… en 1968 des violences et des
massacres furent perpétrés après la mise en place des comités révolutionnaires
et au nom du nouvel appareil d’Etat (…) les assassins qui avaient abusé de la
violence et les auteurs de tueries sanglantes étaient pour la plupart des
militaires, des miliciens armés et des apparatchiks du Parti…
(…) environ 48 000 membres du
Parti étaient des assassins.
(…) les « cinq espèces noires », également appelées « cinq catégories noires »,
elles désignent les propriétaires fonciers, les paysans riches, les
contre-révolutionnaires , les mauvais éléments et les « droitiers ». Un « droitier »
est un individu faisant preuve d’une sensibilité politique trop bourgeoise
selon les critères maoïstes.
Selon les statistiques, 0,5% de
la population fut tuée, soit environ trois millions de personnes !
En août 1966, la « destruction des quatre
vieilleries » (vieilles idées, culture, coutumes et habitude) par les
Gardes rouges de Pékin entra dans un phase de fureur.
(…) le 18 mars 1967, partout dans
les rues était affiché l’avis publié par le comité de contrôle des Affaires
militaires du bureau de la Sécurité publique (plus connu sous le nom
d’ « Avis du 18 mars ») qui stipulait que onze espèces
d’individus et leur famille devaient être déportées à la campagne. L’expression
« onze espèces d’individus »,
qui entra rapidement dans le vocabulaire courant, désignait : les
propriétaires terriens, les capitalistes, les membres de bandes de malfaiteurs,
les contre-révolutionnaires, les mauvais éléments, les officier réactionnaires,
les policiers et gendarmes fantoches, et les espions.
La Révolution culturelle fur
officiellement lancée le 1er mai 1966. Dans les premiers jours du mois de juin,
les organisations de Gardes rouges, fortement imprégnées d’idéaux féodaux,
firent leur apparition dans les écoles secondaires. On les appela par la suite
les « vieux gardes rouges ». Pour adhérer au groupe, il fallait être
issu d’une famille influente (…) Dans les établissements scolaires, ils
tabassèrent les directeurs et les enseignants et, non contents de « mettre en pièces » le « système éducatif
réactionnaire », orientèrent leur surplus d’énergie contre la société
en lançant le mouvement de « perquisition
et confiscation ».
Le 18 août, Mao Zedong accueillit
les « vieux Gardes rouges »
sur la place Tian’anmen.
Après le « 18 août »,
la notoriété des Gardes rouges ne cessa de grandir. Leur ignorance, leurs
préjugés et, de plus, le pouvoir illimité qui leur avait été conféré les
ravalèrent au rang de bêtes sauvages et anéantirent leur conscience. Les
« perquisitions » consistaient à pénétrer chez les gens, à confisquer
leurs biens et à les détruire.
A Dongsi, un vieux couple de
« capitalistes » fut frappé jusqu’à l’agonie par les Gardes rouges
qui, ensuite, forcèrent son fils à prendre le relais ; Ce dernier, élève
dans un lycée, brisa le crâne de son père à l’aide d’haltères puis sombra dans
la folie.
Plusieurs milliers de collégiens
portant treillis, les armes à la main, montèrent dans des bus spécialement
affrétés par l’Etat et convergèrent vers le quartier où avait eu lieu
l’incident. Le « nettoyage par le sang » y dura sept
jours. Beaucoup de gens furent sauvagement tabassés et un bon nombre mourut de
mort violente.
(…) on obligea chaque famille des
environs à verser, par le col du chemisier d’une veuve vivant seule, une
Thermos d’eau bouillante jusqu’à ce que sa peau tombât en lambeaux.
Les Shao (…) avaient entreposé
chez eux de grandes quantités d’huile de sésame et de sucre blanc. Les Gardes
rouges contraignirent les membres de cette famille à ingurgiter l’huile et à
ingérer le sucre.
D’abord, on enfermait ensemble
ceux qui devaient être exécutés. Ensuite, on les faisait sortir, un à un, pour
les liquider. Ceux qui se trouvaient encore à l’intérieur ne savaient rien du
sort qui leur était réservé.
(…) époque où la lutte des classes
battait son plein et où on demandait aux enfants de « riches propriétaires terriens » de frapper leurs parents.
On couvrait de louanges ceux qui dénonçaient les « crimes » de leur
père ou de leur mère et on les récompensait en les invitant à visiter le grand
hall de l’Assemblée nationale populaire.
L’éducation qu’avaient reçues les « vieux Gardes rouges » et la
propagande dont on les gavait relevaient toutes deux du principe suivant :
« une classe doit en opprimer une
autre. » Ils trouvaient donc naturel de persécuter, voire d’exécuter,
les « ennemis de classe » et
leurs rejetons.
Le 15 septembre 1966, Mao Zedong
accueillit pour la troisième fois les Gardes rouges sur la place
Tian ‘anmen. Lin Biao leur annonça : « Soldat Gardes rouges… les grandes lignes de votre lutte sont
globalement justes. Le président Mao et la direction du Parti vous
soutiennent ! (…) Tous ces dirigeants qui ont emprunté la voie
capitaliste, toutes ces soi-disant sommités réactionnaires de la bourgeoisie,
les vampires, les parasites, ont tous été exterminés grâce à vous. Vous avez
agi avec justesse et talent ! ».
Les hommes de Daxin éliminèrent
d’abord les plus jeunes des « cinq
espèces noires », dans le secret le plus absolu afin de prévenir
d’éventuelles émeutes. Puis ils tuèrent les plus vieux (…) Enfin les
nourrissons étaient le plus souvent tranchés en deux.
(…) les cadres d’une brigade du
village de XIliangge (…) doutant des ordres donnés lors de la réunion, se
rendirent la nuit même (…) au comité de la municipalité de Pékin pour demander
une entrevue avec les autorités, afin de savoir si ces décisions n’étaient pas
contraires à l’esprit insufflé par le gouvernement central.
(…) à Dongliangge, on avait
enterré quelqu’un vivant…
Lorsque nous faisions la queue
pour entrer dans la cour, nous voyions des hommes vivants, ligotés et
agenouillés et des cadavres étendus sur le sol, baignant dans leur sang (…)
Ceux qui nous interrogeaient, les yeux injectés de mépris, étalaient leur
puissance, tenant chacun dans une main un gourdin…
Les deux fils de la famille Chen
implorèrent à genoux : « Ne
nous tuez pas ! Nous ne vengerons pas notre père. » Sans lui
laisser le temps de s’expliquer, un nommé Tian tua toute la famille à l’aide
d’une masse à cochon. En fait, celui-ci avait contracté une dette auprès de
cette famille et, en l’éliminant, il n’était plus obligé de l’honorer.
Certains, à qui les « cinq espèces
noires » avaient prêté des biens, s’empressèrent de les tuer pour ne
pas avoir à les restituer. Pis encore, d’autres mirent la main sur leurs
épouses et donnèrent à cet acte le doux nom de « changement de position sociale. »
Certains, également, tendaient un
câble électrique devant la porte et quand la personne sortait, elle recevait
une décharge. La famille était exterminée sans la moindre entrave.
A Macun, une grand-mère et son
petits-fils furent enterrés vivants. Lorsque le meurtrier commença à jeter de
la terre sur eux, le jeune enfant enfoui dans les bras de sa grand-mère
cria : « Mamie, j’ai de la
terre dans les yeux. » La vieille dame lui répondit,
impuissante : « La douleur
cessera dans un instant. »
Comme l’armée avait reçu l’autorisation
de « soutenir les gauchistes » et que le gouvernement central se
gardait bien de lui dire qui ils étaient, elle se fiait à son propre
jugement.
Dans tout le bourg, on pouvait
lire le slogan suivant : « Exterminons
définitivement les « quatre catégories noires » (propriétaires
terriens, réactionnaires, paysans riches et intellectuels) et préservons pour l’éternité toutes les générations rouges du pays
(ouvriers, paysans « pauvres et moyen-pauvres »…) »
L’esprit candide, Jiang Xiaochu
s’en vint défendre ses proches auprès de la brigade, en citant les propos de
Mao Zedong : « Nul n’est
responsable de son origine de classe car chacun a le pouvoir de choisir sa
voie ». Il fut, à son tour, emprisonné et, comme les autres captifs,
condamné à mourir.
Beaucoup d’autres résidents du district
de Dao travaillant dans d’autres régions furent piégés par de faux télégrammes
qui les priaient de « Revenir vite
car mère malade »…
Les habitants de Dao n’osaient
plus boire l’eau de la rivière, souillé qu’elle était par les cadavres. Le prix
de l’eau vendue auprès des cinq puits de la ville se mit à flamber et ces
points de ravitaillement furent pris d’assaut par la population.
Dans les rues, on pouvait lire le
dazibao suivant : « Buvons
l’eau de la rivière au nom de la révolution ! » Certains
révolutionnaires forcenés appliquèrent ce slogan à la lettre.
On attend toujours que les
dirigeants en place et les historiens concernés fournissent aux contemporains
et aux générations futures des explications claires et concises quant à ces
massacres. Cependant, plus de trente ans se sont écoulés et la population reste
étonnamment muette, comme si rien ne s‘était produit, comme si tout cela
n’était qu’une légende lointaine.
Au printemps de 1985, à propos
des raisons qui avaient motivé son crime, un assassin déclara sans la moindre
hésitation : « C’étaient des
ennemis de classe et ils nous exploitaient (…) Comment le président Mao
aurait-il pu se tromper ? »
Un autre criminel répondit plus
simplement : « Quand mon chef
me sommait de tuer, je le faisais et je le ferais encore s’il me le demandait
aujourd’hui. »
Ce qui est curieux, c’est que des
individus furent arrêtés et condamnés non pas parce qu’ils avaient dirigé les
tueries pendant ce mois d’août sanglant ou tué de leurs propres mains un
certain nombre de gens, mais parce que, malgré l’ordre explicite d’arrêter les
massacres abusifs, ils n’en firent qu’à leur tête et continuèrent à commettre
des crimes effroyables.
« Du début des massacres jusqu’à leur fin, aucun supérieur ne
m’avait dit que tuer était un crime. On disait que la rébellion était juste et
que la révolution n’était pas un délit ; on faisait confiance aux masses
et on respectait leur esprit créatif… je ne pouvais pas devancer
l’époque… »
Beaucoup de jeunes garçons et de
jeunes filles de milieu aisé se jetèrent ainsi dans la révolution et rompirent
les liens avec leur riche famille. Pendant la réforme agraire ou pendant la
répression des contre-révolutionnaires, ils envoyèrent même leurs propres
parents à l’abattoir afin de prouver leur radicalisme. Ces cas n’étaient pas
rares.
Il arracha un sabre des mains d’un
milicien, le brandit puis, sans cligner de l’œil, d’un seul coup, trancha la tête
de sept personnes. La lame étant un peu émoussée, le sabre vint buter contre le
cou de la huitième. Il se mit à jurer puis, comme s’il ameublissait la terre
avec une binette, lui défonça le crâne. Il était couvert de sang de la tête aux
pieds.
Il pénétra dans la maison de la
famille qu’il avait désignée et, sans prononcer la moindre parole, tua d’un
coup de gourdin l’aîné, celui-là même qui lui avait ouvert la porte. Le
deuxième frère, apeuré, s’enfuit en courant. Hu le rattrapa, le souleva et le
tua en le projetant violemment sur le sol. Il sortit le petit dernier du
berceau et (…) attrapa l’enfant par les pieds, le jeta sur le sol du plus fort
qu’il put. Le crâne éclata et la petite cervelle sanguinolente éclaboussa ses
jambes.
Ce jour-là Hu Maochang reçut une
prime de cinquante-cinq yuans, soit bien plus que ce qu’il avait obtenu en « point
travail » au terme de l’année écoulée.
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