Je n’aurais point voulu habiter une République de nouvelle institution, quelques bonnes lois qu’elle pût avoir.
Les peuples une fois accoutumés à des maîtres ne sont plus en état de s’en passer. S’ils tentent de secouer le joug, ils s’éloignent d’autant plus de la liberté que prenant pour elle une licence effrénée qui lui est opposée, leurs révolutions les livrent presque toujours à des séducteurs qui ne font qu’aggraver leurs chaînes.
(…) c’est surtout la grande antiquité des lois qui les rend saintes et vénérables […] en s’accoutumant à négliger les anciens usages sous prétexte de faire mieux, on introduit souvent de grands maux pour en corriger de moindres.
Connaissant si peu la nature et s’accordant si mal sur le sens du mot loi, il serait bien difficile de convenir d’une bonne définition de la loi naturelle.
(…) on n’est point obligé de faire de l’homme un philosophe avant que d’en faire un homme ; ses devoirs envers autrui ne lui sont pas uniquement dictés par les tardives leçons de la sagesse ; et tant qu’il ne résistera point à l’impulsion intérieure de la commisération, il ne fera jamais du mal […] excepté dans le cas légitime où sa conservation se trouvent intéressée…
(…) je le supposerai conforme de tous temps, comme je le vois aujourd’hui, marchant à deux pieds, se servant de ses mains comme nous faisons des nôtres, portant ses regards sur toute la nature, et mesurant des yeux la vaste étendue du ciel.
Hobbes prétend que l’homme est naturellement intrépide, et ne cherche qu’à attaquer, et combattre.
Il en est ainsi de l’homme même : en devant sociable et esclave, il devient faible, craintif, rampant, et sa manière de vivre molle et efféminée achève d’énerver à la fois sa force et son courage.
(…) il aura le toucher et le goût d’une rudesse extrême ; la vue, l’ouïe et l’odorat de la plus grande subtilité.
(…) ce n’est donc pas tant l’entendement qui fait parmi les animaux la distinction spécifique de l’homme que sa qualité d’agent libre. La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer, ou de résister…
(…) il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c’est la faculté de se perfectionner ; faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu, au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans.
(…) l’entendement humain doit beaucoup aux passions […] nous ne cherchons à connaître que parce que nous désirons de jouir, et il n’est pas possible de concevoir pourquoi celui qui n’aurait ni désir ni crainte se donnerait la peine de raisonner. Les passions, à leur tour, tirent leur origine de nos besoins, et leurs progrès de nos connaissances ; car on ne peut désirer ou craindre les choses que sur les idées qu’on en peut avoir, ou par la simple impulsion de la nature…
Qu’on songe de combien d’idées nous sommes redevables à l’usage de la parole ; combien la grammaire exerce et facilite les opérations de l’esprit ; et qu’on pense aux peines inconcevables, et au temps infini qu’a dû coûter la première invention des langues ; qu’on joigne ces réflexions aux précédentes, et l’on jugera combien il eût fallu des milliers de siècles, pour développer successivement dans l’esprit humain les opérations dont il était capable.
(…) car si les hommes ont eu besoin de la parole pour apprendre à penser, ils ont eu bien plus besoin encore de savoir penser pour trouver l’art de la parole…
La définition seule du triangle vous en donne la véritable idée : sitôt que vous en figurez un dans votre esprit, c’est un tel triangle et non par un autre…
(…) il faut donc parler pour avoir des idées générales ; car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours.
C’est la raison qui engendre l’amour-propre et c’est la réflexion qui le fortifie ; c’est elle qui replie l’homme sur lui-même [..] ; c’est la philosophie qui l’isole.
On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre ; il n’a qu’à mettre ses mains sur ses oreilles et s’argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l’identifier avec celui qu’on assassine.
Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avise de dire : « Ceci est à moi », et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile.
A force de se voir, on ne peut plus se passer de se voir encore.
Chacun commença à regarder les autres et vouloir être regardé soi-même, et l’estime publique eut un prix.
Les riches […], quelque couleur qu’ils pussent donner à leurs usurpations, ils sentaient assez qu’elles n’étaient établies que sur un droit précaire et abusif et que n’ayant été acquises que par la force, la force pouvait les leur ôter sans qu’ils eussent raison de s’en plaindre.
(…) le riche, pressé par la nécessité, conçut enfin […] d’employer en sa faveur les forces mêmes de ceux qui l’attaquaient, de faire ses défenseurs de ses adversaires, de leur inspirer d’autres maximes, et de leur donner d’autres institutions qui lui fussent favorables que le droit naturel lui était contraire.
(…) le despotisme […] C’est ici que tous les particuliers redeviennent égaux parce qu’ils ne sont rien.
Telle est, en effet, la véritable cause de toute ces différences : le sauvage vit en lui-même ; l’homme sociable toujours hors de lui ne fait vivre que dans l’opinion des autres, et c‘est, pour ainsi dire, de leur seul jugement qu’il tire le sentiment de sa propre existence.
Notes :
Il semble donc que l’homme, ayant les dents et les intestins comme les ont les animaux frugivores, devrait naturellement être rangé dans cette classe.
La durée de la vie des chevaux, dit M. de Buffon, est comme dans toutes les autres espèces d’animaux proportionnée à la durée du temps de leur accroissement.
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