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jeudi 16 avril 2015

« La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir » de Serge Michel et Michel Beuret (2008)

La colonne de rebelles, plusieurs centaines d’hommes, a franchi dans le plus grand secret la frontière soudanaise pou pénétrer en territoire tchadien et fonce à présent cers la capitale. Nous sommes le 30 mars 2006. Les hommes du Front Uni pour le Changement, le FUC, ont pour objectif de renverser le président tchadien Idriss Déby. Sur la route, leur convoi s’étire, une centaine de pick-up et de camions militaires beiges (…) Pékin espère remplacer Déby par un pion prochinois et prosoudanais (…) le premier véhicule de la colonne, entant dans la capitale, aurait demandé son chemin : « la direction du palais ? ». Et les habitants, au lieu de lui indiquer le Palais présidentiel, l’ont orienté vers « le Palais du 15 janvier », c’est-à-dire l’Assemblée nationale, à la périphérie de la ville.

En Afrique du Sud, depuis la fin des années 1990, la plupart des braquages et vols à main armée recourent au pistolet 9 mm de Norinco, une arme qui a inondé le marché sud-africain (…) elle ne vend pas toujours ses armes, il lui arrive de les troquer. Contre du pétrole au Soudan, des concessions minières au Congo…

La Chine est l’un des plus gros exportateurs d’armes légères de la planète (…) une bonne partie des centaines de milliers de machettes achetées au Rwanda par les groupes génocidaires étaient made in China et ont été importées à dessein de Chine entre 1992 et 1994, dit un rapport des Nations Unies.

(…) le Zimbabwe, plongé dans la terreur depuis 1999 par le régime de Robert Mugabe (…) Avec la Chine, Mugabe s’est trouvé un fournisseur compréhensif (…) c’est le Soudan qui reçoit l’appui militaire chinois le plus massif. Un armement lourd qui inclut des avions de combat, utilisés dans la guerre contre le Sud-Soudan (1983-2001) (…) la Chine a aussi fourni des hélicoptères (…)

(…) de tous les pays africains, le Soudan est celui où la Chine se sent le plus chez elle, celui où son emprise est la plus forte.
Pour s’acheter les grâces de Khartoum, Pékin a investi 15 milliards de dollars en dix ans, couvrant presque tous les secteurs de l’économie. La Chine a construit l’essentiel de l’infrastructure pétrolière du pays, dont un pipeline de 1650 kilomètres qui achemine l’or noir du sud-ouest à Port-Soudan sur la mer Rouge (…) Pékin a aussi aligné 750 millions de dollars pour rénover l’aéroport international (…) Mais le plus gros projet, après le pétrole, c’est le barrage de Merowe sur le Nil, 1,9 milliards de dollars, construit et en grande partie financé par Pékin.
(…) La guerre au Darfour a débuté au printemps 2003 (…) cette province grande comme la France (…) Les tribus du Darfour, qui ont fourni à Khartoum le gros des combattants dans sa guerre contre le Sud, ont compris qu’elles se sont fait berner. En 2001 Khartoum et John Garang (…) s’apprêtent à se partager le gâteau pétrolier en délaissant une fois de plus la « Maison des Fours », dépourvue d’école, d’hôpitaux, d’électricité (…)
De fait, dès le début des troubles, Khartoum envoie l’aviation bombarder la province. Et au sol, elle fait appel aux services des milices locales, les fameux « djanjawid », qui, équipés d’armes chinoises, ont carte blanche pour piller (…)
Début 2007, le HCR parle de deux millions de déplacés, près d’un tiers des habitants du Darfour.

En 2006, le Soudan parvenait au second rang des pays africains pour les investissements étrangers : 5 milliards de dollars cette année-là, nourrissant une croissance de 9%, qui a grimpé à 13% en 2007.

(…) la route dessinée par l’homme le plus recherché du monde.  Réfugié au Soudan en 1993, Oussama Ben Laden, qui se faisait aussi appeler « l’ingénieur », entendait remercier al-Tourabi en construisant un nouveau tracé entre la capitale et Port-Soudan, plus court de 400 km que l’ancien qui en faisait 1200 (…) Lorsqu’il doit s’enfuit pour l’Afghanistan en 1996, avec ses trois femmes, après avoir organisé des attentats contre des bases américaines en Arabie Saoudite, le projet est loin d’être terminé.

(…) l’immense lac de retenue qui inondera la vallée du Nil sur une longueur de 175 km a nécessité de déplacer 50 000 paysans nubiens. Ou plutôt de le déporter (…) les déplacés ont été trompés. Une grande partie des maisons promises n’a jamais été construite et la terre proposée en compensation était souvent stérile. Quant à l’argent, seul un tiers a été versé (…) Chaque fois que les Nubiens ont voulu manifester, la répression a été sanglante. Le leader du Mouvement des déplacés a échappé de justesse à une tentative d’assassinat (…) Les constructeurs chinois ont sans doute haussé les épaules : ils n’allaient pas se laisser impressionnés par 50 000 paysans, alors que le barrage des Trois-Gorges, chez eux, en a déplacé 1,13 millions.

Des miliciens chinois surveillent les lieux, comme d’autres d’ailleurs sont postés tout le long du pipeline, où ils seraient plus de 7000. Des Chinois comme on en voit peu, trapus, musculeux, tannés par le soleil, aux allures de pirates de mer de Chine.


Des Chinois pour extraire le pétrole puis l’engouffrer dans un pipeline chinois surveillé par des miliciens chinois, à destination d’un port construit lui aussi par des Chinois, où le brut est chargé dans des tankers chinois à destination de la Chine. Des Chinois pour construire des routes, des ponts et un barrage géant qui provoque la déportation de dizaine de milliers de paysans. Des Chinois qui importent leur nourriture pour ne manger que chinois, et qui, pour les produits frais, importent des maraîchers chinois pour en produire sur place.

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