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lundi 6 mai 2019

« Chatouny » de Iouri Mamleïev (1986)


Elle avait toujours l’air hilare, béat, donnait l’impression de déguster, en permanence, une confiture invisible. Ses petites mains délicates ne cessaient de bouger, comme pour agripper quelque chose. 

Le gamin […] sortait de l’ordinaire. Il avait pour particularité de cultiver sur son corps maigre et tortu des colonies de boutons, furoncles et mycose qu’il passait son temps à gratter, à détacher avec ses ongles, pour les manger. Il en faisait même des soupes, vivant ainsi en quasi-autarcie. Pas étonnant qu’il fût si maigre !

C’est d’ailleurs à proximité d’une gigantesque décharge en décomposition que Pacha l’avait prise pour la première fois. Elle s’était convulsivement tortillée en tous sens, tel un insecte, son visage plissé de bonheur dans la veste de Pacha. Puis elle avait ricané bêtement. 

Auparavant déjà, Lydia avait noté, un peu étonnée, que Pacha braillait pendant l’accouplement, telle une bête qu’on égorge. Puis il se roulait longuement sur le sol, se mordant les bras de volupté comme s’il se fût agi de deux énormes phallus, sourd alors à tout ce qui n’était pas son plaisir.

… sa concupiscence nue, géante, qui pareille à des oreilles d’éléphant, recouvrait la terre. 

… une bouche voluptueuse mais sans rien de provocant, comme muselée au contraire…

- Exactement, renchérit Claudia, enthousiaste et pulpeuse. Et maintenant qu’est-ce que vous diriez d’un petit dodo ? Une petite sieste dès le matin. J’ai creusé trois trous dans le jardin, y a de ça longtemps. Pis, j’y ai mis de l’herbe ! De vraies petites tombes de verdure ! J’y ai dormi trois fois.
Padov éclata de rire et, regardant Anna :
- Quelle synthèse ! Quelle synthèse formidable ! 

- Absolument pas, répondit-il, si désemparé qu’il en bavait presque.

Les castrats cependant - quelques sept personnes - dansaient visqueusement sur place, tordant leurs corps dépourvus de sexe. Leurs chemises blanches flottaient au vent, pareilles à des suaires. Éclairés par la cire livide des bougies, leurs visages jaunes, desséchés, se tournaient vers le ciel, rampaient vers le Seigneur. La sueur inondait leur peau tremblante, qui semblait prête à se décoller. […] L’un deux glapissait : - Et je galope, je galope ! A la recherche du Christ !

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