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mercredi 19 juillet 2017

"La mort à Venise" de Thomas Mann (1912)

L’insatisfaction, certes il l’avait dès l’adolescence tenue pour l’essence même, le fond intime du talent. Pour l’amour d’elle il avait réfréné le sentiment, il l’avait empêché de s’échauffer, parce qu’il le savait insouciant, enclin à se contenter d’à-peu-près, d’une demi-perfection.


(…) cette molle pitié qui fait dire que tout comprendre c’est tout pardonner.


De la solitude naît l’originalité, la beauté en ce qu’elle a d’osé, et d’étrange, le poème. Et de la solitude aussi, les choses à rebours, désordonnées, absurdes, coupables.


Il arriva néanmoins un peu en avance dans le hall où il trouva rassemblés la plupart des hôtes qui, ne se connaissant pas, feignaient de s’ignorer les uns les autres, alors que l’attente du repas mettait un lien entre eux.


(…) le murmure de la mer plongée dans la nuit montait doucement vers les âmes pour leur faire ses mystérieuses confidences. Ces soirs portaient en eux la joyeuse promesse d’une nouvelle journée faite de soleil et de loisirs, ordonnée avec aisance et parée des innombrables possibilités qu’un hasard charmant réunit à portée de la main.


(…) l’homme aime et respecte son semblable tant qu’il n’est pas en état de le juger, et le désir est le résultat d’une connaissance imparfaite.


Il avait la tête et le cœur pleins d’ivresse, et ses pas suivaient le démon qui se complaît à fouler aux pieds la raison et la dignité de l’homme.

C’était Venise, l’insinuante courtisane, la cité qui tient de la légende et du traquenard, dont l’atmosphère croupissante a vu jadis une luxuriante efflorescence des arts et qui inspira les accents berceurs d’une musique aux lascives incantations. 

Sur les marches de la citerne, au milieu de la place, il s’affala, la fête appuyée à la margelle de pierre. Pas un bruit, l’herbe poussait entre les pavés, des détritus étaient épars alentours. Parmi les maisons inégales et dégradées qui entouraient la place, il y en avait une qui avait l’air d’un palais, avec des fenêtres en ogive derrière lesquelles habitait le vide, et de petits balcons ornés de lions.

Sur la vaste étendue d’eaux basses qui séparait du bord le premier banc de sable, d’un bout à l’autre de la surface, de légères rides couraient […]. Un appareil photographique dont on ne voyait pas à qui il appartenait reposait sur son pied, au bord de l’eau, et le voile noir posé dessus claquait au vent qui avait fraîchi. 

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