Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m’y serais une fois déterminée, que si elles eussent été très assurées.
Et ceci fut capable dès lors de me délivrer de tous les repentirs et les remords, qui ont coutume d’agiter les consciences de ces esprits faibles et chancelants, qui se laissent aller inconstamment à pratiquer comme bonnes, les choses qu’ils jugent après être mauvaises.
(…) je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle.
Mais ce ne pouvait être le même de l’idée d’un être plus parfait que le mien : car, de la tenir du néant, c’était chose manifestement impossible ; et parce qu’il n’y a pas moins de répugnance que le plus parfait soit une suite et une dépendance du moins parfait, qu’il y en a que de rien procède quelque chose, je ne la pouvais tenir non plus de moi-même. De façon qu’il restait qu’elle eût été mise en moi par une nature qui fût véritablement plus parfaite que je n’étais, et même qui eût en soi toutes les perfections dont je pouvais avoir quelque idée, c’est-à-dire pour m’expliquer en un mot, qui fût Dieu. A quoi j’ajoutai que, puisque je connaissais quelques perfections que je n’avais point, je n’étais pas le seul être qui existât […] mais qu’il fallait, de nécessité, qu’il y en eût quelque autre plus parfait, duquel je dépendisse, et duquel j’eusse acquis tout ce que j’avais.
(…) je ne devais aucunement consentir qu’ils fusent publiés pendant ma vie, afin que ni les oppositions et controverses, auxquelles ils seraient peut-être sujets, ni-même la réputation telle quelle, qu’ils me pourraient acquérir, ne me donnaient aucune occasion de perdre le temps que j’ai dessein d’employer à m’instruire.
Et je n’ai jamais remarqué non plus que, par le moyen des disputes qui se pratiquent dans les écoles, on ait découvert aucune vérité qu’on ignorât auparavant ; car, pendant que chacun tâche de vaincre, on s’exerce plus à faire valoir la vraisemblance, qu’à peser les raisons de part et d’autre ; et ceux qui ont été longtemps bons avocats ne sont pas pour cela, par après, meilleurs juges.
Et si j’écris en français, qui est la langue de mon pays, plutôt qu’en latin, qui est celle de mes précepteurs, c’est à cause que j’espère que ceux qui ne se servent que de leur raison naturelle toute pure jugeront mieux de mes opinions que ceux qui ne croient qu’aux livres anciens.
(…) et je me tiendrai toujours plus obligé à ceux par la faveur desquels je jouirai sans empêchement de mon loisir, que je ne ferais à ceux qui m’offriraient les plus honorables emplois de la terre.
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