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dimanche 24 février 2019

« Consuelo » de George Sand (1843)


Les figures qui ne plaisent pas perdent de plus en plus la faculté de plaire. L’être qui les porte, indifférent aux autres, le devient à lui-même, et prend une négligence de physionomie qui éloigne de plus en plus les regards. La beauté s’observe, s’arrange, se soutient, se contemple, et se pose pour ainsi dire sans cesse dans un miroir imaginaire placé devant elle.

[…] artiste jusqu’aux os, c’est-à-dire cherchant et sentant la vie avec une intensité effrayante.

C’est qu’il y a le talent de la matière, et le génie de l’âme. Il y a ce qui amuse, et ce qui émeut ; ce qui étonne et ce qui ravit.

Préservé des mauvaises passions par l’amour bien entendu de soi-même […]

Consuelo avait une de ces rares et bienheureuses organisations pour lesquelles le travail est une jouissance, un repos véritable, un état normal nécessaire, et pour qui l’inaction serait une fatigue, un dépérissement, un état maladif, si l’inaction était possible à de telles natures. Mais elles ne la connaissent pas ; dans une oisiveté apparente, elles travaillent encore […]

- Je te l’ai toujours prédit, lui dit-elle, tu préfères les résultats de l’art à l’art lui-même. Quand on a fait de son mieux, quand on sent qu’on a fait bien, il me semble qu’un peu plus ou un peu moins d’approbation n’ôte ni n’ajoute rien au contentement intérieur. Souviens-toi de ce que me disait le Porpora la première fois que j’ai chanté au palais Zustiniani : Quiconque se sent pénétré d’un amour vrai pour son art ne peut rien craindre…

Consuelo […] était au fond du cœur aussi peu désireuse que Joseph de voir la fin de son expédition. Elle était trop artiste par toutes les fibres de son organisation pour ne pas aimer la liberté, les hasards, les actes de courage et d’adresse, le spectacle continuel et varié de cette nature que le piéton seul possède entièrement, enfin toute l’activité romanesque de la vie errante et isolée.

L’égoïste est seul toujours et partout. Son âme n’est jamais fatiguée d’aimer, de souffrir et de persévérer ; elle est inerte et froide, et n’a pas plus besoin de sommeil et de silence qu’un cadavre. Celui qui aime est rarement seul, et, quand il l’est, il s’en trouve bien.

Cependant il y avait tant de calme et de douceur persévérante chez son jeune confrère, il montrait dans toute sa conduite, dans toutes ses opinions, une modestie si réelle et une recherche si froidement consciencieuse de la vérité, que Consuelo, ne pouvant se décider à le croire présomptueux, se décida à le croire sage et à l’encourager dans ses projets.

[…] l’art dramatique étant un mensonge perpétuel, Dieu nous punit en nous frappant de la folie d’y croire nous-mêmes et de prendre au sérieux ce que nous faisons pour produire l’illusion chez les autres. Non ! il n’est pas permis à l’homme d’abuser de toutes les passions et de toutes les émotions de la vie réelle pour s’en faire un jeu. Il veut que nous gardions notre âme saine et puissante pour des affections vraies, pour des actions utiles, et quand nous faussons ses vues, il nous châtie et nous rend insensés.

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