l'abbaye de Royaumont nommé Léger, atteint de la lèpre, demeurait à l'écart des autres (…) Louis, de visite à l'abbaye, (…) le salua, fléchit le genou et après lui avoir coupé sa viande, lui donna à manger avec délicatesse. Sa charité ne s'arrêta pas là. Il fit apporter les plats de la table royale et les lui fit goûter (…) Une autre fois, le roi voulut laver les pieds des moines de l'abbaye mais un abbé l’en empêcha, jugeant l’attitude indigne d’un roi. 

Royaumont a été le premier édifice religieux érigé par Louis IX.


Âgé de seize ans, en 1230, il allait avoir l'occasion, pour la première fois, de montrer ses premiers signes d'autorité et ses qualités de chevalier. En octobre 1229, Pierre Mauclerc, le vassal breton indomptable, avait prêté hommage au roi d'Angleterre.


À partir de 1226, Louis VIII avait engagé une croisade contre les albigeois dans le sud du royaume. Après sa mort (…) Raymond VII, comte de Toulouse, fut contraint de faire la paix avec la couronne capétienne (…) En 1229, Raymond VIII se rendit à Paris en chemise avec une corde autour du cou où il fit amende honorable sur les marches de Notre-Dame de Paris (…) 

L'extension du domaine royal dans le midi de la France permettra au souverain, quelques années plus tard, d'accéder pour la première fois dans l'histoire à la Méditerranée et cela s'avérera être un atout décisif pour ses futures croisades.


(…) un chevalier fut envoyé vers le comté de Provence, car une rumeur laissait entendre qu'une jeune princesse y était des plus parfaites. Cette princesse, qui répondait au nom de Marguerite, avait la réputation d'être belle et lettrée. Elle était la fille aînée du comte de Provence, Raimond Béranger IV (…) Louis lui garda toujours une place de choix dans son cœur, en témoigne ce qu'il fit graver sur son anneau : « Dieu, France et Marguerite » (…) Marguerite n'avait que 13 ans quand elle devint reine de France (…) 45 000 harengs furent distribués aux pauvres. Il n'y avait là rien d'exceptionnel pour Louis, l’aumône était son quotidien : chaque jour il recevait les plus nécessiteux à sa table et leur distribuait du pain. Il se plaisait à dire : « J'aime mieux que l'excès des grandes dépenses que je fais soit fait en aumônes pour l'amour de Dieu qu’en faste et en vaine gloire de ce monde. »


Son cousin, Baudouin II de Courtenay, empereur de Constantinople, avait de graves difficultés économiques (…) En 1237, il visita Louis IX et lui demanda de l'aide car, en manque cruel d'argent, il s'apprêtait à remettre les Reliques de la Passion du Christ en gage contre un prêt d'argent (…) À leur arrivée, les baron acculés par le besoin d'argent l'avaient déjà mise en gage auprès de marchands-banquiers vénitiens (…) Le frère Jacques retourna aussitôt à Venise s’acquitter de la somme colossale de la Couronne d’épines : 135 000 livres tournois, soit la moitié du budget annuel du royaume (…) 

Puis, une procession pénitentielle s’engagea (…) vers la ville de Sens le 10 août 1239. Le roi et les siens firent la route l'air grave, les pieds nus, vêtus d'une simple tunique sur le corps (…)

Il décida alors de construire un écrin à la hauteur de l'acquisition : la Sainte-Chapelle. Construite en seulement six ans, véritable prouesse (…)

« De même que le Seigneur Jésus-Christ a choisi la Terre de la promesse pour faire connaître les mystères de la rédemption, de même nous voyons et nous croyons qu'il a spécialement choisi notre Gaule pour une plus grande vénération du triomphe de sa Passion. »


La croisade de 1239, lancée par le pape Grégoire IX pour protéger Jérusalem, ne mobilisa pas le roi de France. Trop occupé à maîtriser les humeurs délétères de ses barons, Louis IX soutenait cependant l'expédition moralement et financièrement.


On ne peut que constater la disposition manifeste de Louis IX à la mansuétude, et ce malgré les trahisons répétées.


(…) Louis IX proclamait inlassablement son aversion sincère pour la guerre, car elle faisait surtout des victimes chez les plus pauvres, se plaisait-t-il à dire. Il n'allait mener d'ailleurs aucune guerre offensive durant tout son règne. En bon chrétien, Louis IX veillait à user de toutes les alternatives qui permettaient d'éviter un conflit.


Pour Louis IX, le commerce de l'argent était hautement amoral, c'est la raison pour laquelle il facilita aux juifs l'accès aux métiers productifs dans l'ordonnance qu’il promulgua en 1254 et leur conseilla de s'adonner à des occupations commerciales honnêtes, au travail de leurs mains.

(…) les insultes violentes à l’égard des chrétiens et plus particulièrement à l’égard de la Sainte Vierge du Christ dans le Talmud (…) le roi donna la possibilité aux rabbins de se défendre. Ainsi débuta le procès du Talmud en juin 1240 (…) Après deux ans de disputations, le procès se conclut par la crémation de vingt-quatre charretées du Talmud en place de Grève à Paris en 1242 puis en 1244 (…)

En 1233, le pape Grégoire IX demanda aux évêques et archevêques de France de veiller à ce que les Juifs ne soient ni molestés ni spoliés tant qu'ils n'insultaient pas la foi chrétienne (…) 

Faire porter la rouelle aux Juifs du royaume de France ; cette suggestion, d’apposer une étoffe de tissu cousue sur le vêtement, fut décidée et arrêtée par le pape Innocent III lors du Concile de Latran IV en 1215. Elle concernait les juifs mais aussi les musulmans. Louis IX avait attendu près de cinquante-cinq ans avant de daigner s’y plier. Il avait d'ailleurs tellement tardé que le pape Alexandre IV, en 1258, lui avait adressé une lettre (…) Par cette mesure, le concile prévenait des unions illicites entre juifs et chrétiens ou entre musulmans et chrétiens, et ainsi permettait de défendre le mariage chrétien.


Du XIe au XIVe siècle, la chrétienté était animée par un conflit entre les deux puissances du temps : le Saint-Empire romain germanique et la papauté (…) Depuis la bataille de Bouvines en 1214 (…) L'Empire, malgré une baisse de sa puissance politique, demeurait militairement fort. Louis IX devait composer avec cette puissance à l’est. Frédéric II, l'empereur dudit empire, tranchait par son caractère tellement opposé à celui de Louis IX : quand le premier était perfide et malhonnête, le second était juste et loyal (…) Le souverain pontife vivait sous la menace permanente de Frédéric II (…) l'ambition de Louis IX était simple et claire : réconcilier les deux têtes de la chrétienté, mais le pape refusait toute conciliation avec l’empereur factieux (…) la mort de Frédéric II le 13 décembre 1250. Ainsi débuta la vacance du trône impérial jusqu’en 1273. La papauté sortait victorieuse d’une bataille constante contre le César du XIIIe siècle.


(…) en 1244, une nouvelle attaque de dysenterie rapprochait sérieusement Louis du ciel (…) Une dame de la cour prenait soin du roi et le veillait avec attention, mais la vie semblait avoir quitté le corps de Louis, si bien qu’elle le crut mort. Elle rabattit le drap sur son visage (…) Dans une douleur insondable, Blanche de Castille déposa les reliques de la Passion acquises depuis peu sur le corps de son fils tant aimé. Au même moment, le peuple français se rendait dans les églises pour prier au bon rétablissement de Louis. Quand soudain, dans un soupir venu d'outre-tombe, Louis IX dit d'une petite voix faible : « Du haut du Ciel, la lumière de l’Orient s’est répandue sur moi, et le seigneur me rappelle d'entre les morts. Beau Sire Dieu, soyez béni et recevez le serment que je fais de me croiser. »


Frédéric II (…) feindra de soutenir la croisade ; lui qui fut l'allié du sultan d’Egypte, du calife de Bagdad, des princes musulmans de la Syrie ou encore du bey de Tunisie, œuvra même à son échec en prévenant ses amis musulmans en Orient des projets du roi de France (…) la croisade fut une expédition principalement française. (…) 


À Aigues-Mortes (…) Louis IX avait maintenant un port d’où lancer sa croisade (…) Pour assumer les dépenses inhérentes à la croisade, il mit les villes à contribution ; des prêts et des dons furent demandés aux bourgeois, puis l'Église allait également apporter des ressources non négligeables puisque le vingtième des revenus ecclésiastiques allait être réclamé pour le financement de la croisade.


Il mit également en place des enquêtes destinées à dresser une liste des injustices commises par les agents du roi en son nom. Avant de quitter sa belle France pour venir au secours de ses frères chrétiens (…) il tenait à réparer les fautes qu'il avait pu commettre envers son peuple, mais également celles commises par ses baillis et par ses aïeux (…) Louis confia ces enquêtes de réparation aux frères mendiants dans sa grande majorité, ce qui n'était pas le cas de ses prédécesseurs qui, eux, avait préféré faire appel essentiellement à des laïcs.

Le 12 juin 1248, jour de Pentecôte, Louis IX se rendit à Saint-Denis prendre l’oriflamme, l'écharpe et le bâton de pèlerin (…) À partir de cet instant, mesurant l'importance de son entreprise, son comportement changea ; fini les tenues d'apparat, le moment de la modestie était venu. Roi depuis vingt-deux ans, arrivé à la moitié de son règne (…)


A bord des trente-huit grands vaisseaux et des centaines d'embarcations plus modestes, quelques 2500 cavaliers chevaliers, 10 000 fantassins, 5000 arbalétriers et 8000 chevaux prirent le large. 

(…) le sultan du Caire détenait le royaume de Jérusalem depuis 1242 (…)

La nuit précédant le débarquement sur Damiette se passa en prières. Au petit jour, le soleil naissant éclairait la flotte chrétienne impatiente de combattre. Louis IX choisi ce moment crucial pour haranguer ses chevaliers à bord de son vaisseau nommé La Monnaie : « Mes fidèles amis, (…) Je ne suis point la France, je ne suis point la sainte Église : c'est vous qui êtes l'une et l'autre. Je ne suis qu'un homme dont la vie s’éteindra comme celle d'un autre quand Dieu voudra (…) Suivez mon exemple, laissez-moi braver les périls, et, dans la chaleur des combats, gardez-vous de croire que le salut de l'Église et de l'État réside en ma personne (…) vous ne devez voir en moi qu'un homme ordinaire, qu'un homme dont la vie peut se dissiper comme l’ombre, quand il plaira au Dieu pour qu'il nous combattons. »


(…) l'avant-garde continuait sa marche vers Damiette quand, arrivée près de Fariksur, elle fut encerclée et les chevaliers furent écrasés le 6 avril 1250. Être fait prisonnier était le pire des malheurs pour un roi de France.

(…) les menaces de mort et de torture n'avait pas d'impact sur lui. « Mon corps vous pouvez bien l’occire, mais mon âme, vous ne l'aurez pas. » (…) Il était séquestré dans les geôles du sultan de Babylone et malgré l'issue mortelle inévitable, il passait chaque seconde à tenter de le convertir, l'unique motivation de son voyage (…) 

J’en prends à témoin le Tout-Puissant, dit le roi ; je n'ai point souci de retourner jamais dans mon royaume de France, pourvu que je gagne à Dieu votre âme et les âmes des autres infidèles, et qu'elles puissent être glorifiées.

- Nous espérons, en suivant la loi du très bénin Mahomet, arriver à jouir des plus grands délices dans l'avenir.

- Voilà pourquoi je ne puis assez m'étonner que vous, qui êtes des hommes discrets et circonspects, vous ajoutiez fois à cet enchanteur Mahomet, qui commande et permet tant de choses déshonnêtes. En effet, j'ai regardé et examiné son coran et je n’y ai vu qu'ordures et impuretés, tandis que, d'après les sages anciens, voire les païens, l’honnêteté est le souverain dans cette vie (…) 

Il faut dire qu’il s’employait sans relâche à la conversion des musulmans allant jusqu'à les ramener en France avec leur famille, à l'abbaye de Royaumont, sans oublier de leur donner les moyens de vivre décemment (…)

Très vite, ils finirent par se mettre d'accord sur une convention : Damiette contre la libération du roi, quatre cent mille besants d’or pour ses compagnons en captivité y compris ceux des croisades précédentes.


« (…) le roi aurait pu s'enfuir grâce a un navire tout préparé, d'ailleurs de nombreux personnages le lui conseillèrent (…) Alors le roi donna aussitôt sa réponse : il entendait rester en prison jusqu'à l'achèvement complet de ce paiement, tandis que les autres chrétiens serait rendus à leur liberté première (…) Finalement, le susdit roi libéré avec son armée gagna la cité d'Acre et y séjourna presque cinq ans… » (extrait de la bulle de canonisation, 1297)


Lettre à ses sujets sur sa captivité et sa délivrance (1250) : 

« (…) Au bout de quelques jours, le fils du soudan, venant des provinces orientales, arriva à Massoure. Les Égyptiens le reçurent comme leur maître et avec des transports de joie. Son arrivée redoubla leur courage ; mais depuis ce moment, nous ne savons par quel jugement de Dieu, tout alla de notre côté contre nos désirs. Une maladie contagieuse se mit dans notre armée, et enleva les hommes et les animaux, de telle sorte qu'il y en avait très peu qui n’eussent a regretter des compagnons, ou à soigner des malades. L'armée chrétienne fut en peu de temps très diminuée. Il y eut une si grande disette que plusieurs tombaient de besoin et de faim ; car les bateaux de Damiette ne pouvaient apporter à l'armée les provisions qu'on y avait embarquées sur le fleuve, parce que les bâtiments et les pirates ennemis leur coupaient le passage (…) et par la permission de Dieu, à cause de nos péchés, nous tombâmes au pouvoir de l’ennemi.

(…) les émirs ont retenu très longtemps au Caire ces commissaires, auxquels ils n'ont enfin remis que 400 prisonniers de 12 000 qu’il y a en Égypte (…) Ils ont choisi parmi leurs prisonniers des jeunes gens qu'ils ont forcés, l’épée levée sur leur tête, d’abjurer la foi catholique et d'embrasser la loi de Mamomet…

(…) les émirs violaient ouvertement la trêve, et, au mépris de leur serment, ne craignaient point de se jouer de nous (…) cette nation criminelle, outre les blasphèmes qu'elle vomissait en présence du peuple chrétien contre le Créateur, battaient de verges la croix, crachait dessus, et la foulait aux pieds en haine de la foi chrétienne. Courage donc, soldats du Christ ! Armez-vous et soyez prêts à venger ces outrages et ces affronts. »


En 1251, un chef aux origines incertaines et quelque peu fanatique, un certain Jacob qui se faisait appeler le maître de Hongrie, arriva en France et prétendait avoir reçu de la Vierge Marie une lettre affirmant que les puissants, les riches et les orgueilleux ne pourraient jamais reprendre Jérusalem. Seuls les pauvres, les humbles, les bergers et parviendraient. Alors, pour mener à bien cette croisade appeler la croisade des pastoureaux (…) ils se mirent à piller, à voler, à massacrer (…) les églises étaient pillées, les prêtres et les juifs massacrés. 

(…)  ils examinèrent ses bagages est tombèrent sur une forte somme d'argent et des lettres compromettantes écrites en arabe et en chaldéen. Dans ces lettres, le sultan encourageait le chef des pastoureaux à poursuivre la croisade et insistait sur leur engagement de leur livrer une grande quantité de chrétiens comme esclaves. Tel était, semble-t-il, le projet machiavélique de Jacob. En abusant de la foi bouillonnante et sincère des paysans, ce Jacob avait causé bien des souffrances dans le royaume.


Il opéra un changement de politique après sa libération, en passant de la conquête à la résistance et en entreprenant un énorme programme de fortifications des châteaux et des villes (…) en 1253, le roi renforça le château de Sidon qui avait, quelque temps plus tôt, subi des attaques musulmanes meurtrières. À son arrivée, il pouvait constater, le cœur meurtri, la violence de la bataille (…) le roi, contrairement aux chevaliers présents, mettait les corps en terre sans se boucher le nez (…) Contrairement aux hommes de son temps, Louis n'avait pas l'habitude de cacher ses émotions ; il supporta à genoux, les mains jointes, regardant vers le Ciel et les joues couvertes de larmes, le lugubre spectacle de ses hommes pris sous les assauts du feu grégeois sarrasin.


Avant de prendre le large, il prit soin, en février 1254, de conclure une paix avec le sultan d'Alep et de Damas ; elle prit la forme d'une trêve de deux ans, six mois et 40 jours (…) Cinq ans après son départ, il retrouvait les siens, son peuple.


La Grande Ordonnance, promulguée en 1254, prévoyait d'assurer la moralité des actions menées par les officiers royaux (baillis et sénéchaux) qui avait un triple rôle : le maintien de l'ordre, la perception des impôts et la justice (…) Parmi les actes de moralisation : l'interdiction d'accepter des cadeaux des justiciables (…) l’interdiction de mettre quelqu'un en prison pour dettes (…) tout accusé non encore condamné sera présumé innocent (…) 

Il suivit les recommandations du concile de Latran IV de 1215 qui préconisait, entre autres, la suppression de l'ordalie ; cette décision injuste qui soumettait la culpabilité d'un homme à l'épreuve du feu ou de l’eau, confiant ainsi le jugement à Dieu ; désormais pour condamner un homme, il fallait en apporter la preuve. Il donnait aussi la possibilité à ses sujets de faire appel à son propre jugement pour amender une décision déjà rendue dans une juridiction du premier degré (…) Ces jugements sommaires s'appelaient les plaids de la porte parce qu'ils étaient rendus devant la porte du palais (…) Le peuple, qui avait affaire devant lui, se tenait debout et lui parlait sans ambages, sans empêchement d'huissier, la justice se pratiquait en toute simplicité (…)

Toutes les décisions royales étaient regroupées dans des registres destinés à constituer un recueil de jurisprudences civiles et criminelles. Cette cour suprême deviendra le Parlement de Paris.


Les enquêtes auront pour mission supplémentaire de réparer financièrement les torts subis par les sujets (…) Fait exceptionnel du règne de Louis IX, ce seront essentiellement des ecclésiastiques, dont la moitié était des frères mendiants, qui mèneront à bien cette entreprise de charité (…) pour la population, les frères mendiants étaient des hommes de grande confiance, leur incorruptibilité et leur pauvreté incontestables rassuraient le peuple.


(…) Désormais le plus puissant roi d'Europe portera des draps naturels, des robes de chamois, il coupera son vin d’eau (…) Chaque jour, il faisait manger les pauvres à sa table et terminait le repas en leur donnant ses propres deniers…


Le succès de ces maisons de charité était tel que le roi lui-même légua sa propre maison de campagne ainsi que le bois de Pontoise pour faire face aux demandes croissantes d'admission. Il fut un roi bâtisseur au service de la charité. Nul autre souverain ne se soucia autant que lui des plus pauvres, des plus faibles, ce qui, d'ailleurs, suscitait l'admiration de son peuple (…) Il servit lui-même 134 pauvres de l'Hôtel-Dieu de Compiègne et, malgré la fatigue d'une telle besogne, trouva l'énergie nécessaire pour aider un homme au visage couvert de pustules (…) 

A l'abbaye de Chaalis, au nord de Paris, (…) il rendait visite au malade et lavait les pieds des lépreux, puis baisait la pierre où ils s'étaient lavés en disant : « Ah ! Dieu, beaucoup d’hommes Saints se sont lavés ici. »


(…) Aux médisants qui l’accusaient d'entraîner de si grandes dépenses en aumônes et dans la construction de ses fondations religieuses : « Taisez-vous. Dieu m'a donné tout ce que j'ai. Ce que je dépense de cette manière, c’est le mieux dépensé. »


Lui, qui reçut une bonne éducation étant enfant, tenait à ce que les écoliers sans-le-sou pussent recevoir eux aussi une éducation honorable. À la fin des années 1250, à la demande de son professeur et ami Robert de Sorbon, il participa à la fondation d'un collège destiné à accueillir de pauvres étudiants. Robert était l'exemple parfait de l'ascension sociale qui pouvait exister à l'époque ; lui le fils de vilain, grâce a une bourse, put intégrer l'université de Paris et entreprendre des études supérieures et ainsi terminer maître en théologie (…) Pour le soutenir dans son ambitieux projet, Louis IX lui offrit quelques-uns de ses bâtiments pour permettre aux étudiants de s'y installer. Rapidement, une rue entière sera dévouée à l'enseignement. Le nom de Robert de Sorbon allait petit à petit s’effacer pour ne laisser place qu'à sa célèbre fondation connue aujourd'hui sous le nom de Sorbonne.


(…) une confession hebdomadaire ne le comblait pas, deux confesseur, un de jour et un de nuit, se relayaient pour l'entendre (…) Il s'imposait le supplice du port du silice (…) pendant l'Avent et le Carême. Les nombreux jeûnes et les multiples prières nocturnes épuisaient également son corps de jour en jour…


« Les hommes sont étranges, on me fait un crime de mon assiduité à la prière, et on ne dirait rien si j'employais des heures plus longues à jouer aux jeux de hasard, à courir les bêtes fauves, à chasser aux oiseaux. »


Par ce traité, conclu à Paris le 28 mai 1258, Henri III renonçait définitivement à la Normandie, à l'Anjou, à la Touraine, au Maine et au Poitou. De son côté, Louis IX donnait au roi d'Angleterre ses domaines dans les diocèse de Limoges, de Cahors et de Périgueux (…) Le 4 décembre 1259, dans le jardin du palais, le roi d'Angleterre prêta hommage au roi de France en mettant un genou en terre et ses mains dans celles de Louis IX (…) Les barons anglais étaient furieux de cette concession accordée au roi de France…


Dieu qu'il était difficile pour un puissant baron d'intégrer l'idée que, sous le règne de Louis IX, la justice était la même pour tous, quel que soit votre rang, nobles ou simples paysans ! (…) Trois nobles jeunes enfants natifs de Flandre (…) étaient en train de chasser (…) quand leurs courses les fit tirer leur gibier dans le bois du seigneur de Coucy (…) Le seigneur (…) les fit pendre immédiatement (…) Enguerrand de Coucy sera alors libéré sous plusieurs conditions : le paiement d'une amende de 12 000 livres, somme colossale pour l'époque, l'obligation de partir trois ans en croisade, la contrainte de faire construire deux chapelles dans lesquelles des prières devront être chantées tous les jours pour l'âme des trois jeunes, l'obligation de donner à l'abbaye le bois où les jeunes gens avaient été pendus, et enfin, le roi lui retira le droit de haute justice en ses bois et viviers. Le roi, à la droiture si connue, prit l'argent de l’amende et le convertit en bonnes œuvres.


En 1260 (…) la mort de son fils Louis, héritier du trône, tout juste âgé de 16 ans.


Le royaume de France était riche de sa diversité : chaque village, chaque contrée avait ses propres coutumes ; un Bourguignon vivait à la bourguignonne quand un Normand vivait à la normande ! Les habitants de chaque région avaient la liberté d'imaginer leurs règles de vie (…) La coutume, voilà l'usage juridique qui régissait la vie quotidienne de nos ancêtres.


Parmi les paysans, deux catégories se distinguaient : d'un côté les vilains, qui étaient des hommes libres des campagnes, et de l'autre les serfs qui, eux, étaient attachés à une terre. Les premiers représentaient l'essentiel de la population quand les seconds représentaient un triste héritage de l'antique esclavage païen. Au fil des siècles, ils disparaîtront petit à petit grâce notamment au travail acharné des hommes d'Église. Déjà sous Philippe Auguste, les affranchissements de serfs était courants (…) « Les serfs appartiennent à Jésus-Christ comme nous, et dans un royaume chrétien nous nous ne devons pas oublier qu'ils sont nos frères. »


(…) ce fut sous Louis VI le Gros, au début du XIIe siècle, que le mouvement communal eut une existence propre, favorisé par la royauté et l'Église. Cette dernière instaura les premières associations communales, dans le but de défendre le peuple des vexations féodales primitives. La bourgeoisie alors naissante, composée d'hommes libres des bourgs, se composaient presque essentiellement de gens de métiers : des ouvriers, des artisans, des commerçants. Les bourgeois sentaient leur puissance monter doucement, alors ils en profitaient pour réclamer aux seigneurs la mise en place de chartes communales, dans le but d'exercer les pouvoirs judiciaires, civils et administratifs (…) Très vite, la bourgeoisie commençait à s'accaparer beaucoup de pouvoirs et exerçait une domination significative sur le reste de la population. (… ) bref, le roi devait intervenir pour régler les dissensions qui commençaient à naître entre la bourgeoisie et le reste de la population.


L'ordonnance promulguée en 1256 prévoyez aussi l'élection des maires et le contrôle de la comptabilité des villes. Les deux points étaient bien souvent à l'origine des discordes au sein des communes et représentaient les principaux griefs émis contre la bourgeoisie. Chaque année, (…) Louis IX imposait à chaque ville de soumettre leurs comptes à ses propres auditeurs, à la suite de quoi l'autorité royale pouvait les contrôler au sein d'une chambre des comptes, l’ancêtre de notre Cour des Comptes. Une ordonnance de 1262 allait sonner le glas de l'indépendance des communes, car le roi et son gouvernement se mettaient alors à nommer les échevins et les maires (…) Cette mainmise royale, voulue dans le but de limiter les abus et pour protéger les plus faibles des désordres occasionnés par les puissants au fil du temps, fut utilisée par les successeurs du saint roi comme un moyen de contrôle des communes. Leur volonté ne sera plus la justice et la protection des faibles, mais la domination et la soumission des sujets.


Chaque province, comté, duché un simple seigneurie pouvait avoir la capacité de battre monnaie ; dans une France médiévale au territoire morcelé, la multiplicité des monnaies locales rendait le commerce compliqué (…) Au début du siècle, la monnaie qui avait cours était le denier…


En 1269, à Saint-Denis, Louis invita les hommes du souverain musulman à la cérémonie du baptême d'un juif et leur déclama : « Dites de ma part à votre seigneur le sultan de Tunis que je désire si ardemment le salut de son âme je voudrais passer le reste de ma vie dans une prison sarrasine sans même voir la lumière du jour, pourvu que votre roi reçut, avec son peuple et en toute sincérité, le baptême. »


Le retour en terre de France était placé sous la protection des ossements de feu Louis IX (…) La route du retour avait été parsemée de cadavres, le deuil s'était installé tout au long du périple (…) Arrivé à Notre-Dame de Paris, le corps fut exposé au peuple (…) 

Une fois son père inhumé, Philippe put se faire sacrer le 15 août 1271 (…) Il devenait le dixième roi de France de la dynastie capétienne sous le nom de Philippe III le Hardi.

(…) dans chacune des villes traversées, les restes du saint roi faisaient déjà des miracles. Les entrailles laissées en Sicile en accomplissaient déjà de nombreux. Le début d'une longue série de 64 miracles attestés, qui se dérouleront principalement sur son tombeau de Saint-Denis à Paris (…) majoritairement issus de basses conditions sociales, les miraculés étaient des estropiés, des malades, des mendiants, des infirmes. Un malheureux garçon sourd et muet (…) Ou bien cette jeune Mabillette, fille d'un artisan teinturier parisien de quatre ans, à qui il manquait des rotules à ses genoux et qui n'avait jamais pu se tenir debout.


Depuis 1268 et la mort de Clément IV, le siège apostolique était vacant et l’élection de Grégoire X n’intervint qu’après trois longues années, le 1er septembre 1271.


Martin IV confia à d’éminents prélats le soin de mener des enquêtes sur les mœurs, la vie et les miracles de Louis IX. Pour cela, ils durent se rendre à Saint-Denis pour auditionner les témoins des miracles à l'aide d'un questionnaire précis. Pendant un an, 330 témoins de sa vie seront entendus ainsi que 38 de son entourage le plus proche.


En 1297, le pape Boniface VIII prononça enfin la canonisation du roi sous le nom de Saint Louis de France…


Au cours des siècles après la mort de Saint Louis, les rois de France gardèrent précieusement la clé du reliquaire de la Sainte-Chapelle si bien qu’aux temps sombres de la Révolution, lorsque Louis XVI fut arrêté, les révolutionnaires la retrouvèrent dans ses poches.


Autant Saint Louis s'est distingué en ayant été l'exécuteur parfait des recommandations de Saint Rémi, autant son petit-fils, Philippe IV le Bel, en fut l'exact opposé. Mû par l'avidité, la soif du pouvoir et la luxure…


Enseignement de Saint-Louis à sa fille Isabelle : 

« Chère fille, je vous enseigne que vous aimiez Notre-Seigneur de tout votre cœur et de tout votre pouvoir (…) Chère fille, si vous l'aimez, le profit en sera vôtre. La créature est moult dévoyée qui met l'amour de son cœur ailleurs qu’en lui ou sous lui (…) Chère fille, (…) Il me semble qu'il est bon que vous n’ayez pas trop grande abondance de robes à la fois, ni de joyaux, eu égard pourtant à l'État que vous occupez ; mais, au contraire, il me semble mieux que vous fassiez des aumônes, au moins avec le superflu, et que vous ne mettiez pas trop grand temps ni trop grande étude à vous parer et vous orner. »

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