J’arrive à regarder les personnes individuellement, à entrer en contact
de manière personnelle avec celles qui me font face. Je ne suis pas coutumier
des masses.
C’est un homme qui a trop les
pieds sur terre, qui a trop de sens pratique pour se laisser emporter par de
vagues rêveries, par des souvenirs nostalgiques, par ce qu’il a défini comme la
« nébuleuse proustienne ». En revanche, il croit aux rêves, dans
l’acception de lieux de rencontre avec Dieu, dans l’acception que leur donne la
Bible.
J’ai choisi de m’y installer car, quand j’ai pris possession de
l’appartement pontifical, j’ai entendu distinctement un « non » à
l’intérieur de moi. L’appartement pontifical du Palais apostolique n’est pas
luxueux. Il est ancien, fait avec goût ; mais pas luxueux. Cependant, il
est comme un entonnoir à l’envers. S’il est grand et spacieux, son entrée est
vraiment étroite. On y entre au compte-goutte et moi, sans les personnes, non,
je ne peux pas vivre. J’ai besoin de vivre ma vie avec les autres.
J’ai toujours été frappé par la maxime décrivant la vision
d’Ignace : « Ne pas être enfermé par le plus grand, mais être contenu
par le plus petit, c’est cela qui est divin. » (…) Cette vertu du grand et
du petit, c’est ce que j’appelle la magnanimité. A partir de l’espace où nous
sommes, elle nous fait toujours regarder l’horizon. C’est faire les petites
choses de tous les jours avec un grand cœur ouvert à Dieu et aux autres. C’est valoriser
les petites choses à l’intérieur de grands horizons, ceux du Royaume de Dieu.
Cette maxime donne les critères nécessaires pour se disposer
correctement en vue d’un discernement, pour sentir les choses de Dieu à partir
de son « point de vue ».
Cette phrase fait partie d’une
longue épitaphe littéraire qu’un jésuite anonyme a composée en l’honneur
d’Ignace de Loyola. Elle avait tellement plu à Hölderlin qu’il en fit la devise
de son Hyperion.
Dieu est caché dans ce qui est petit et dans ce qui est en train de
croître, même si nous ne sommes pas en mesure de le voir.
Je me méfie en revanche des décisions prises de manière improvisée. Je
me méfie toujours de la première décision, c’est-à-dire de la première chose
qui me vient à l’esprit lorsque je dois prendre une décision. En général, elle
est erronée. Je dois attendre, évaluer intérieurement, en prenant le temps
nécessaire.
Le pape (…) insiste sur une
figure connue surtout des jésuites, le bienheureux Pierre Favre (1506-1546), un
Savoyard. C’est l’un des premiers compagnons de saint Ignace, à dire vrai le
premier, avec lequel il partagea la même chambre alors qu’ils étaient tous les
deux étudiants à la Sorbonne. (Dans cette chambre, il y avait un troisième
étudiant, François Xavier).
Ignace est un mystique, pas un ascète (…) Le fait de souligner
l’ascétisme, le silence et la pénitence est une déformation qui s’est diffusée
dans la Compagnie, spécialement dans le milieu espagnol (…) Favre était un
mystique.
En 1969, peu avant d’être ordonné
prêtre, Jorge Marie (…) écrit une profession de foi personnelle (…) : « Je veux croire en Dieu le Père, qui
m’aime comme un fils, et en Jésus, le Seigneur, qui a insufflé son esprit dans
ma vie pour me faire sourire et me conduire ainsi au royaume de la vie éternelle
(…) Et j’attends la surprise de chaque jour où se manifesteront l’amour, la
force, la trahison et le péché qui seront mon lot jusqu’à ma rencontre
définitive avec ce visage merveilleux que j’ignore, que je fuis sans cesse,
mais que je veux connaître et aimer. Amen ».
Le discernement est ce processus
spirituel qui permet de distinguer les élans spirituels qui nous mènent à Dieu
de ceux qui nous éloignent de lui (…) Mais cela vaut aussi pour les processus
historiques (…) Le discernement spirituel évangélique cherche donc à
reconnaître la présence de l’Esprit dans la réalité humaine et culturelle (…)
cette attitude ne redoute pas l’ambiguïté de la vie et elle y fait face avec
courage.
Est-ce que je place vraiment le Christ au centre de ma vie ? Parce
qu’il y a toujours la tentation de penser que c’est nous qui sommes au centre.
Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Eglise
aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur
des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Eglise comme un hôpital
de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave
s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre et trop haut ! Nous devons
soigner les blessures (…) Il faut commencer par le bas.
L’Eglise s’est parfois laissé enfermer dans des petites choses, de
petits préceptes. Le plus important est la première annonce :
« Jésus-Christ t’a sauvé ! ».
La priorité à considérer ne
serait donc pas la faute, mais la souffrance. Et l’attitude de la rencontre non
le jugement, mais la sollicitude. L’hôpital de campagne est en même temps une
école de discernement pour notre monde (…) L’image de l’hôpital de campagne
invite ainsi à quitter la traditionnelle asymétrie qui préside à la relation de
soin – et peut-être à une façon d’être en Eglise à l’égard du monde. Il ne
s’agit plus de parler du haut d’un savoir, d’un savoir-faire, d’un pouvoir –
aussi précieux soient-ils. Il s’agit de descendre.
(Agata Zielinski)
Je rêve d’un Église mère et pasteur. Les ministres de l’Eglise doivent
être miséricordieux, prendre soin des personnes, les accompagner comme le bon
Samaritain qui lave et relève son prochain.
L’annonce évangélique doit être plus simple, profonde, irradiante. C’est
à partir de cette annonce que viennent ensuite les conséquences morales (…)
L’annonce de l’amour salvifique de Dieu est premier par rapport à l’obligation
morale et religieuse.
François est le premier pape issu
d’un ordre religieux depuis (…) 1831 (…)
Dans l’Eglise, les religieux sont
appelés en particulier à être des prophètes qui témoignent de la manière dont
Jésus a vécu sur cette terre, et qui annoncent comment le Règne de Dieu sera
dans sa perfection.
La sainteté que le pape aime et
dont il se sent proche est la sainteté « moyenne », commune, qui
manifeste à la fois beaucoup de patience et beaucoup de constance dans le
cheminement au jour le jour. Les icônes de cette sainteté sont sa grand-mère
Rosa, la sœur infirmière qui lui a sauvé la vie, le vieux prêtre qui jette un
regard en arrière sur sa vie de service. Cette « classe moyenne de la
sainteté » n’a rien de médiocre, au contraire c’est elle qui peut se
révéler riche et féconde.
Il faut une Eglise qui donne de nouveau de la chaleur, qui embrase le
cœur.
C’est la sécurité de se fier à un peuple. Il y a toujours le danger
qu’il y ait un fou, un vrai… oui qu’il y ait un fou qui tente quelque
chose ; mais il y a aussi le Seigneur ! Mais établir un blindage
entre l’évêque et le peuple est une folie, et je préfère cette folie qui consiste
à être dehors (…) Quand on va voir
quelqu’un qu’on aime beaucoup, des amis, qu’on a envie d’échanger, est-ce qu’on
va leur rendre visite dans une caisse de verre ? Non. Je ne pouvais pas
venir voir ce peuple, qui a un si grand cœur, derrière une caisse de verre. En
voiture, quand on est dans les rues, je baisse la vitre pour pouvoir sortir la
main et saluer. Bref, tout ou rien : ou bien on fait un voyage comme il
faut le faire, avec la possibilité de communiquer, ou bien on ne le fait
pas ; la communication à moitié ne fait pas de bien.
Pour moi, la proximité de l’Eglise est fondamentale. L’Eglise est mère
et ni elle ni moi ne connaissons de maman « par correspondance. »
Dieu s’implique, s’immisce dans nos misères, s’approche de nos plaies
et les guérit de ses mains et pour avoir des mains, il s’est fait homme. C’est
un travail de Jésus, un travail personnel. Un homme a commis le péché, un homme
vient le guérir. Proximité. Dieu ne nous sauve pas seulement par un décret, par
une loi ; il nous sauve par la tendresse, les caresses, il nous sauve par
sa vie, donnée pour nous.
Je ne parlerais pas, même pas pour un croyant, de vérité
« absolue », en ce sens qu’est absolu ce qui est détaché, ce qui est
privé de toute relation. Or, la vérité, selon la foi chrétienne, est l’amour de
Dieu pour nous en Jésus-Christ. Donc, la vérité est une relation ! A tel
point que même chacun de nous la saisit, la vérité, et l’exprime à partir de
lui-même : de son histoire et de sa culture, du contexte dans lequel il
vit etc… Cela ne signifie pas que la vérité soit variable et subjective, bien
au contraire. Mais cela signifie qu’elle se donne à nous, toujours et
uniquement, comme un chemin et une vie (…) La vérité de Dieu est
« inépuisable », c’est un océan dont nous apercevons à peine le rivage.
Il faut une Église qui n’ait pas peur d’entrer dans leur nuit. Il faut
une Église capable de les rencontrer sur leur chemin. Il faut une Église en
mesure de se mêler à leurs conversations, il faut une Église qui sache
dialoguer avec ces disciples, qui quittent Jérusalem, errent sans but, seuls,
avec leur désenchantement…
Le pape François veut que
l’Eglise soit sel et lumière, tout à la fois « phare » qui éclaire
depuis une position élevée et stable, et « flambeau » qui évolue au
milieu des hommes, qui les accompagne dans leur chemin semé d’embûches, quelle
que soit la direction, pour éviter que la lumière ne soit plus pour beaucoup
d’entre deux qu’un lointain souvenir.
Dieu est dans la vie de chacun (…) On peut on doit Le chercher dans
toute vie humaine. Même si la vie d’une personne est un terrain plein d’épines
et de mauvaises herbes, c’est toujours un espace dans lequel la bonne graine
peut pousser. Il faut se fier à Dieu.
Jorge Mario Bergoglio indique une
tâche essentielle : reconstruire l’imaginaire de la foi dans une société
qui change, où les références symboliques et culturelles ne sont plus celles
d’autrefois.
- Alors, Saint Père, la
créativité, c’est important dans la vie d’une personne ? Il rit et me
répond : « Pour un jésuite,
c’est extrêmement important. Un jésuite doit être créatif. »
La prière est toujours pour moi une prière « mémorieuse »,
pleine de mémoire, de souvenirs…
Les premières photos qui furent
diffusées de lui après son élection le montraient dans un wagon de métro, un bus,
ou attablé dans un petit restaurant de Buenos Aires. Et sa première interview
en tant que telle est publiée par des revues « culturelles » et non
dans une savante publication théologique (…) L’usage qui est fait du média
actuellement à la mode, Twitter, qualifie les propos tenus : ce sont des
gazouillis qui doivent être reçus comme tels et qui pourtant ont une toute
autre portée que « les petits règlements de compte entre amis » qui
sont formulés ordinairement par cet outil. Le chant d’un oiseau n’est-il pas ce
qui peut donner du prix à toute une journée ?
(Pascal Wintzer,
archevêque de Poitiers)
Le pape, d’abord un
pécheur ? Si l’on y prête vraiment attention, ces quelques mots sont d’une
force inouïe. En effet, le pape, en se présentant ainsi dans son humanité,
s’expose sans détour au regard des autres pour assurer, d’emblée, la relation à
ce niveau d’égalité avec chaque personne (…)
N’est-ce pas à un traître et un
assassin que l’Eglise primitive fut confiée ?
(Isabelle Le Bourgeois)
(Isabelle Le Bourgeois)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire