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dimanche 14 avril 2019

« L’amour » de Pierre Burney (1973)


Le narcissisme jour donc un rôle capital dans les origines de l’amour. 

Il est curieux par exemple les « portraits composites » faits de la superposition photographique de 10 à 20 visages aboutissent toujours à une réelle beauté. 

Cet enchantement des débuts de l’amour justifie le beau mot d’«aventure » avili par l’emploi commun. Il y a tout d’abord un intense sentiment de nouveauté qui établit un lien essentiel entre l’amour, la poésie et l’enfance…

B. Malinowski remarquait que l’absence de « saisons de rut » chez l’homme entraînait des risques graves, une pulsion sexuelle perpétuelle et illimitée « absorbante et impérieuse », pouvant amener la destruction (…) de toute contribution à l’effort collectif : la culture doit donc créer pour sa survie tout un système de « freins artificiels ». 

L’absence de véritable amour favorise ce glissement vers « l’amour cruel » : tout se passe comme si ceux qui « font l’amour » sans amour étaient amenés à compenser par une sorte de profondeur « à rebours » cette profondeur « divine » dont leurs accouplements sont privés.

Les enquêtes de A.C.Kinsey ont déjà montré qu’en dépit de leur forte natalité, les classes pauvres avaient une activité sexuelle plus réduite que les classes élevées…

Tout se passe en effet comme si l’homme n’avait à sa disposition que la seule énergie de ses désirs, le Moi (qui s‘efforce de diriger) et le Surmoi (qui représente la morale et ses interdits) n’ayant vraisemblablement aucun « budget » énergétique spécial. Ce serait donc sur la libido, et en même temps contre elle, que se bâtiraient nos existences et nos civilisations. 

L’Agapè « descend » donc de Dieu vers les hommes, et elle suppose une hiérarchie d’amour, qui culmine dans l’amour pour Dieu et pour le prochain, l’amour de soi-même étant généralement tenu pour une valeur négative. L’Eros, au contraire, « monte » des hommes vers Dieu et plonge ses racines dans l’amour de soi, l’amour de Dieu à l’égard des hommes n’étant guère envisagé (…) Bref, l’une souligne la Transcendance, et l’autre l’Immanence de l’Amour (…) L’Agapè ayant avec l’Eros une différence de nature et non de « degré », A.Nygren semble avoir raison d’affirmer qu’on ne peut pas, même par sublimation, passer de l’Eros à l’Agapè. 

…c’est Eros (…) qui comprend le mieux les aspects divins de la Beauté. 
(…) L’Agapè (…) s’adresse à tous (…) c’est un amour « souverainement indépendant de son objet » (A.Nygren) 

On voit que notre société contemporaine, qui ne comprend que très partiellement Eros, et de moins en moins Agapè, est bien loin de se rapprocher d’un « amour universel » qui résulterait peut-être de leur collaboration. 

« … les deux passions « mères », la charnelle goinfrerie et l’orgueil spirituel… » (Olivier Clément, in « Trois prières ») 

S. Lilar remarque que la plupart des philosophes, à part ceux qui (comme Platon, Kierkegaard, Teilhard de Chardin etc…) sont en même temps des poètes ou des mystiques, ont tenu l’amour « pour matière périlleuse, suspecte, indigne par ailleurs d’attention. » (…) L’amour mériterait pourtant d’être étudié, pratiquement et théoriquement, de façon assidue et prioritaire, vu qu’il s’agit, comme le disait Einstein de la politique, d’ « une science beaucoup plus compliquée que la physique » et finalement plus indispensable dans l’état actuel de l’humanité. 

Le christianisme (…) les pulsions agressives et sexuelles ont été alors niées, méprisées ou condamnées au profit de l’amour altruiste, sans être supprimées pour autant. Elles ont donc reparu sous « des formes indirectes et insidieuses » (Jacques Rivière) : intolérance, persécutions, névroses. Peut-être même ont -elles été pour ainsi dire « hypostasiées » dans la personne du Démon…

Le succès dépend également d’une option de tout homme en faveur de l’amour, d’une méditation et d’une pratique inlassables de l’amour. La « Règle de vie des Compagnons d’Emmaüs » exprime parfaitement cette double nécessité qui régit tout effort vers cet horizon de l’amour des hommes : « Devant toute humaine souffrance, selon que tu le peux, emploie-toi non seulement à la soulager sans retard, mais encore à détruire ses causes. Emploie-toi non seulement à détruire ses causes, mais encore à la soulager sans retard. » 
Les deux tâches « ne peuvent se séparer sans se renier ».

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