Le Gauleiter Robert Wagner a été désigné à Strasbourg (…) Herr Wagner, quarante-quatre ans, la tête de l’emploi, est un ami personnel de Hitler et de Goebbels. Le Führer le connaît depuis 1923, depuis l’école d’infanterie de Munich, et lui accorde une totale liberté d’action (…) Antichrétien convaincu, il estime devoir mettre les Eglises au pas, surtout ces chiens de catholique qui « pensent que les faibles sont les plus forts », une idée de fou furieux, de subalterne, de dégénéré. En 1940, il a fait incarcérer Mgr Gröber, archevêque de Fribourg, à cause de son sermon de la Saint-Sylvestre, jugé subversif, mais le Führer n’était pas pressé et préférait, disait-il, attendre « la victoire finale » pour en finir avec les chrétiens (…) Mêmes initiales que l’Enchanteur de Bayreuth, RW, qu’il a fait broder sur ses mouchoirs de fil blanc.
- Mon père dit que c’est le Front Populaire qui nous a mis dedans, ça nous a rendus mous, flasques comme des boyaux de poulet. Ils en prennent des vacances, les Allemands ? Je t’en fiche ! Ils empilent les caisses de balles, les obus, peignent leurs tanks en vert pendant qu’on part en congés payés et qu’on fait grève sur grève (…) Les Français sont des gonzesses !
- Tu dis n’importe quoi !
Jeanne d’Arc n’était qu’une pucelle, une gamine, une gardeuse de moutons illettrée ; elle n’avait pas la stature d’un capitaine d’alors, des brutes, presque des sauvages. Vous êtes-vous jamais demandé comment cette donzelle avait réussi à se faire obéir par ces chevaliers aguerris qui puaient la bouse ? Ils étaient subjugués par la puissance de sa foi, de ses convictions, de sa mission et, surtout, elle les aimait, d’un amour pur et sans borne. Se faire aimer, voilà le nerf de la guerre, le moteur de tout. Qui sait aimer obtient tout. Ce n’est pas pour rien que Napoléon partageait la soupe de ses grognards et dormait avec eux. Quand le soldat se sent aimé, il se fait tuer de bon cœur ! Les indifférents, les indolents précipitent la chute de ce monde, de la République et de ses valeurs.
Un gars du Nord, Pétain, discret sur ses opinions personnelles, un catholique qui, gamin, servait la messe… Tout le monde l’apprécie, le respecte, même Léon Blum qui le décrit, le 3 mars 1939, dans Le Populaire, comme « le plus noble et le plus humain de nos chefs militaires »…
Parce que la ville compte le plus grand nombre de chambres d’hôtels de France, qu’il sera possible de transformer en ambassades et ministères, que son standard téléphonique est flambant neuf, que Pierre Laval possède un château non loin, près de Châteldon… Les Vichyssois n’ont rien demandé, la décision leur est imposée ; ils regardent, impuissants, leur opéra devenir le siège de la Chambre des députés…
Dès la mi-juin 1940, les Allemands ordonnent le retour des Alsaciens et Mosellans dans les territoires annexés au Reich… L’injonction a été transmise aux populations évacuées ; la majeure partied décide de n’en rien faire.
(…) une espèce de jargon né de l’esprit du Führer qui adore recycler les mots dans un sens nouveau (…) charakterlich, qui signifie « inébranlable de caractère », forgé de toute pièce pour symboliser une des principales vertus de « l’homme nouveau » (…) Ils préfèrent dire « évacuer » au lieu de « déporter », « se déclarer » au lieu de « se constituer prisonnier » ; ils préconisent la pacification, qui revient à mettre en place une campagne de mise à mort des opposants. Tout se passe sans cesse Planmänig : comme prévu ; ils voient partout des « fanatiques », inventent un nouveau verbe pour dire « tuer » : liquidieren…
Pas un pfennig n’est destiné à améliorer l’ordinaire, tout l’argent dont la Main Noire dispose est réservé à l’achat d’encre, de papier, de fournitures, de colle, de médicaments, de vivres. « Pas question de s’offrir des cigarettes, on ne fume pas au lieu de se battre ; pas question de boire la goutte, l’alcool rend idiot, distrait, inefficace », prévient Marcel en comptant avec Charles le butin des rapines opérées dans plus d’une centaine de véhicules pillés par l’organisation.
Jean-Pierre Mourer, par exemple, ancien député communiste de Strasbourg en 1928, devenu par opportunisme membre de la Gauche indépendante, et réélu, a été nommé, en janvier, Kreisleiter - chef local du parti nazi et de l’administration - de Mulhouse par les autorités allemandes (…) Mais celui qui a depuis germanisé son prénom et se fait appeler Hans-Peter Murer apprend vite, il s’adapte…
(…) la prison Sainte-Marguerite, qui, soixante ans plus tard, allait devenir le siège de la prestigieuse École nationale d’administration…
La campagne de Russie permet de comprendre la genèse du tristement célèbre décret sur les prisonniers, Nacht und Nebel - Nuit et brouillard (…) Hitler veut « maintenir l’ordre dans les pays conquis à l’Ouest » pendant qu’il attaque son ennemi à l’Est (…) C’est en France, au cours de l’été et de l’automne 1941, qu’il trouve le prétexte politique pour justifier de nouvelles mesures (…) La réflexion du Führer aboutir à la publication des décrets dits NN - Nacht und Nebel Erlass. Pourquoi cette dénomination, vite réduite à son sigle ? C’est dans L’Or du Rhin, l’opéra de Richard Wagner, qui jouit de l’admiration du Führer, que l’on trouve le sens communément admis de ce symbole ; sur la scène, un personnage en maudit un autre : « Nacht un Nebel niemand gleich ! » - Nuit et brouillard plus personne ! - dont aussitôt la forme humaine disparaît dans une colonne de fumée…
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