On considérait jusqu’au début du XIXè siècle, qu’une ville n’était pas défendable une fois les remparts tombés.
Notons aussi qu’à Waterloo, dans un dispositif particulièrement ouvert et linéaire, c’est justement l’incapacité des Français à enlever assez tôt les verrous en espace confiné du château d’Hougoumont, ainsi que les fermes de la Papelotte et de la Haye-Sainte, qui permit à Wellington de tenir jusqu’à l’arrivée de Blücher.
Le siège de Belfort se déroule du 3 novembre 1870 au 18 février 1871. La ville est défendue par le colonel du génie Pierre Denfert-Rochereau. Là encore une garnison de 15 000 hommes tient héroïquement tête pendant près de trois mois face à près de 40 000 assiégeants appuyés par au moins 200 canons. C’est un ordre du gouvernement qui ordonne la reddition (…) environ 500 tués chez les Allemands) (…) Il n’y aura pas de combats en ville.
On se bat sur ses remparts et ses murailles. On cherche à y entrer par des sapes. On la bombarde avec toute sorte de projectiles. Mais généralement, pour peu qu’une brèche soit faite, par ruse, par surprise ou de vive force, la résistance s’effondre. La place tombe.
Après des années de centralisation excessive, il faut redonner à tous les niveaux une certaine autonomie de décision, et ce d’abord aux jeunes chefs. (…) il est essentiel de décider vite, et donc souvent seul (…) Les performances des transmissions de données, et même de la phonie, seront largement amoindries, voire parfois inopérantes. Les chefs devront décider de la manœuvre en cours d’action, car l’ennemi sera proactif. Lui aussi manœuvrera. Comme avant… Les vrais tacticiens capables d’agir et de réagir vont devoir reprendre la main sur les planificateurs. Il y aura tellement de « micro-théâtres » que la situation tactique de référence sera souvent extrêmement confuse (…) c’est le retour de la tactique pure (…) les fautes d’exécution se paieront immédiatement.
La bataille de Fallouja (…) par son échelle, par l’importance des moyens engagés, par la violence des combats (…) représente aujourd’hui la référence des batailles en zone urbaine.
Le mythe de la supériorité de l’attaquant doté de moyens de vision de nuit est largement à relativiser.
(…) la zone urbaine génère une fatigue importante de la troupe qu’il faut apprendre à gérer dans la durée. C’est une des grandes leçons américaines de Fallouja.
« La rue tue ». Il est préférable de combattre de maison en maison.
Les chars de combat ont tendance à tirer a priori dans les maisons non reconnues afin de provoquer le déclenchement préventif des pièges. On appelle cela « secouer la maison ».
L’utilisation de hauts-parleurs pour simuler des attaques d’hélicoptères, des bruits de chenilles ou d’avions à réaction (…) peut être très bénéfique et apporter des résultats concrets.
Dans Grozny (…) dans les zones d’embuscade, les Tchétchènes avaient pour habitude de condamner les rez-de-chaussée de tous les bâtiments. Les combattants débarqués se retrouvaient alors sous le feu, sans pouvoir pénétrer dans les immeubles pour débusquer leurs assaillants.
Le RPG (Rocket Propelled Grenade) est une arme majeure pour le combat urbain. Rustique, légère, fiable, simple d’emploi et ayant une grande variété de munitions, cette arme permet de disposer d’une grande puissance de feu tout en restant mobile et discret.
(…) l’état-major russe a fait preuve d’une improvisation fatale à ses troupes.
Grozny 3 (…) En janvier 2000, l’état-major russe utilise avec succès une nouvelle méthode pour s’emparer de la capitale tchétchène. Le contexte n’est plus le même qu’en 1995 (…) On peut estimer que le rapport de force était de neuf contre un. Ce qui est pertinent face à un ennemi retranché en zone urbaine et confinée.
Les équipages de chars sont considérés d’une certaine manière comme étant aveugles et sourds. Il n’est pas question de les faire progresser sans la protection rapprochée de l’infanterie débarquée autour d’eux. En effet, l’équipage du char ne peut pas se permettre de sortir la tête en dehors de son blindé : il ne possède que de très faibles angles de vue et ne peut donc pas observer dans toutes les directions.
L’une des batailles les plus importantes sur le plan des effectifs et des moyens engagés en interarmes, et même interarmées, est sûrement celle de Budapest. Elle dura de novembre 1944 à février 1945 (…) 300 000 soviétiques sous les ordres du maréchal Malinovski affrontèrent environ 80 000 Allemands et Hongrois (…) le 11 février 1945, la garnison tenta une sortie de la dernière chance. Près de 30 000 hommes encore en état de combattre participèrent à cette mission désespérée dans la nuit du 11 au 12 février. Moins de 800 rejoignirent les lignes allemandes après 30 kilomètres d’exfiltration. Le siège avait duré cinquante et un jours.
(…) les techniques de tir et de combat enseignées aujourd’hui par la plupart des armées modernes sont nées en Malaisie et à Bornéo. Mises au point par les SAS anglais dans ces combats en jungle, elles ont été adoptées par presque toutes les unités occidentales avec le retour de l’action en zone urbaine et confinée. Les dispositifs en colonne (appelé tubes) et de réaction à l’embuscade, qui ont été depuis améliorés, constituent toujours la base du combat à pied.
Quels effectifs pour le groupe de combat ? Entre six et quatorze ? (…) il faudra des « petits gradés » de très grande qualité (…) Les affrontements auront lieu à très courte portée. Il s’agira alors de tors réflexes, de tirs d’appui, de tirs sur un homme à portée de main, bref de corps à corps.
Les armes d’appui type mitrailleuses légères (…) sont d’une redoutable efficacité (…) L’utilisation de grenades assourdissantes ou étourdissantes (…) est également très prisée des troupes d’assaut.
(…) la constitution d’unités spécialisées dans le combat dans les souterrains et les égouts (…) Il est difficile de lancer des grenades ou de tirer massivement en souterrain, car on va s’asphyxier soi-même avec de la poudre et la poussière. La tâche des attaquants est très complexe.
En avril 2003, les troupes américaines et britanniques envahissent l’Irak et renversent le régime de Saddam Hussein. Une campagne éclair de trois semaines suffit pour occuper la quasi-totalité du pays. La prise de Bagdad a été opérée par un raid blindé-mécanisé audacieux d’une brigade américaine (…) les images d’un (et d’un seul) char Abrams mis hors de combat font le tour du monde en boucle sur les chaînes de télévision. Cela contribue à propager le mythe de l’inaptitude fondamentale des blindés en zone urbaine. Alors que c’est précisément l’inverse qui vient de se produire (…)
Finalement, l’expérience des Britanniques (sans doute l’armée occidentale la plus expérimentée à cette époque en zone urbaine) ne leur a pas permis de reprendre l’ascendant, malgré de réels succès tactiques et un courage exemplaire. La maîtrise de quasiment tous les avoir-faire tactiques n’a pas suffi. L’utilisation des blindés (chars de combat compris), la maîtrise du feu par l’infanterie lors des échanges de tirs en zone habitée et confinée, de « petits » gradés rigoureux et capables d’initiatives intelligentes, les snipers parmi les mieux formés et les plus précis au monde, l’application des méthodes de contrôle des foules avec des armements non létaux, des patrouilles à pied et en véhicules légers, une réelle aptitude à la négociation et à la connaissance des coutumes locales, l’utilisation d’un certain nombre de supplétifs et même la coopération avec les autorités locales, on peut difficilement faire mieux. C’est désormais bien connu, l’accumulation de victoires tactiques ne suffit pas à gagner une guerre et ne fait pas une stratégie. Enfin, en zone urbaine encore plus qu’ailleurs, la qualité ne peut contrebalancer le nombre (…)
Malgré un investissement de plusieurs centaines de millions de dollars et la création d’une Joint Task Force spécifiquement dédiée, l’armée américaine n’est pas réellement parvenue à contrer la menace des engins explosifs improvisés en zone urbaine après plus de dix années d’affrontements en Irak et en Afghanistan. Ils ont même progressé plus vite que les parades et sont maintenant commandés par fil ou par téléphone portable, avec des charges de plus en plus grosses et même des charges creuses pouvant percer les blindés les mieux protégés. La technologie n’est pas l’apanage d’un camp (…) On y trouve un cocktail inattendu d’Iphone, d’Ipad et de kalachnikov (…) En Syrie, des miliciens des deux bords utilisent des caméras de surveillance, des mini-drones, des systèmes d’alerte électroniques achetés sur le marché noir ou fabriqués sur place.
Il faut prendre en compte le fait que le froid induit par les bâtiments non chauffés (effet frigo) est souvent plus durement ressenti que le froid de la forêt ou d’une zone ouverte, même si l’effet du vent est contenu. Le décor apocalyptique ainsi que l’intérieur des maisons, avec les effets personnels des populations, rappellent souvent aux soldats leur propre enfance et provoquent des chocs psychologiques sévères.
Outre les désormais bien connues protections oculaires (énormément de poussière et de projections d’éclats de ciment se produisent dans les pièces soumises au impacts de balles et aux tirs de grenades) et auriculaires (d’autant plus importantes que les tirs en espaces clos provoquent aussitôt des dommages irréversibles), il faut utiliser des gants, genouillères et coudières pour préserver les articulations, et des chaussures plus résistantes.
(…) il faut que chaque unité (…) dispose (…) de « hooligan tools », des outils de cambrioleurs.
La préparation sera optimisée grâce à des moyens et des sites d’entraînement dédiés, et à une pédagogie s’appuyant sur la simulation. La France a pris de l’avance dans ce domaine et s’est imposée comme une référence.
Différents centres de combats urbains existent désormais en Europe, en Amérique du Nord et dans bien d’autres pays. On est passé en vingt ans, de l’ancien « village de combat », composé de quelques maisons en parpaings, à la « vraie-fausse-ville », durcie et spécifiquement construite pour accueillir des unités et des moyens lourds.
Les véhicules à roues sont très vulnérables en zone urbaine, le moindre obstacle les arrête facilement.
Les habitudes de prises de risque, qui se sont émoussées dans les unités occidentales après des années de combat centralisé, doivent être à nouveau cultivées.
La bataille du siège de Beyrouth du 13 juin au 20 août 1982 (…) L’objectif du siège est bien de détruire ou de contraindre l’appareil militaire de l’OLP à quitter le Liban (…) Pour la première fois, des drones sont utilisés massivement pour renseigner en permanence (…)
Arafat comprend qu’il risque l’anéantissement. Il accepte de négocier un nouveau cessez-le-feu et son évacuation (…)
On estime qu’une centaine de soldats israéliens sont morts dans les combats en zone urbaine à Beyrouth (sans compter ceux tombés à Saïda ou Tyr) contre près de 1200 combattants palestiniens. Environ 6000 civils ont été victimes de ces terribles affrontements (…)
C’est sur le plan moral et psychologique que cette bataille, certes tactiquement gagnée, va se révéler désastreuse pour les Israéliens. Avant même l’assassinat du président Béchir Gémayel et les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila en septembre 1982, le refus d’obéissance du colonel Eli Geva, commandant la 211è brigade blindée, frappe l’opinion israélienne. Cet officier est relevé de son commandement pour avoir refusé d’appliquer les ordres de tir mettant en danger des civils restés en ville. Le film d’animation israélien Valse avec Bachir (Ari Folman, 2008) traduit ce mal-être des militaires israéliens engagés dans cette bataille de Beyrouth à l’été 1982.
A Belfast, Sarajevo ou Mitrovica, il s’agit bien au départ d’une confrontation entre communautés qui ne parviennent plus à vivre ensemble (…) il suffit d’une provocation ou d’une action délibérée d’un groupe d’extrémistes pour plonger la ville dans la guerre.
(…) c’est la présence d’une masse de jeunes gens désœuvrés, parfois déjà engagés dans la petite délinquance urbaine ou dans des groupuscules politiques, qui provoquent finalement le dérapage suivi de la catastrophe.
Ce qui est frappant dans ce genre d’affrontement, c’est la difficulté voire l’impossibilité pour l’un des deux camps de progresser sur le terrain de l’adversaire. Les milices ne savent généralement pas s’emparer durablement d’un quartier appartenant à l’autre camp. Aussi, la défensive est souvent plus efficace que l’offensive. Car cette dernière requiert davantage de savoir-faire. Beyrouth et Sarajevo sont donc des exemples assez typiques de ces guerres figées, où aucun des deux adversaires ne peut prendre l’ascendant tactique sur l’autre et emporter la décision.
Les chefs ne sont plus sur le terrain. Comme le général Garrison dans La Chute du Faucon noir de Ridley Scott, certains sont devenus des « généraux de centre opérations » (…) Or la situation en zone urbaine et confinée nécessite un commandement au plus près (…) A l’instar des généraux français incapables de réagir efficacement face à la Wehrmacht en mai 1940, il n’est pas inenvisageable qu’une force moderne de type occidental soit tactiquement défaite dans une telle bataille.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire