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samedi 26 septembre 2020

« La Maman et la putain - Jean Eustache » de Colette Dubois (1990)

Alexandre est un homme entre trois femmes, entre trois couples. C’est aussi, suivant sa propre expression, un « jeune homme pauvre » qui ne possède rien hormis ses discours et des tribunes de fortune pour les proférer : des chambres, les banquettes des cafés du Quartier latin.

En faisant des lieux du film autant de huis-clos, en donnant à chaque scène jouée un décor de planches, Eustache crée un dispositif-piège pour acteurs ; car c’est pour les acteurs que « la Maman et la Putain » a été écrit…

« Un jour, il y eut cette histoire symptomatique, au moment où Véronka dit à Marie : « Tu as vu, il a la queue en forme de bec de théière ». Léaud, pour détendre l’atmosphère, a répondu : « Il paraît que Toulouse-Lautrec a dit « quand je bande, je ressemble à une cafetière », et Eustache de rage, a quitté, le tournage… Il n’avait pas le moindre humour (…)
« La Maman et la Putain » est semblable à « La Nuit du chasseur » ou à « Honeymoon Killers » : c’est un film unique qui ne ressemble à rien d’autre (…) Léaud a toujours été un caméléon, un acteur presque médiumnique, capable de devenir le metteur en scène qui le dirige. Il était capable d’être successivement Truffaut, Godard, Pasolini ; là, il devenait Eustache, y compris dans son habillement… » (Bernadette Lafont)

« Nous vivions le film, à tout moment. Nous étions dans notre bulle, immergés dans le film ; il n’y avait plus de monde extérieur, pas d’en dehors ou d’à-côté du tournage, même pendant les pauses ou repos (…) Le coût total du film […] : 700.000 francs » (Pierre Lhomme, chef opérateur)

Au fil de ses discours sur les banquettes des cafés, Alexandre rencontre d’autres discoureurs […] il s’agit de différer le moment du choix, de prolonger le temps perdu-présent, d’opérer une tentative de suspension.

Le masque d’Alexandre, les lunettes noires, fonctionne à merveille quand c’est lui qui le manipule. Il est l’accessoire idéal de son non-choix comme mode d’être.

« Dans les moments de détente, Léaud improvisait génialement du Lacan » (Isabelle Weingarten)

« Il y a 25 ans que je fais ce métier. J’ai commencé par faire de l’actualité : des guerres, des moments forts. J’ai travaillé sur des films importants avec des metteurs en scène importants, j’ai eu de grandes émotions dans le cinéma. Mais le moment le plus fort que j’ai vécu, c’est la séquence du long monologue de Françoise Lebrun. On n’a fait qu’une seule prise, d’un seul trait. Elle dure 12mn […] Il y avait là une telle force, une telle violence que je pleurais à la fin  (…) le son un peu arraché, un peu brut… » (Jean-Pierre Ruth)

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