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mardi 19 janvier 2021

« La rose blanche - Six Allemands contre le nazisme » d’Inge Scholl (1953)

La vraie grandeur est sans doute dans cet obscur combat ou, privés de l'enthousiasme des foules, quelques individus, mettant leur vie en jeu, défendent, absolument seuls, une cause autour d’eux méprisée. Ils luttent, avec un humble héroïsme, pour ce qui est modeste, très quotidien, mais non point sans valeur…

En un temps d'extrême misère, nous expliqua notre père, tout ce qui est mauvais prend le dessus.


Au début de 1942, nous avons trouvé à plusieurs reprises des lettres ronéotypées, distribuées dans les boîtes aux lettres. Elles contenaient des extraits de sermons prononcés par l'évêque de Münster, von Galen. Ces appels, courageux et sincères, rendaient un son admirable. 

(…) « le 12 juillet, la police secrète d'État réquisitionnait les deux établissements de la Société de Jésus, chassait les habitants de leur propre demeure, contraignait les Pères et les Frères à quitter immédiatement, non seulement leurs domiciles, mais aussi les provinces de Westphalie et de Rhénanie (…) On a réservé le même sort pénible, également hier, aux Sœurs. Après inventaire, les maisons et les propriétés de l'ordre était expropriées pour le compte du Gouvernement Militaire de la Westphalie du Nord (…)

Nous voyons maintenant clairement ce que cachaient ces idées qu'on prétend nous inculquer depuis quelques années. On a banni la religion de nos écoles, interdit nos réunions, et voici qu'on veut même s'en prendre à nos jardins d'enfants. Tout cela prenait source dans une haine profonde du christianisme, que l'on voudrait éliminer (…) D'autres, des schismatiques pour la plupart, frappent sur nous. Ils veulent réformer notre peuple, notre jeunesse, et le détourner du chemin à Dieu (…) 

Le soupçon est général [concernant le sort des malades mentaux] : ces morts nombreuses, subites, ne sont pas naturelles. On a commis ce crime selon un plan bien établi. Par là, on ne fait que suivre cette doctrine selon laquelle il faut anéantir toute la vie inutile, c'est-à-dire tuer des hommes non coupables du moment qu'ils ne servent ni l'État ni le peuple. »


Elle avait d'abord accompli six mois interminables de « Service de Travail ». Puis, lorsqu'elle croyait enfin retrouver sa liberté, encore six mois de « Service Auxiliaire » (…) Elle avait gardé deux richesses de l'autre monde. Deux bouées dans cette mer d'étrangeté et de folie. La première… la possibilité de soigner son corps comme un enfant. L'autre, les Pensées de saint Augustin.


« Aussi faut-il que tout individu prenne conscience de sa responsabilité en tant que membre de la civilisation occidentale chrétienne ; qu’il se défende, en cette dernière heure, selon tous ses moyens ; qu’il combatte ce fléau de l'humanité, le fascisme, ou tout autre système de dictature semblable (…) N’oubliez pas que chaque peuple mérite le gouvernement qu'il supporte ».


Notre devoir, dit le professeur Huber, sera de crier la vérité aussi clairement et aussi haut que possible. Nous devons essayer d'attiser cette volonté de résistance qui couve dans des millions de cœurs allemands, et de la dresser, fière et violente, contre tout asservissement. Grâce a une action de ce genre, l'individu qui reste isolé dans son refus de la dictature doit être persuadé qu'un grand nombre de gens pensent comme lui et le soutiennent.


Ils sentaient douloureusement à quel point ils étaient seuls, sachant que leurs meilleurs amis, s'ils venaient à apprendre leur activité, refuseraient de les suivre.


Je crois qu'en de tels moments, ils ont pu parler librement à Dieu, à ce Dieu qu'ils avaient suivi dans leur jeunesse et qu'ils cherchaient maintenant, à travers toutes leurs actions, tous leurs efforts. Le Christ leur apparaissait comme un grand frère toujours présent…


La première page seule avait un autre aspect. Elle était couverte de gros titres exaspérant du genre : « La haine est notre prière, et la victoire notre récompense ».


Vers cette époque, Sophie écrivait dans son journal intime : « Beaucoup de personnes pensent que la fin du monde est proche. Bien des signes épouvantables pourraient le faire croire. Mais cette pensée n’est-elle pas d'une importance secondaire ? Car tout homme ne doit-il pas, en quelque temps qu'il vive, se tenir prêt à comparaître devant Dieu ? »


Les jours suivants, Hans redoubla d'ardeur. Il passait toutes les nuits avec ses amis et Sophie à travailler sur l'appareil à ronéotyper. Stalingrad avait causé partout une stupeur douloureuse qu'il ne fallait pas laisser s’estomper dans l'indifférence quotidienne…


Maintenant, la lumière reste allumée et, chaque demi-heure, un fonctionnaire vient voir si tout est en ordre. Ces hommes peuvent-ils imaginer la profondeur de ta piété, de ta confiance en Dieu ? Cette nuit est pour moi interminable ; toi, tu dors à poings fermés, comme toujours. Un peu avant sept heures, je dois te réveiller. Un jour terrible commence. Tout de suite, tu retrouves ta vivacité et, assises encore sur ton lit, tu me racontes le rêve que tu as fait : « J'allais faire baptiser un enfant. Il avait une belle robe blanche, et le soleil brillait. Pour se rendre à l'église, il fallait escalader une montagne, et le chemin était raide. Mais moi, je tenais l’enfant bien serré dans mes bras. Tout à coup, une crevasse s’ouvrit à mes pieds. J’eus le temps de poser l'enfant en sécurité sur l'autre versant, puis je tombai dans l'abîme. » 


C'est là [en prison] qu'ils écrivirent leurs lettres d'adieu. Sophie sollicita une nouvelle entrevue avec les enquêteurs de la Gestapo qui l’avaient interrogée. Elle avait encore une déclaration à faire. Elle s'était souvenu de quelque chose, qui pouvait décharger un de leurs amis.

Christl, qui avait été élevé sans religion, demanda un prêtre catholique. Il voulait recevoir le baptême, après s'être depuis longtemps converti intérieurement à la foi catholique. Il écrivit dans une lettre à sa mère : « Je te remercie de m'avoir donné la vie. Si je ne me trompe pas, c'était la seule façon d'aller à Dieu. Je vous précède pour vous préparer un accueil triomphal… »


Les gardiens nous dirent : « Ils se sont conduits avec un courage extraordinaire. Toute la prison en était bouleversée. Aussi avons-nous pris le risque - si cela s'était su, il nous en aurait coûté,- de les réunir tous trois avant l'exécution (…) 

« Je ne savais pas que ce fut aussi facile de mourir » dit Christl Probst. Et il ajouta : Dans quelques minutes, nous nous reverrons dans l'éternité. »


Avant et après sa condamnation, le professeur Huber travailla en prison à un ouvrage (…) : « Il n'est pas de jugement plus terrible à porter contre une communauté populaire que cet aveu, que nous devons tous faire : aucun de nous ne peut se fier en son voisin, ni le père en son fils (…) 

Vous m'avez déchu du rang et des privilèges de professeur, vous avez comparé au plus bas criminel (…) 

Ce que je fais, ce que j'ai voulu, le cours de l'histoire le justifiera ; j'en suis absolument certain. J'espère, par Dieu, que les forces spirituelles qui me rendront justice, pourront naître à temps de l’Allemagne."


Tracts de la Rose Blanche :


« Si chacun attend que son voisin commence, nous verrons se rapprocher le jour terrible de la vengeance (…) Aussi faut-il que toute individu prenne conscience de sa responsabilité en tant que membre de la civilisation occidentale chrétienne (…) Où que vous soyez, organisez une résistance passive, - une Résistance-, et empêchez que cette grande machine de guerre athée continue de fonctionner. Faites ceci avant qu'il ne soit trop tard, avant que notre dernière ville une fois devenue un amoncellement de ruines, comme Cologne, et que la jeunesse allemande ne disparaisse, immolée à la démence d'un monstre. N'oubliez pas que chaque peuple mérite le gouvernement qu'il supporte. 


(…) chacun est coupable, coupable, coupable ! Cependant (…) nous pouvons encore nous délivrer de ce monstre que nous avons nous-mêmes créé (…) Jusqu'à la déclaration de guerre, beaucoup d'entre nous étaient encore abusés : les nazis cachaient leur vrai visage. Maintenant ils se sont démasqués, et le seul, le plus haut, le plus saint devoir de chaque Allemand doit être l'extermination de ces brutes.


La famille est aussi vieille que l'humanité, et c’est en partant de cette première forme d'existence communautaire que l'homme raisonnable s’est constitué un État devant avoir pour base la justice, et considérer le bien de tous comme une loi primordiale. L'ordre politique doit présenter une analogie avec l'ordre divin, et la « civitas dei » est le modèle absolu dont il lui faut, en définitive, se rapprocher.

 

Mais alors, pourquoi ne vous soulevez-vous pas, et comment tolérez-vous que ces dictateurs, peu à peu, suppriment tous vos droits, jusqu'au jour où il ne restera rien qu'une organisation étatique mécanisée dirigée par des criminels et des salopards ? Êtes-vous à ce point abrutis pour oublier que ce n'est pas seulement votre droit, mais aussi votre devoir social de renverser ce système politique ? 


Nous n'avons guère à choisir entre ses moyens, un seul nous est donné : la résistance passive.


L’objectif premier des Allemands doit être la défaite des nazis, et non pas la victoire militaire contre le bolchevisme. La lutte contre le nazisme doit absolument venir au premier plan


Chaque parole qu’Hitler prononce est un mensonge. Quand il dit : paix, il pense : guerre, et s’il cite, en blasphémant le nom du Tout-Puissant, il ne songe qu'à la force du mal, à l'Ange déchu, à Satan (…)

Novalis « Seule la religion peut réveiller la conscience de l'Europe et assurer le droit des peuples ; installer sur terre, dans une splendeur nouvelle, la chrétienté, occupée seulement à préserver la paix ».


Liberté et Honneur ! Pendant dix longues années, Hitler et ses partisans nous ont rebattu les oreilles de ces deux mots, comme seuls savent le faire des dilettantes, qui jettent aux cochons les valeurs les plus hautes d'une nation.

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