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vendredi 18 janvier 2019

« Le maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov (1939)


Puis un rideau de pluie uniforme voila la fenêtre. Des paraphes de feu rayèrent le ciel…

Du pilori le plus proche parvenaient les accents rauques d’une absurde chanson. L’homme qui était pendu - Hestas - avait perdu la raison vers la fin de la troisième heure, à cause du soleil et des mouches ; maintenant, il chantonnait doucement on ne sait quoi à propos de raisin. Toutefois il secouait encore, par moments, sa tête coiffée d’un turban ; alors les mouches s’envolaient paresseusement de son visage, pour revenir s’y poser l’instant d’après.

Le brouillard qui planait sur le paysage s’accrochait par lambeaux aux buissons de la falaise.

Et sur ce plat, Marguerite vit une tête d’homme coupée, dont les dents de devant étaient brisées. Un silence total régnait toujours, qui ne fut interrompu qu’une fois par un tintement, affaibli par la distance - et incompréhensible dans la conjoncture présente - le tintement de la sonnette d’une porte d’entrée.

« Ah ! Comme je suis contente ! Jamais de ma vie je n’ai été aussi contente ! Mais pardonnez-moi, Azazello, de me montrer toute nue ! » 
Azazello lui dit de ne pas s’en inquiéter, et affirma qu’il avait déjà vu non seulement des femmes nues, mais même des femmes avec la peau complètement arrachée. Sur ce, il prit volontiers place à table, après avoir déposé dans un coin un paquet enveloppé de brocart sombre.

Le Maître marchait avec son amie, dans l’éblouissement des premiers rayons du matin, sur un petit pont de pierres moussues. Ils le franchirent. Le ruisseau resta en arrière des amants fidèles, et ils s’engagèrent dans une autre allée sablée. 
« Ecoute ce silence, dit Marguerite, tandis que le sable bruissait légèrement sous ses pieds nus, écoute, et jouis de ce que tu n’as jamais eu de ta vie – le calme ».

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