Avec ou sans Constituante, ce qu’il fallait c’était la paix, la terre et le contrôle ouvrier de l’industrie.
Le 15 octobre, j’eus un entretien avec un grand capitaliste, Stéphan Georgévitch Lianozov, le « Rockefeller russe (…) « Quant aux bolcheviks, il n’y a que deux façons d’en venir à bout : évacuer Pétrograd et déclarer l’état de siège, afin que le commandement militaire puisse nous débarrasser des ces messieurs sans avoir à se soucier de la légalité… » (…) L’hiver, le terrible hiver russe, approchait. J’entendais dire aux hommes d’affaires : « L’hiver a toujours été le meilleur ami de la Russie. C’est lui qui peut-être nous délivrera de la révolution ».
Une grande partie des classes riches préférait les Allemands à la révolution, - même au Gouvernement provisoire, - et ne s’en cachait pas. Dans la famille russe où je vivais, on s’entretenait invariablement à table l’arrivée des Allemands qui apporteraient « la loi et l’ordre ».
Dans cette atmosphère de corruption, de monstrueuse demi-vérités, une seule note claire, l’appel bolchévique, chaque jour plus pénétrant : « Toute le pouvoir aux Soviets ! Tout le pouvoir aux élus directs des millions d’ouvriers, de soldats, de paysans. De la terre, du pain ! In à la guerre insensée, fin à la diplomatie secrète, à la spéculation, à la trahison !… »
Comme toujours dans de semblables périodes, la petite vie conventionnelle allait son train, ignorant le plus possible la révolution. Les poètes faisaient des vers, mais pas à propose de la révolution. Les peintres réalistes peignaient des scènes de la Russie médiévale, tout sauf la révolution. De jeunes demoiselles de province arrivaient dans la capitale pour y apprendre le français et y cultiver leur voix.
Sur les murs des restaurants, on lisait des inscriptions comme celles-ci : « Les pourboires ne sont pas acceptés » ou « Ce n’est pas parce qu’un homme est obligé de gagner sa vie en servant les autres à table, qu’il faut l’insulter en lui offrant un pourboire. »
Des milliers d’organisations distribuaient des centaines de milliers de brochures et en inondaient les armées, les villages, les usines, les rues. La soif d’instruction si longtemps refrénée devient avec la révolution un véritable délire.
On tenait des meetings dans les tranchées, sur les places des villages, dans les fabriques (…) Pendant des mois, à Pétrograd et dans la Russie, chaque coin de rue fut une tribune publique. Dans les trains, dans les tramways, partout jaillissait à l’improviste la discussion (…) Dans tous les meetings, la proposition de limiter le temps de parole était régulièrement repoussée : chacun pouvait librement exprimer la pensée qui était en lui…
Le premier numéro de L’Ouvrier et le Soldat résuma, le 17 octobre, le point de vue bolchévique : « Une quatrième année de guerre signifierait l’anéantissement de l’armée et du pays… Pétrograd révolutionnaire est en danger. Les contre-révolutionnaires se réjouissent des malheurs du peuple et se préparent à lui porter un coup mortel. Les paysans, désespérés, sont entrés en révolte ouverte ; les propriétaires et le gouvernement les font massacrer dans des expéditions punitives. Les fabriques et les usines cessent le travail, les ouvriers sont menacés de famine. La bourgeoisie et ses généraux veulent restaurer par des mesures impitoyables une discipline aveugle dans l’armée. Soutenus par la bourgeoisie, les partisans de Kornilov se préparent ouvertement à disperser l’Assemblée constituante. Le gouvernement de Kerenski est le gouvernement de la bourgeoisie(…)
Tout le pouvoir aux Soviets dans la capitale comme en province.
Trêve immédiate sur tous les fronts.
Paix loyale entre les peuples.
La terre aux paysans, sans indemnisation des propriétaires.
Une Assemblée constituante honnêtement élue »
La presse bourgeoise et réactionnaire prophétisait l’insurrection et réclamait du gouvernement l’arrestation du Soviet de Pétrograd ou tout au moins qu’il empêchât le Congrès de se réunir. Des feuilles comme la Novaïa Rouss préconisaient un massacre général des bolchéviks.
(…) le Comité central du parti bolchévique était en train d’envisager l’éventualité de l’insurrection (…) Parmi les intellectuels, seuls Lénine et Trostski étaient pour l’insurrection. Même les militaires y étaient opposés. On vota. L’insurrection fut battue.
Dans les rapports entre un gouvernement faible et un peuple en révolte, il arrive toujours un moment où tout acte de pouvoir ne fait qu’exaspérer les masses et tout refus d’agir de sa part qu’exciter leur mépris.
Le 30 octobre, je me rendis auprès de Trotski (…) : « L’armée est avec nous. Les conciliateurs et les pacifistes, c’est-à-dire les S.R. et les menchéviks, ont perdu toute autorité, parce que la lutte entre paysans et grands propriétaires, entre ouvriers et patrons, soldats et officiers, est devenue plus aiguë, plus irréconciliable que jamais (…) Au sortir de cette guerre, je vois l’Europé régénérée, non par les diplomates, mais par le prolétariat. La république fédérative européenne - les Etats-Unis d’Europe - voilà ce qui doit être (…) L’évolution économique exige l’abolition des frontières nationales (…) Seule, une République fédérative européenne donnera la paix au monde. »
La garnison de Pétrograd comptait 60 000 hommes qui avaient joué un rôle de premier plan dans la révolution (…) Un grand nombre d’entre eux étaient devenus bolchéviques (…) Aussi le Gouvernement provisoire voulait-il remplacer les régiments de la ville par des troupes de confiance : Cosaques et Bataillons de la Mort.
Le lundi matin 5 novembre, j’entrai au palais Marie pour savoir ce qui se passait au Conseil de la république (…) Quand j’arrivai, le socialiste-révolutionnaire de gauche Karéline donnait lecture d’un éditorial du Times de Londres, où il était dit : « Le remède contre le bolchévisme, ce sont les balles. » Se tournant vers les Cadets, il leur lança :
- Parfaitement, parfaitement !
- Oui, c’est ce que vous pensez, reprit Karéline avec chaleur. Seulement vous n’avez pas le courage d’agir.
- La forteresse de Pierre-et-Paul vient de passer de notre côté, me dit-il, avec un sourire de satisfaction. Il y une minute, nous avons reçu une délégation d’un régiment appelé par le gouvernement à Pétrograd. Les hommes, soupçonnant quelque chose, avaient arrêté leur train à Gatchina :
- Qu’y-a-t-il ? nous ont-ils demandé. Qu’avez-vous à nous dire ? Notre régiment s’est prononcé pour le mot d’ordre :
« Tout le pouvoir aux Soviets ! » (…)
Toutes les lignes téléphoniques, m’apprit-il encore, étaient coupées, mais les communications avec les casernes et les usines étaient assurées au moyen du téléphone de campagne.
- Eh bien, s’écria-t-il, ça y est ! Kérenski a voulu faire occuper par les junkers le Soldat et le Rabotchi Pout. Mais nos troupes sont arrivées et ont brisé les scellés gouvernementaux. Maintenant, c’est nous qui envoyons des détachements occuper les journaux bourgeois.
A l’angle de la Morskaïa et de la Nevski, des détachements de soldats, baïonnette au canon, arrêtaient les automobiles particulières, en faisaient descendre les occupants et envoyaient les voitures au Palais d’Hiver. Une foule nombreuse les regardait opérer. Personne ne savait si les soldats agissaient au nom du gouvernement ou du Comité militaire révolutionnaire.
Le Soviet de Pétrograd siégeait en permanence à Smolny, centre de la tempête. Des délégués s’écoulaient de sommeil sur le plancher, puis se relevaient pour prendre part aux débats. Trotski, Kaménev, Volodarski parlaient six, huit, douze heures par jour…
Au coin de la Morskaïa, je rencontrai le capitaine Gromberg, menchévik jusqu’au-boutiste, secrétaire de la section militaire de son parti (…) Les bolchéviks peuvent peut-être s’emparer du pouvoir, mais ils ne le garderont pas plus de trois jours. Ils n’ont pas d’hommes de gouvernement. Peut-être vaut-il mieux même qu’ils soient à l’épreuve, ça les achèvera.
Le jeudi 8 novembre (…) En apparence, tout était calme (…) La vie quotidienne se poursuivait dans toute sa complexité routinière, que même la guerre n’interrompt pas. Rien de plus étonnant que la vitalité de l’organisme social, continuant à se nourrir, à se vêtir, à se distraire en présence des pires calamités (…)
Les fonctionnaires de l’Etat et de la ville refusaient d’obéir aux commissaires, les postes et les télégraphes refusaient d’assurer les communications, les chemins de fer ne répondaient pas aux demandes de trains, Kérenski approchait, la garnison n’était pas entièrement sûre, les Cosaques se préparaient à l’attaque (…)
Le Congrès devait se réunir à une heure et la grande salle de réunion était depuis longtemps pleine (…) Lénine et Trotski avaient dû combattre les tendances au compromis. Une partie notable des bolchéviks était d’avis de faire les concessions nécessaires pour réussir à constituer un gouvernement de coalition socialiste (…)
Lénine se leva (…) A ses pieds, un millier de visages simples étaient tendus vers lui dans une sorte d’intense adoration : « Proclamation aux peuples et aux gouvernements de tous les pays belligérants. » (…) Il était exactement 10 heures 35, quand Kaménev demanda à tous ceux qui approuvaient la proclamation de lever leurs cartes. Un seul délégué osa lever la main contre, mais la violence des protestations qui éclatèrent autour de lui la lui fit promptement baisser… C’était l’unanimité (…)
Un soldat à la barbe en désordre et aux yeux de flamme lui succéda :
- Vous êtes assis ici et vous parlez de donner la terre aux paysans, mais vous agissez vous-mêmes en tyrans et en usurpateurs vis-à-vis des représentants élus des paysans. Je vous préviens, ajouta-t-il en levant le poing, si vous touchez à un seul de leurs cheveux, ce sera la révolte.
L’assemblée commença à s’agiter.
Alors Trotski se leva, calme et mordant, conscient de sa puissance, salué par les acclamations.
- (…) S’ils sont encore à Pierre-et-Paul, c’est en raison de notre énorme besogne. Mais, en tous as, ils resteront aux arrêts à leur domicile jusqu’à ce que nous ayons examiné leur complicité dans les actes de trahison de Kérenski pendant l’affaire Kornilov !
(…) une foule s’était rassemblée devant le bâtiment de la Douma, occupant toute la rue. Quelques gardes rouges et matelots, baïonnette au canon, étaient entourés chacun d’une centaine d’hommes et de femmes - employés, étudiants, fonctionnaires- qui les menaçaient du poings et leur hurlaient des injures (…) Dans la salle Alexandre, le Comité de Salut tenait un meeting monstre (…)
- Le pouvoir des Soviets n’est pas un pouvoir démocratique, mais une dictature, et non pas une dictature du prolétariat, mais une dictature contre le prolétariat (…) Pour fonder un pouvoir uni, il nous faut d’abord restaurer le prestige de la révolution…
- Vous ici ? m’étonnai-je. Ses yeux étincelèrent.
- Oui ! cria-t-il. J’ai quitté le Congrès avec mon parti mercredi soir. Ce n’est pas pour me soumettre maintenant à la tyrannie de ces brutes que j’ai risqué ma vie pendant plus de vingt ans. Leurs méthodes sont intolérables. Mais ils ont compté sans les paysans… Quand les paysans commenceront à agir, leur existence ne sera plus qu’une question de minutes.
- Mais agiront-ils, les paysans ? Le Décret sur la terre ne leur donne-t-il pas satisfaction ? Que demandent-ils de plus ?-
- Ah, le Décret sur la terre ! fit-il, furieux. Eh bien, savez-vous ce que c’est que ce décret ? C’est notre décret, c’est intégralement le programme socialiste-révolutionnaire ! C’est mon parti qui a tracé cette politique après l’examen le plus minutieux des vœux des paysans eux-mêmes. C’est une impudence…
- La
garnison fait volte-face, me chuchota-t-il à l’oreille. C’est le commencement
de la fin pour les bolchéviks. Voulez-vous assister au renversement de la
marée. Venez avec moi.
Il
s’engagea dans la Mikhaïlovskaïa au pas de gymnastique et nous derrière lui.
- Quel
régiment est-ce ?
- Les
bronéviks…
C’était grave. Les bronéviks,
troupes des automobiles blindées, étaient en effet la clef de la situation. Qui
les avait en main était maître de la ville.
Un immense placard reproduisait le manifeste hystérique du Comité exécutif des Députés paysans : « Ils (les bolchéviks) osent dire qu’ils ont l’appui des Soviets des députés paysans… Sans en avoir le droit, ils parlent au nom des Soviets des Députés paysans. Il faut que toute la Russie ouvrière sache que c’est un mensonge et que toute la paysannerie, par la voix du Comité exécutif du Soviet panrusse des Députés paysans, repousse avec indignation toute participation des paysans organisés à cette violation criminelle de la volonté de tous les travailleurs… »
Le Diélo Naroda écrivait : « Une révolution est un soulèvement du peuple tout entier… Qui a reconnu la « seconde révolution » de MM. Lénine, Trotski et de leurs semblables ? Un petit nombre d’ouvriers, de soldats et de matelots, qu’ils ont réussi à tromper, et personne d’autre… »
A la porte de la gare se tenaient deux soldats baïonnette au canon (…) Un grand jeune homme, à la mine arrogante, qui portait l’uniforme d’étudiant, menait l’attaque (…)
- (…) vous ne comprenez pas. Il y a deux classes, le prolétariat et la bourgeoisie. Nous…
- Oh, je connais cette rengaine interrompit l’étudiant. Vous autres, paysans ignares, il suffit que vous entendiez brailler quelques phrases toutes faites. Aussitôt, sans avoir rien compris, vous vous mettez à les répéter comme des perroquets.
La foule éclata de rire.
- Moi, je suis un étudiant marxiste (…) Vous croyez sans doute que Lénine est un véritable ami du prolétariat ?
- Oui, je le crois, répondait le soldat, au martyre.
- Eh bien, mon ami, savez-vous que Lénine a traversé l’Allemagne dans un wagon plombé ? Savez-vous que Lénine a reçu de l’argent des Allemands ?
- Oh, je ne sais pas grand-chose de tout cela, fit le soldat avec entêtement, mais je trouve que ce qu’il a dit, c’est justement ce que j’ai besoin d’entendre et avec moi tous les gens simples de mon espèce. Voyez-vous, il y a deux classes, la bourgeoisie et le prolétariat…
La Russie entière avait les regards fixés sur la plaine grise qui s’étend aux portes de Pétrograd, où toutes les forces disponibles de l’ancien régime affrontaient la puissance inorganisée du nouveau : l’inconnu.
- Il faut payer leurs salaires aux cheminots, aux employés des postes et télégraphes. Les banques sont fermées, y compris la Banque d’Etat, clef de la situation. Tous les employés de banque de Russie ont été achetés… Mais Lénine vient de donner l’ordre de forcer à la dynamite l’entrée des sous-sols de la Banque d’Etat (…)
- Pourquoi n’êtes-vous pas au front avec les gardes rouges ? lança une voix rude.
- J’y vais de ce pas, riposta Trotski, et il quitta la tribune. Le visage un peu plus pâle qu’à l’ordinaire, il longea le côté de la salle, entouré d’amis empressés, et se rendit rapidement jusqu’à l’automobile qui l’attendait.
Comment les ouvriers non entraînés recevaient la charge des Cosaques et les arrachaient de leurs selles ; comment le peuple anonyme, s’étant rassemblé pendant la nuit autour du combat,, s’enfla en une marée qui submergea l’ennemi… Le lundi, avant minuit, les Cosaques étaient dispersés et en fuite, abandonnant leur artillerie, et l’armée du prolétariat, avançant alors sur toute la longueur du front, entra à Tsarskoïé avant que l’ennemi eût pu détruire la grande station de TSF d’où les commissaires de Smolny lancèrent aussitôt au monde un hymne de triomphe…
Nous entrâmes dans la salle à manger. Au centre, autour d’une longue table, une vingtaine d’officiers avaient pris place. Ils étaient en grande tenue, avec leurs épées à poignée d’or et d’argent et les rubans et les croix des ordres impériaux. Tous se levèrent avec politesse à mon entrée et une place me fut faire auprès du colonel, un homme de stature et d’aspect imposants, à la barbe grisonnante. Des ordonnances bien stylées servaient le dîner. L’atmosphère était celle de tous les mess d’officiers d’Europe. Où donc était la révolution ?
- Vous
n’êtes pas bolchévique ? demande-je à Morovski.
Un sourire fit le tour de la table, mais je surpris un ou deux regards furtifs vers les ordonnances.
- Non, répondit mon ami. Il n’y a qu’un seul officier bolchévique dans le régiment. Il est à Pétrograd ce soir. Le colonel est menchévique, le capitaine Kerlov, là-bas, est Cadet. Moi-même, je suis S.R. de droite… Je crois que la plupart des officiers de l’armée ne sont pas bolchéviques, mais ils sont, comme moi, démocrates : ils pensent qu’ils doivent suivre la masse des soldats…
Toute la journée (…) le cortège funèbre défila, fleuve de bannières rouges, portant des paroles d’espoir et de fraternité, et d’audacieuses prophéties, à travers une foule de cinquante mille âmes (…) Un par un, les cinq cents cercueils furent couchés dans les fosses.
Je compris soudain que le religieux peuple russe n’avait plus besoin de prêtres pour lui ouvrir la voie du ciel. Il était en train d’édifier sur terre un royaume plus splendide que celui des cieux, et pour lequel il était glorieux de mourir.
« Le premier Congrès des Soviets a proclamé, au mois de juin de cette année, les droit des peuples de Russie à disposer d’eux-mêmes (…) y compris la séparation totale et la constitution en Etat indépendant » (Vladimir Oulianov (Lénine) - 14 novembre 1917)
La Rada centrale de Kiev proclama immédiatement l’Ukraine république indépendante et le gouvernement finlandais fit voter une mesure analogue par le Sénat à Helsingfors. Des gouvernements indépendants surgirent en Sibérie et au Caucase…
Trotski se rendit au ministère des Affaires étrangères. Les fonctionnaires refusèrent de le reconnaître.
Presque toute l’intelligentsia étant antibolchévique, il était impossible au Gouvernement soviétique de recruter de nouveaux fonctionnaires…
Les comités de ravitaillement, les administrations des services municipaux d’utilité publique ne fonctionnaient plus ou bien sabotaient.
Avanessov, au nom du groupe de Lénine (…) donna lecture de la résolution officielle du groupe bolchévique : (…) « Le rétablissement de la prétendue « liberté de la presse », c’est-à-dire la restitution pure et simple aux capitalistes, empoisonneurs de la conscience publique, des imprimeries et du papier, serait une capitulation inadmissible devant la volonté du capital, l’abandon d’un des positions les plus importantes de la Révolution ouvrière et paysanne… » (…)
Alors vint Lénine, calme, impassible, le front plissé, parlant lentement, choisissant ses mots ; chaque phrase, tombait comme un coup de marteau (…) « Tolérer l’existence de la presse bourgeoise signifie cesser d’être socialiste. Quand on fait la révolution, on ne peut pas temporiser : il faut aller en avant ou en arrière. Celui qui parle de la liberté de la presse va en arrière et arrête notre marche en avant vers le socialisme. »
Après ce vote, les SR de gauche se déclarèrent obligés de dégager leur responsabilité et quittèrent le Comité militaire révolutionnaire, ainsi que tous les postes importants qu’ils occupaient. Cinq membres du Conseil des commissaires du peuple (…) démissionnèrent en faisant la déclaration suivante : « Nous sommes pour un gouvernement socialiste comprenant tous les partis socialistes (…) En dehors de cette solution nous ne voyons qu’une possibilité : le maintien d’un gouvernement exclusivement bolchévique au moyen du terrorisme politique. »
(…) les déclarations se succédaient, toutes prétendant que le Comité militaire révolutionnaire rendait le travail impossible aux fonctionnaires et appelant la population à l’aide contre Smolny. Mais la masse des ouvriers et des soldats n’y croyait pas. La certitude s’était établie dans l’esprit du peuple que les fonctionnaires sabotaient, affamaient l’armée et la population. Aux queues pour le pain, qui continuaient à s’allonger dans les rues glaciales, ce n’était plus contre le gouvernement qu’on maugréait, comme sous Kérenski, mais contre les tchinovniks, contre les saboteurs…
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