A peu près à l’époque de la naissance de Jésus, Judas le Galiléen a appelé à une révolte qui fut réprimée dans le sang par les Romains. Son parti, celui des zélotes, qui continuait à exister, ne refuse ni la terreur ni la violence pour restaurer la liberté d’Israël. Il n’est pas exclu que l’un ou l’autre parmi les douze apôtres, Simon le zélote et peut-être aussi Judas Iscariote, ait été partisan de ce mouvement.
Le mot hébreu taljà signifie à la fois « agneau », « enfant, serviteur » (…) De même que le sang de l’agneau pascal avait joué un rôle décisif pour la libération d’Israël du joug de l’oppression égyptienne, de même le Fils devenu serviteur - le berger devenu agneau - ne représente plus seulement Israël, mais il est aussi le garant de la libération du « monde », de l’humanité dans sa totalité.
Dans son bref récit des tentation (1,13), Marc a mis en relief le parallèle avec Adam (…) Jésus « vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient ». Le désert - image opposée à celle du jardin - devient le lieu de la réconciliation et du salut ; les bêtes sauvages, qui représentent la forme la plus concrète de la menace que font peser sur l’homme la rébellion de la création et la puissance de la mort, deviennent des amis comme au Paradis.
Barrabas avait participé à une émeute et, dans ce contexte, il était en outre accusé de meurtre (…) il avait été un des résistants les plus éminents, voire le véritable meneur de cette émeute. Autrement dit : Barabbas était une figure messianique. Le choix entre Jésus et Barabbas n’est donc pas fortuit : deux figures messianiques, deux formes du messianisme s’opposent. Cela devient encore plus évident lorsque nous prenons en compte que « Bar-Abbas » signifie fils du père. Il se présente comme une sorte d’alter ego de Jésus, qui revendique la même prétention mais de façon très différente.
Aujourd’hui (…) voir dans le christianisme une recette conduisant au progrès et reconnaître le bien-être commun comme la véritable finalité de toute religion, et donc aussi de la religion chrétienne, telle est la nouvelle forme de cette même tentation (…) qu’est-ce que Jésus a vraiment apporté, s’il n’a pas apporté la paix dans le monde, le bien-être pour tous, un monde meilleur ? qu’a-t-il apporté ? La réponse est très simple : Dieu. Il a apporté Dieu.
(…) le mot « Evangile ». Ce terme renvoie au langage des empereurs romains qui se considéraient comme les maîtres du monde, ses sauveurs et ses rédempteurs. Les messages de l’empereur portaient le nom d’ « évangiles » (…) L’idée sous-jacente était que ce qui émane de l’empereur est un message salvifique, non pas une simple nouvelle, mais une transformation du monde allant dans le sens du bien (…) ce que les empereurs, qui se font passer pour dieu, prétendent à tort, se réalise ici réellement (…) Dans le langage actuel de la théorie linguistique, on dirait que l’Evangile ne relève pas simplement du discours informatif, mais du discours performatif, qu’il n’est pas seulement communication, mais action, force efficace qui entre dans le monde en le sauvant et en le transformant (…) Le message central de l’ « Evangile », c’est que le Royaume de Dieu est proche.
L’aspect nouveau et spécifique de son message consiste à nous dire que Dieu agit maintenant - que ‘heure est venue où Dieu se révèle dans l’histoire comme son Seigneur lui-même (…) C’est pour cette raison que la traduction « Royaume de Dieu » est insuffisante, mieux vaudrait parler de la souveraineté ou de la seigneurie de Dieu.
Le Juif pieux prie chaque jour en répétant le Schema’ Israel : « Ecoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »
Dans le message de Jésus relatif au Royaume, nous l’avons vu, sont inscrites des affirmations qui expriment la pauvreté de ce royaume dans l’histoire : il est comme un grain de moutarde, la plus petite de toutes les graines. Il est comme le levain, quantité infime en comparaison de la masse de la pâte, mais élément déterminant pour son devenir.
Cette nouvelle forme de proximité du Royaume dont parle Jésus et dont la proclamation constitue le trait distinctif de son message, cette proximité nouvelle, c’est Jésus lui-même. Par sa présence et son action, Dieu est entré dans l’histoire d’une manière tout à fait nouvelle, ici et maintenant, comme Celui qui agit.
(…) l’épisode du pharisien et du publicain qui prient tous deux dans le Temple de façon très différente (…) L’homme se justifie lui-même. L’autre, par contre, se voit à partir de Dieu. Il a tourné son regard vers Dieu et il a ainsi ouvert les yeux sur lui-même. Il sait donc qu’il a besoin de Dieu, qu’il a besoin de vivre de sa bonté…
Devant Dieu, ils ne prétendent pas être une sorte de partenaire commercial égal en droits, qui exige d’être rétribué à hauteur de ses actes. Ces hommes savent qu’intérieurement aussi ils sont pauvres (…) ils arrivent les mains vides, ces mains-là n’agrippent pas, ne retiennent pas, elles s’ouvrent et donnent, prêtes à s’abandonner à la bonté de Dieu qui donne.
La pauvreté purement matérielle ne sauve pas, même s’il est certain que les défavorisés de ce monde peuvent tout particulièrement compter sur la bonté divine. Mais le cœur de ceux qui ne possèdent rien peut être endurci, vicié, mauvais, intérieurement possédé par l’envie de posséder, oublieux de Dieu et avide de s’approprier le bien d’autrui. D’autre part, la pauvreté dont il est question n’est pas non plus une attitude purement spirituelle.
Au Livre des Nombres (12,3), il est écrit : « Or, Moïse était très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté. »
Jésus roi de la paix (…) Par son obéissance, il nous appelle à entrer dans cette paix : il la plante en nous.
Dans le langage de l’Ancienne Alliance, la « justice » est l’expression de la fidélité à la Torah, de la fidélité à la Parole de Dieu à laquelle les prophètes n’ont cessé d’exhorter (…) Le concept du Nouveau Testament qui correspond à celui de justice dans l’Ancien Testament est la « foi ».
« Heureux ceux qui sont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés » (1) (…) Edith Stein a dit un jour que quiconque recherche la vérité avec sincérité et passion est en route vers le Christ.
« Heureux les cœurs purs, il verront Dieu. » Par « cœur », on entend précisément le jeu intérieur combiné des forces de perception de l’homme (…)
La quête de Dieu, la recherche de son visage, telle est la condition primordiale pour la montée qui conduit à la rencontre avec Dieu (…)
Aucune condition fondée spécifiquement sur la connaissance qui découle de la Révélation n’est énoncée, seuls sont requis le fait de « chercher Dieu » et les fondements de la justice dictés par une conscience en éveil (…)
Le cœur pur est le cœur aimant qui entre en communion de service et d’obéissance avec Jésus-Christ. L’amour est le feu qui purifie et unit raison, volonté et sentiment…
Luc fait suivre les quatre Béatitudes qu’il transmet de quatre invectives : « Malheureux, vous les riches… malheureux, vous qui êtes repus maintenant… malheureux, vous qui riez maintenant… malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous » (2) (…)
C’est précisément cet aspect qui a suscité la critique furieuse de Frédéric Nietzsche contre le christianisme (…) « Quel a été jusqu’ici le plus grand péché commis sur la terre ? N’était-ce pas la parole de celui qui a dit « malheur à ceux qui rient » ? » (3)
Matthieu nous dit explicitement que le peuple était « effrayé » par sa façon d’enseigner.
(…) un savant juif, Jacob Neusner, Juif pratiquant et rabbin (…) commente : « Lui (Jésus) et ses disciples peuvent faire ce qu’ils font le jour du sabbat parce qu’ils ont pris la place des prêtres dans le Temple : le sanctuaire s’est déplacé. Il est désormais constitué par le cercle du Maître et de ses disciples (…) Il n’est donc pas surprenant que le Fils de l’homme devienne maître du sabbat ! Non parce qu’il fait une interprétation libérale des restrictions du sabbat… Jésus n’avait rien d’un réformateur rabbinique désireux de « faciliter » la vie aux hommes… Non, il ne s’agit nullement d’alléger un fardeau… C’est l’autorité de Jésus qui est en jeu…" (4)
La résurrection de Jésus eut lieu « le premier jour de la semaine », si bien que, pour les chrétiens, ce « premier jour » - le début de la Création - devint désormais le « jour du Seigneur ».
Alors que la Torah présente un ordre social précis, qu’elle donne au peuple son régime juridique et social pour les temps de guerre et de paix, pour une politique juste et pour la vie quotidienne, on ne trouve rien de tel chez Jésus. Le fait de suivre Jésus ne fournit aucune structure sociale concrète politiquement réalisable.
Qu’est-ce que Jésus nous a apporté ? (…) Il a fait don de l’universalité (…) le seul préalable est la communion avec Jésus, la communion dans la volonté de Dieu (…) C’est une entrée dans la famille de ceux qui disent Père à Dieu (…) Jésus, dont la nourriture est de faire la volonté du Père.
Il ne s’agit pas de ceci ou de cela, il importe seulement que Dieu veuille vraiment se donner à nous : tel est le don de tous les dons, « la seule chose nécessaire »…
Ainsi, la filiation est devenue un concept dynamique : nous ne sommes pas encore de manière achevée des fils de Dieu, mais nous devons le devenir et l’être de plus en plus à travers notre communion de plus en plus profonde avec Jésus. Etre fils, c’est suivre le Christ.
Dans la Bible, le mot « mère » n’est pas un titre de Dieu. Pourquoi ? (…) l’image du père était et reste toujours en mesure d’exprimer l’altérité du créateur et de la créature…
(…) « qui est aux cieux ». Par ces mots, nous ne plaçons pas Dieu, le Père, sur un quelconque astre lointain, mais nous énonçons que nous, tout en ayant des pères terrestres différents, nous provenons cependant tous d’un seul Père.
(…) dans le monde de l’époque, il y avait beaucoup de dieux. Moïse demande donc à Dieu son nom, le nom par lequel ce Dieu pourra justifier de son autorité particulière vis-à-vis des autres dieux. L’idée du nom de Dieu fait donc d’abord partie du monde polythéiste, où ce Dieu doit aussi se donner un nom (…) C’est pourquoi il ne peut pas entrer dans le monde des dieux comme un parmi d’autres, et il ne peut pas avoir un nom parmi d’autres.
Le Règne de Dieu vient à travers un cœur docile (…) La demande du cœur docile est devenue la demande en vue de la communion avec Jésus-Christ…
(…) la force de gravité de notre propre volonté nous éloigne sans cesse de la volonté de Dieu et nous fait devenir simple « terre ». Mais lui nous accepte, nous tire vers le haut jusqu’à lui, en lui, et, dans la communion avec lui, nous apprenons, nous aussi, la volonté de Dieu. Dans cette troisième demande du Notre Père, nous demandons de pouvoir nous approcher de plus en plus de lui pour que la volonté de Dieu l’emporte sur la force de gravité de notre égoïsme et qu’il nous rende capables de la hauteur à laquelle nous sommes appelés.
(…) il est question de « notre » pain (…) nul ne doit penser seulement à soi-même (…) nous demandons aussi le pain pour les autres (…) L’autre interprétation dit que la bonne traduction serait « le pain futur » (…) que le Seigneur veuille donner dès « aujourd’hui » le pain futur, le pain du monde nouveau, c’est-à-dire lui-même.
Au centre de l’Evangile de Mathieu (5), se trouve la parabole du serviteur sans pitié. A ce haut dignitaire royal a été remise la dette inimaginable de 10 000 talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent) ; et lui-même n’est pas prêt à remettre la somme comparativement dérisoire de 100 pièces d’argent.
« Quand nous avons dit : délivrez-nous du mal, il ne reste plus rien à demander. Nous implorons la protection divine contre l’esprit du mal, et, après l’avoir obtenue, nous sommes en sûreté contre les assauts du démon et du monde. Car comment craindre le siècle, quand Dieu nous couvre de son égide ? » (Saint Cyprien, évêque martyr)
« En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples, en choisit douze, et leur donna le nom d’apôtres. » (6) L’appel des disciples est un évènement lié à la prière (…) On ne peut choisir les ouvriers de la moisson de Dieu simplement comme un patron sélectionne sa main-d’œuvre, ils doivent toujours être demandés à Dieu et désignés par lui pour ce service. (…) On ne peut pas s’instituer soi-même disciple (…) les douze tribus d’Israël qui toutefois, après l’exil, se réduisaient quasiment à la tribu de Juda. Le nombre douze est donc un retour aux origines d’Israël, mais aussi un symbole d’espérance : Israël est rétabli dans son intégrité…
(…) avoir recours à la magie pour guérir est toujours lié à l’art de retourner le mal contre le prochain et de mobiliser contre lui les « démons » (…) Seul le chemin d’union progressive avec Dieu constitue le vrai processus de guérison de l’homme.
Deux d’entre eux sont issus du parti des zélotes : Simon, que Luc appelle « le zélote » (…) et Judas…
(…) soixante-dix était considéré comme le nombre des peuples de la terre.
Cette tradition constitue l’arrière-plan de la légende (…) selon laquelle la traduction en grec de l’Ancien Testament, au IIIè siècle avant J-C, a été faite par soixante-dix érudits.
Peut-être est-il judicieux d’attirer ici l’attention sur quelques traits spécifiques de l’évangéliste Luc. De la même façon qu’il est particulièrement sensible à l‘importance des femmes, il est l’évangéliste des pauvres et, chez lui, on doit reconnaître « l’option prioritaire pour les pauvres ».
Le « Royaume de Dieu » est présent comme une semence. Vue de l’extérieur, la semence est une chose insignifiante que l’on peut ignorer. La graine de moutarde, qui est une image du Royaume de Dieu, est la plus petite de toutes les graines, et pourtant elle porte en elle un arbre tout entier. La semence est la présence de la réalité future. Dans la semence, ce qui est à venir est déjà présent de manière cachée.
Car dans ce monde marqué par le péché, ce qui caractérise l’axe, la force de gravitation de notre vie, c’est la sujétion au « je » et au « on ». Ce lien doit être brisé pour permettre l’ouverture à un amour nouveau qui nous transporte dans un univers régi par d’autres lois de la gravitation…
(…) il ne s’agit plus de savoir quel autre est ou n’est pas mon prochain, il s’agit de moi-même. Je dois me faire le prochain des autres, et alors, l’autre comptera pour moi « comme moi-même. » (…) Jésus renverse les choses. Le Samaritain, l’étranger, se fait lui-même mon prochain et me montre que je dois apprendre par moi-même, de l’intérieur, à être le prochain de tous (…) Il me faut devenir quelqu’un qui aime, une personne dont le cœur se laisse bouleverser par la détresse de l’autre (…) Et nous ne pourrons le faire que si nous devenons nous-mêmes intérieurement « bons », si de l’intérieur nous nous faisons le « prochain » des autres et si nous cherchons alors à savoir quelle façon de servir nous est demandée, autour de nous et dans le cercle plus large de notre vie, quelle façon de servir nous est individuellement possible et, par là même, assignée.
(…) dans l’au-delà, la seule vérité qui se manifeste est celle qui présidait déjà ici-bas.
Le riche se trouve dans le séjour provisoire des morts, l’hadès, et non pas dans la « géhenne » (l’enfer), qui est le nom donné au séjour définitif.
Ce problème de l’exigence d’un signe visible, de l’exigence d’une plus grande évidence dans la manifestation de la Révélation, traverse tout l’Evangile (…) quiconque ne croit pas en la parole de l’Ecriture ne croira pas non plus quelqu’un qui reviendrait de l’au-delà. Les vérités les plus élevées, on ne peut les faire entrer dans le moule de l’évidence empirique, propre aux seules choses matérielles.
Depuis Irénée de Lyon (mort en 202), la tradition de l’Eglise considère unanimement Jean le fils de Zébédée, comme le disciple bien-aimé et comme l’auteur de l’Evangile (…) Est-il possible que lui, le pêcheur du lac de Génésareth, ait pur rédiger ce sublime évangile qui, par ses visions, plonge au plus profond du mystère de Dieu ? Lui, ce pêcheur de Galilée, a-t-il pu être lié à l’aristocratie sacerdotale, comme le fut, en effet, l’évangéliste ? A-t-il pu être apparenté à la famille du grand prêtre, comme le suggère le texte ? (…) Après avoir terminé son service, le prêtre retournait dans son pays : de manière courante, il exerçait aussi une profession lui permettant de gagner sa vie.
(…) il ressort qu’il existait, à Éphèse, une sorte d’école johannique qui se réclamait du disciple bien-aimé de Jésus, mais où cependant un certain « prêtre Jean » était l’autorité déterminante. Ce « prêtre » Jean apparaît dans la deuxième et la troisième Lettre de saint Jean comme expéditeur et auteur de la Lettre, mais simplement sous le titre « le prêtre » (l’Ancien), sans indiquer le nom de Jean. Manifestement, il est pas identique à l’apôtre (…) Après la mort de l’apôtre, il passait tout à fait pour le porteur de son héritage. Dans la mémoire, les deux figures ont fini par se confondre (…) le contenu de l’Evangile remonte au disciple que Jésus aimait (particulièrement). Le prêtre s’est considéré comme son relais et son porte-parole.
Chez Jean, le sujet du souvenir est toujours le « nous », il se souvient dans et avec la communauté des disciples, dans et avec l’Eglise.
Cela signifie que l’Evangile de Jean, en tant qu’ »Evangile pneumatique », ne fournit certainement pas une sorte de transcription sténographique des paroles et des activités de Jésus, mais que, en vertu de la compréhension née du souvenir, il nous accompagne, au-delà de l’aspect extérieur, jusque dans la profondeur des paroles et des évènements, profondeur qui vient de Dieu et qui conduit vers Dieu.
L’abondance de Cana est par conséquent un signe indiquant que la fête de Dieu avec l’humanité, le don de lui-même aux hommes, a commencé (…) L’heure des noces de Dieu avec son peuple a commencé dans la venue de Jésus.
En Isaïe 5,1-7, nous rencontrons un chant de la vigne (…) La vigne, la fiancée, c’est Israël…
La parabole de la vigne dans le discours d’adieu de Jésus prolonge toute l’histoire de la pensée et du discours bibliques autour de la vigne et s’ouvre à une ultime profondeur : « Je suis la vraie vigne » (7) (…) Dès lors, la vigne n’est plus une créature que Dieu regarde avec amour, mais qu’il peut aussi arracher et rejeter. Dans le Fils, il est lui-même devenu la vigne (…) Cette vigne ne pourra plus jamais être arrachée, elle ne pourra plus jamais être livrée à l’abandon ni au pillage. elle appartient définitivement à Dieu. Par le Fils, Dieu lui-même vit en elle.
Jean ne connaît pas l’image paulinienne du « corps du Christ ». Mais la parabole de la vigne exprime de fait la même chose : le fait que Jésus est inséparable des siens, leur union avec lui et en lui. Ainsi, le discours de la vigne manifeste l’irrévocabilité du don offert par Dieu, qui ne sera pas repris.
La vigne (…) a toujours à nouveau besoin d’être nettoyée, purifiée (…) Cette purification, l’Eglise, l’individu en ont sans cesse besoin.
N’oublions pas que la parabole de la vigne est intégrée dans le contexte de la dernière Cène de Jésus (…) Le fruit que le Seigneur attend de nous est l’Amour qui accepte avec lui le mystère de la Croix, l’Amour qui nous fait participer à son don de soi.
En Jean 15, 1-10, nous rencontrons dix fois le verbe grec menein (demeurer) (…) Au début, on est facilement enthousiaste, mais il faut ensuite marcher avec constance sur les chemins monotones du désert qu’on est appelé à parcourir dans la vie. Il faut avancer patiemment (…) C’est justement ainsi que le vin se bonifie.
L’homme de prière est assuré d’obtenir ce qu’il demande. Cependant, prier au nom de Jésus, ce n’est pas demander n’importe quoi, mais demander le don essentiel que Jésus, dans le discours d’adieu, nommait « la joie » et que Luc nommait l’Esprit-Saint.
Le bien suprême et véritable en nous ne pouvons l’acquérir par nos effort. Nous devons accepter le don, et nous devons entrer dans la dynamique de ce qui nous est donné. Cela se fait dans la foi en Jésus, qui est dialogue, relation vivante avec le Père, et qui veut redevenir en nous parole et amour.
(…) l’Eucharistie apparaît comme la grande et permanente rencontre de l’homme avec Dieu, dans laquelle le Seigneur se donne comme « chair », afin qu’en lui et en participant à son chemin, nous puissions devenir « esprit ».
On peut se souvenir ici des mots de saint Paul : « Le premier Adam était un être humain qui avait reçu la vie » ; le dernier Adam - le Christ - est devenu l’être spirituel qui donne la vie. » (8)
Ainsi, dans les religions du monde, le pain est devenu le point de départ des mythes de la mort et et de la résurrection de la divinité, dans lesquels l’homme exprimait son espérance d’une vie qui sortirait de la mort…
Jésus transforme l’acte violente et extérieur de la crucifixion en un acte du libre don de soi-même pour les autres. Jésus ne donne pas quelque chose, il se donne lui-même. C’est ainsi qu’il donne la vie.
Les enfants ne sont pas la « propriété » des parents. Les époux ne sont pas « propriété » l’un de l’autre. Mais ils s’appartiennent l’un à l’autre de façon beaucoup plus profonde que par exemple un bout de bois ou un terrain ou n’importe quelle autre chose qu’on nomme « propriété ».
L’homme se connaît seulement dans la mesure où il apprend à se comprendre à partir de Dieu, et il connaît l’autre seulement dans la mesure où il voit en lui le mystère de Dieu.
Il commence le récit de cet épisode en énonçant un paradoxe voulu : « Un jour, Jésus priait à l’écart. Comme ses disciples étaient là… » (9). Les disciples sont intégrés dans son aparté, cette façon réservée à lui seul d’être avec le Père (…) il leur est permis de voir Jésus comme celui qui parle face à face avec le Père, en toute familiarité.
(…) ce qui scandalisait chez Jésus (…) c’est qu’il semble se placer sur un pied d’égalité avec le Dieu vivant. C’est cela que la foi strictement monothéiste des Juifs ne pouvait admettre…
(…) la Transfiguration de Jésus a un rapport avec la fête des Tentes (…) Les évènements majeurs de la vie de Jésus ont un rapport intrinsèque avec le calendrier des fêtes juives (…) La fête des Tentes présente le caractère tridimensionnel que l’on retrouve généralement dans les grandes fêtes juives : une fête provenant à l’origine de la religion de la nature devient en même temps une fête de commémoration historique des actions salvifiques de Dieu, et le souvenir devient l’espérance du salut définitif (…) Si la fête des Tentes avec son sacrifice de l’eau permettait d’implorer la pluie indispensable pour une terre desséchée, la fête se transforme aussitôt en commémoration de la traversée du désert par Israël, au cours de laquelle les Juifs habitaient dans des tentes (des cabanes, soukkhot) (…) « Les cabanes furent conçues non seulement comme une réminiscence de la protection divine dans le désert, mais aussi comme une préfiguration des soukkhot dans lesquels les justes habiteraient dans le siècle à venir. » (Riesenfield) (…) c’est chez Luc (16,9) qu’il est fait mention des tentes éternelles habitées par les justes dans la vie future.
Au fil du développement de l’Ancien Testament et du judaïsme primitif, le mot « Seigneur » était devenu une désignation de Dieu, faisant ainsi passer Jésus dans la communion ontologique avec Dieu lui-même, l’authentifiant comme le Dieu vivant désormais présent pour nous.
L’expression « Fils de l’homme », utilisée par Jésus pour cacher son mystère et en même temps le livre progressivement, était nouvelle et surprenante. Ce n’était pas un titre courant dans l’espérance messianique (…) En gros, l’expression « Fils de l’homme » signifie d’abord simplement « homme » dans l’usage linguistique hébreu et araméen (…) Le titre de « Fils de l’homme » n’existait pas en tant que titre à l’époque de Jésus. Mais on peut sans doute en voir l’esquisse dans la vision de l’histoire universelle relatée par le Livre de Daniel avec les quatre bêtes et le « Fils d’homme ».
L’expression « Fils de Dieu » provient de la théologie politique de l’Orient ancien. En Egypte comme à Babylone, on donnait au roi le titre de « fils de dieu ». Le rituel de l’accession au trône est considéré comme un « engendrement » qui le fait fils de dieu.
(…) le « JE SUIS » du Buisson ardent avait trouvé une signification nouvelle : ce Dieu est, tout simplement (…) Quand Jésus dit « Je suis » (…) Jésus ne se situe pas à côté du Je du Père, mais il renvoie au Père (…) Parce qu’il est le Fils, il peut reprendre à son compte la présentation que le Père fait de lui-même (…) « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS » (10). Sur la croix, on peut reconnaître sa condition de Fils, et son unité avec le Père.
(1) Mathieu 5,6
(2) Luc, 6, 24-26
(3) Ainsi parlait Zarathoustra.
(4) A Rabbi talks with Jesus (1993)
(5) 18, 23-25
(6) Luc 6, 12-13
(7) Jean, 15,1.
(8) Première Lettre aux Corinthiens 15, 45
(9) Luc, 9,18
(7) Jean, 15,1.
(8) Première Lettre aux Corinthiens 15, 45
(9) Luc, 9,18
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