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mercredi 28 août 2019

« C’était pas mieux avant, ce sera mieux après » d’Aurélie Charon (2019)


Un sentiment a disparu : la fierté de vivre dans ce pays (…) J’ai ressenti la fierté en étant à l’étranger. Je l’ai vue das les yeux de ceux qui avaient lu la France (…) Je pense aux jeunes que j’ai rencontrés. ils me parlent de la « France d’avant ». La France d’avant, c’est celle qu’on lit et que les vivants oublient souvent de réactiver? celle que les étrangers imaginent et que les Français ne voient plus.

C’est dur de ne pas commencer par une vengeance. Rare de trouver que le monde s’est bien comporté avec nos parents. Il y a des gens bien dont personne n’a parlé, qui n’ont jamais été remerciés. la moindre injustice dont on a été témoin, on voudra y répondre quand ce sera notre tour.

Au collège Romain-Rolland de Déols, ce n’est pas du tout cool de parler de ta prière, ta croix, ta mosquée ou ton cours de caté. Ce n’est même pas un sujet. Ça existe ailleurs, c’est un possible du week-end, un hors champ silencieux. Une pratique un peu has been liée aux parents, que tu fais si on t’y a inscrit au début de l’année.

Dans le bus Tel-Aviv-Jérusalem, le fusil de ma voisine en uniforme tombe sur mes genoux, étrange effet (…) Elle me fait réaliser le luxe de notre quotidien. « Vous n’êtes pas conscients de votre chance, traverser des frontières en voiture, ne pas faire votre service militaire. Là où j’ai vécu une vie normale, c’était en Europe. »

En arrivant en France, Amir était tout le temps disponible, comme à Gaza (…) « Vous souffrez de la solitude. Ici on vit seul. Je suis devenu Français, je suis fatigué et stressé (…) Nous, les Arabes, on dit toujours : « Oui, ça va ! » Et même si c’est faux, on a oublié que ça n’allait pas, parce qu’on a dit aux gens que ça allait. Ici il faut toujours monter qu’on « déprime » un peu… »

« Chère Aurélie, 
(…) Ici à Alger, c’est ambiance fin du ramadan. Des soirées un peu festives, partout, qui cachent des journées pénibles, pas à cause du jeûne, mais plutôt des comportements « moralisateur » des hommes vis-à-vis des femmes qui s’accentuent en ce mois « sacré ». Je ne sais pas si tu es au courant de ces affaires. Une joggeuse a été agressée, soutenue par d’autres femmes revendiquant le droit de courir, où et quand elles veulent (…) Sur le plan individuel, je suis tout simplement menacée de mort par mon frère, et ce depuis le mois de décembre dernier (…) La cause, eh bien : je ne ressemble pas aux filles de la famille qui portent un hijab intégral, qui n’ont pas fait d’études et de travaillent pas. Elles sont bien installées dans leur foyer avec leur mari et leurs enfants. Moi, je suis un honte, qui part en mission, qui rentre tard, qui travaille, qui met un jean (même avec un foulard). » (été 2018)

Mars 2019, je reçois de nouveaux messages de Samia :« Elle est très belle Alger ces jours-ci. On a un sentiment de retrouvailles, on se redécouvre. On réalise que la société a beaucoup évolué. Imagine, les jeunes des quartiers qui étaient, il n’y a pas si longtemps, fiefs des islamistes, sont sortis scander « République, liberté ». On a avancé d’un siècle !!! »

Amir est devenu plus prudent avec ses « J’aime la France : il se faisait reprendre. tu ne peux pas dire ça, tu ne vois pas ce qu’il se passe, mais enfin, comment oses-tu. On le prenait pour un nationaliste. Il le dit maintenant quand il a confiance - en ajoutant que ce n’est pas de la naïveté, mais de l’espoir. Parfois je sens qu’Amir a peur pour nous (…) « Je ne me suis jamais dit que je voulais être français, je le suis devenu avec le temps, influencé par un mode de vie, une culture et une politique du vivre-ensemble (…) je sais ce que la France m’a apporté par sa culture, sa conscience politique, son ouverture sur le monde et ses idées d’égalité et de fraternité. »

Dans le quartier, si tu t’appelles Robin, il faut faire tes preuves plus que les autres. « Tu es un petit Blanc ». Il faut montrer que tu peux être plus fou, aller plus loin. Que tu es du bon côté : celui du quartier, pas celui des flics et de l’autorité. Robin parle des « Français » comme s’il n’en faisait pas partie. Dans sa bouche, les Français, ce sont ceux des villes et des villages, qui ne font pas de fautes d’orthographe et qui, presque, portent des bérets. Il a le même imaginaire qu’un étranger alors qu’il n’est né à Marseille (…) « Je pense qu’on nous a mis trop de choses en tête, on rêve trop d’avoir ce qu’on voit à la télé, dans les clips, on rêve trop, ici. (…) Robin a observé la mode passer de : être arabe, à vouloir être italien. Italien, ça marche bien là en ce moment (…) « on fait des rencontres sur Internet, mais dans le réel on se retrouve seul (…) A Marseille s’il y a plus Internet un jour, y a une révolution ! » (…) Il parle vite, les amis sont des « collègues », il ne faut pas « la lui faire à l’envers ». Il va sur ses 24 ans (…) A Pôle emploi, il a choisi « espaces verts » - il pensait en apprendre sur les plantes, mais les collègues se moquent : qu’est-ce qu’on s’en fout des araignées, des bêtes, des herbes, des arbres. « L’argent, les femmes, il n’y a que ça : le reste ils s’en foutent. »

Nour a consacré son temps libre à rassurer les autres. Chaque geste devait être une réponse à : tu es de quel côté ? Tu as choisi ton camp ? Tu préfères a France à tes origines ?

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