Il y avait de la grâce et du mystère dans son attitude, comme si elle symbolisait quelque chose.
Elle marchait devant lui, si légère et si droite, qu’il brûlait de la rejoindre sans bruit, de la saisir par les épaules et de lui murmurer à l’oreille quelque chose à la fois de sot et d’affectueux. Elle lui semblait si fragile qu’il aurait voulu la protéger d’un danger quelconque, puis se retrouver seul avec elle. Des moments de leur vie intime s’allumaient tout à coup comme des étoiles, dans son souvenir…
Il aurait souhaité lui remémorer ces moments, lui faire oublier les années de leur morne existence conjugale et ne se souvenir que de leurs moments d’extase. Car les années, il le sentait, n’avaient fané ni son âme à lui, ni la sienne. Leurs enfants, ses œuvres, les soucis du ménage, n’avaient pas éteint complètement le tendre feu de leurs âmes.
Elle gravissait l’escalier derrière le portier, la tête courbée par l’ascension, les épaules frêles ployant comme sous un poids, la jupe étroitement ramassée autour d’elle. Il aurait pu lui jeter les bras autour des hanches et la retenir, tant ses bras tremblaient du désir de s’emparer d’elle et seuls ses ongles incrustés dans ses mains continrent l’élan déréglé de son corps. Le portier fit une halte sur l’escalier pour fixer la bougie qui coulait. Eux aussi s’arrêtèrent à une marche de distance. Dans le silence, Gabriel entendait la cire fondue s’égoutter sur le plateau et son propre cœur battre contre ses côtes.
(Les Morts)
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