Il demanda à Jésus pourquoi il n’était pas venu plus tôt ; le Sauveur lui répondit qu’il ne pouvait naître que d’une femme conçue comme tous les hommes l’auraient été, sans la chute originelle, et que depuis Adam et Eve il ne s’était rencontré, pour cette œuvre, aucun couple d’époux qui fut aussi pur qu’Anne et Joachim.
Il était à la fois très affectueux et très digne ; jamais je n’ai entendu une parole inutile de sa bouche.
… le Seigneur expliqua aussi à ses disciples que ces paroles de son Père céleste : « C’est mon Fils bien-aimé » étaient dites de tous ceux qui auront reçu dignement le baptême du Saint Esprit.
Jean adressait la parole à tout le monde, sans distinction de personne, mais il ne parlait que d’une chose : de la pénitence et de la prochaine venue du Seigneur. Tous s’étonnaient et devenaient sérieux à son aspect. Sa voix perçante comme un glaive, était à la fois claire, forte et agréable. Il traitait tous les hommes comme des enfants.
Beaucoup de publicains étaient venus aussi ; il les avait baptisés et avait fortement parlé à leur conscience. Parmi eux était le publicain Lévi, surnommé plus tard Matthieu.
J’ai entendu les disciples s’inquiéter de la vie austère de Jésus, de son habitude d’aller nu-pieds, des jeûnes et de ses veilles, dans une saison qui est froide et humide. Ils l’engagèrent à ménager un peu son corps, mais tout en accueillant avec bonté leurs recommandations, il continua à vivre comme auparavant.
A une lieue de Jéricho, il gravit une montagne du haut de laquelle la vue était très étendue […]. Elle a trois crêtes à son sommet, et renferme trois grottes, placées l’une au-dessus de l’autre. Jésus entra dans la grotte supérieure, derrière laquelle s’ouvraient les sombres profondeurs d’un précipice. Elie aussi était resté longtemps caché en ce lieu ; c’était au pied de cette montage qu’était situé le camp des Israélites, lorsqu’ils firent le tour de Jéricho, au son des trompettes et portant l’Arche d’Alliance.
Il le consola aussi touchant Madeleine, en lui disant qu’une étincelle de la grâce était tombée sur son âme et qu’elle en serait bientôt tout embrasée.
Avant le repas de noce, tout le monde se réunit dans le jardin ; les femmes et les jeunes filles étaient assises sur des tapis, sous un berceau de verdure, et jouaient à un jeu où l’on gagnait des fruits.
Les fruits et les plantes renferment tous un certain mystère surnaturel qui, depuis que l’homme en tombant a entraîné la nature dans sa chute, est devenu pour lui un secret dont il n’a conservé qu’une faible notion, dans la signification, la forme, le goût et la vertu de ces créatures inanimées. Tout est devenu obscur par l’affaiblissement de notre entendement et par l’abus que nous faisons des choses.
Jésus, pendant ce repas, comme pendant toute la durée des noces, enseigna avec une douce sérénité. Il parla de la gaieté qui préside aux fêtes. Il dit que l’arc ne devrait pas rester toujours bandé, que le champ avait besoin d’être rafraîchi par la pluie…
Ses auditeurs l’écoutaient avec étonnement et crainte. Tous étaient transformés par ce vin, car indépendamment de l’effet du miracle, le vin lui-même avait opéré en eux un profond changement ; tous les disciples, tous ses parents, tous les convives étaient désormais convaincus de sa puissance, de sa dignité et de sa mission ; tous croyaient en lui.
Il était là, pour la première fois, au milieu de son Eglise ; et ce fut le premier miracle qu’il fit en elle et pour elle, afin de la fonder dans la foi en lui.
Jésus étant venu au Temple avec tous ses disciples, fit sortir du parvis et relégua dans l’avant-cour destinée aux gentils plusieurs vendeurs d’herbage, d’oiseaux, de vivres, etc ; il le fit avec douceur et ménagement. Il leur dit entre autres choses, que le bêlement des brebis et le meuglement des bœufs ne devaient point se mêler aux prières des hommes ; il les aida lui-même, avec ses disciples, à transporter leurs tables et à trouver des places pour leurs marchandises […] le Sauveur dit à ces récalcitrants qu’il les avait deux fois éloignés avec bonté ; mais que s’il les retrouvait encore là, il les chasserait de force.
Les apôtres me paraissaient encore bien faibles et bien charnels […] Ils se disaient à eux-mêmes : « Nous avons tout abandonné pour lui, et nous voilà jetés dans les embarras et les inquiétudes. Quel est ce royaume dont il parle ? Est-ce qu’en effet, il l’établira ? ».
Jean seul suivait son maître avec confiance et l’obéissance d’un enfant. Tous cependant avaient vu tant de miracles, et en voyaient encore tous les jours !
Je remarquai que tous ceux se lesquels le Sauveur priait, ou auxquels il imposait les mains, étaient quelques temps absorbés dans un recueillement profond ; puis ils se levaient guéris.
Avant la prière, il dit à ses auditeurs qu’ils ne devraient pas se scandaliser s’il appelait Dieu son père, car celui qui fait la volonté du Père céleste est son fils, et il leur montra qu’il faisait la volonté du Père.
Madeleine, cédant à une impulsion irrésistible et ne songeant plus à sa réserve mondaine, suivit de près le Seigneur et se mêla à la foule des disciples. Ses compagnes, qui ne voulaient pas la quitter, en firent autant. Comme elles s’efforçaient d’être aussi près que possible du Sauveur, contrairement aux usages, les disciples lui en parlèrent. Mais, se tournant vers eux, il dit : « Laissez-les, ce qu’elles font ne vous regarde pas. »
Madeleine était plus belle que ses amies […]. Cependant, la sainte Vierge les surpassait toutes en merveilleuse beauté ; Madeleine avait quelque chose de plus frappant, mais Marie brillait entre toutes les autres par une expression sublime de candeur, de simplicité, de naïveté, de gravité, de douceur. Toutes les perfections se réunissaient en elle avec une telle harmonie, qu’elle apparaissait comme l’image même de Dieu dans la nature humaine. Personne n’a eu de ressemblance avec elle, si ce n’est son fils. A une majesté incomparable, elle unit l’aimable simplicité d’un enfant. Elle est sérieuse, calme, souvent triste, mais jamais désespérée, ni hors d’elle-même ; les larmes coulent doucement sur son visage toujours plein de sérénité.
Ce jour-là, à Capharnaüm, je vis Jésus guérir beaucoup de possédés, de paralytiques, d’hydropiques, de goutteux, de muets, d’aveugles, et d’autres personnes gravement malades, tandis qu’il passa outre devant d’autres qui pouvaient encore se tenir debout. Il y en avait parmi eux qui avaient été soulagé plusieurs fois par Jésus, mais qui ne s’était pas convertis sérieusement, étaient retombés dans leurs misères morales et physiques.
Jésus ne pouvait pas parler plus clairement de lui-même, car personne ne l’aurait compris. Ses disciples étaient des gens simples et bons, des âmes nobles et pieuses ; mais ils n’étaient pas encore préparés à entendre ce mystère. Plusieurs étaient ses parents selon la chair, et ils se seraient scandalisés ou auraient mal interprété ses paroles. Le peuple n’était pas assez mûr pour apprendre la vérité.
Parmi les disciples qui l’accompagnaient, ceux qui l’interrogeaient le plus souvent étaient Jacques le Majeur, Jude Barsabas et aussi Pierre, Judas Iscariote parle souvent avec outrecuidance ; André ne s’étonne de rien ; Thomas observe et réfléchit ; Jean témoigne toujours une tendresse filiale au Sauveur.
Pierre, qui possède des champs et du bétail, éprouve plus de difficulté que les autres à quitter son ménage, d’autant plus qu’il a un vif sentiment de son indignité. Depuis le commencement de sa prédication, Jésus a déjà deux fois appelé à lui les pêcheurs, mais ils sont toujours retournés à leurs filets.
Pendant son discours, de petits enfants portés à bras par leur mère et ne parlant pas encore s’écrièrent plusieurs fois à haute voix : « Jésus de Nazareth, très saint prophète, fils de David, fils de Dieu. »
Beaucoup de personnes, et Madeleine elle-même furent stupéfaites. Je me rappelle à présent que Jésus, à son intention, dit : « Lorsque l’esprit impur a été chassé de la maison purifiée, il revient avec six autres esprits, et le mal est plus grave que jamais ». Ces paroles effrayèrent beaucoup Madeleine.
…il leur dit : « Madeleine a été une grande pécheresse, mais elle sera pour tous les siècles, le plus parfait modèle de pénitentes ».
On entendit même des nourrissons à la mamelle l’acclamer.
Je fus très touchée de voir qu’au moment même où entrait le Sauveur, à Béthanie, on amena quatre agneaux qu’on avait séparés du troupeau pour les mettre dans un parc à part. La très sainte Vierge […] et Madeleine avait fait de petites guirlandes de fleurs, qu’on leur passa autour du cou. Ces agneaux étaient destinés à la Pâque.
Les agneaux de Pâques ne furent cette fois immolés au Temple qu’à partir de trois heures de l’après-midi, tandis que le jour du crucifiement du Seigneur l’immolation eut lieu dès midi et demi, au moment même où il était attaché à la croix ; la Pâque tombant alors un vendredi, il fallait se hâter pour que tout fût fini avant le sabbat.
… il leur parla de la prière qu’on fait à genoux et leur dit que dorénavant ils devraient prier avec une grande ferveur, les mains levées vers le ciel. Il leur enseigna l’Oraison dominicale, en y entremêlant quelques passages des Psaumes…
Le soleil était couché, à ce moment, et il commençait à faire nuit ; mais il ne s’en aperçurent pas, tant les paroles et l’aspect surhumain du Sauveur les captivaient et les transportaient d’admiration. Bientôt Jésus devint lumineux, et de plus en plus ; je vis alors apparaître autour de lui des esprits célestes. Pierre les vit aussi, car il interrompit le Seigneur et lui dit : « Maître, que signifie ceci ? » Jésus lui répondit : « Ils me servent. »
Avec l’apparition des anges autour du Sauveur, des courants de parfums se répandirent dans l’air, et les disciples éprouvèrent un rassasiement surnaturel et un contentement céleste. Or le Seigneur, devenant de moment en moment plus lumineux, fut comme diaphane. Le lieu qu’il occupait était tellement éclairé au milieu des ténèbres de la nuit qu’on pouvait distinguer, aussi bien qu’on l’eût fait en plein jour, chacune des plantes qui couvraient le sol. Les disciples, tout hors d’eux, se voilèrent la tête et se prosternèrent à terre, où ils demeurèrent immobiles.
Il était environ minuit quand cette divine lumière m’apparut dans son plus grand éclat. Une voie lumineuse s’étendait du ciel à la terre.
Saint Joseph avait dans toute sa personne quelque chose d’extrêmement doux, tendre et bienveillant.
Lazare s’agenouilla devant le Seigneur qui lui mit la main droite sur la tête et souffla sept fois sur lui. C’est ainsi que Jésus consacra Lazare à son service, le purifia de toute affection au monde et au péché, et le fortifia par des dons spirituels […]. J’ai vu aussi que son âme, après s’être séparée de son corps, s’était trouvée dans un séjour paisible exempt de supplices et faiblement éclairé, et qu’elle avait raconté à Anne, à Zacharie, à Jean-Baptiste et à d’autres justes, ce que le Rédempteur avait fait jusqu’alors sur la terre.
Jésus était plus grand que les apôtres. Il se tenait très droit en marchant.
[…] le Seigneur dit aux apôtres qu’il ne prendrait avec lui que les trois jeunes gens, et qu’il se rendrait en Egypte […]. Les apôtres n’ont rien écrit sur ce voyage, aucun d’eux ne l’ayant fait avec lui. Peut-être même ne savaient-ils pas où il allait.
Enfin il leur demanda ce qu’il avait obtenu avec ses prodiges, par exemple avec la multiplication des pains ou la résurrection de Lazare, puisque eux-mêmes en réclamaient de nouveaux.
Il dit quelque chose de la profonde corruption des hommes, et de tout ce qu’ils devaient à la justice de Dieu, et ajouta que personne ne pouvait, sans sa passion, être justifié.
Il justifia, devant les disciples déclarés, ceux qui restaient secrets, de ce qu’ils ne se montraient pas, disant qu’ils faisaient bien, puisqu’ils avaient une mission particulière.
Mais Jésus excusa l’acte de charité de Madeleine. Elle lui a plusieurs fois rendu le même hommage : il en est ainsi de beaucoup d’autres choses qui se sont répétées souvent, bien qu’elles ne soient mentionnées qu’une fois dans l’Evangile.
Les disciples pleuraient amèrement et la douleur les empêchait de manger. J’ai vu souvent les disciples se montrer plus tendres et plus affectueux envers Jésus que les apôtres. Ils avaient, je crois, plus d’humilité, parce qu’ils étaient moins fréquemment avec lui.
Après les avoir consultés et instruits tous ensemble, il s’entretint seul avec sa mère ; je me souviens qu’il lui dit, entre autres choses, qu’il avait envoyé Pierre et Jean, personnification de la foi et de l’amour, pour préparer la Pâque à Jérusalem. Il parla aussi de la trahison de Judas, et la sainte Vierge pria pour celui qui devait trahir son fils.
Je vis la grotte remplie de fantômes effrayants ; tous les péchés, toutes les méchancetés, tous les vices, toutes les ingratitudes, toutes les peines l’accablaient à la fois. En même temps les épouvantements de la mort et la terreur qu’il ressentait à la vue de toute ses souffrances expiatoires le pressaient et l’assaillaient.
Cependant ils écartèrent Marie. Jean et les saintes femmes l’emmenèrent, et elle tomba comme morte sur ses genoux, contre la pierre angulaire de la porte où ses mains et ses genoux s’imprimèrent ainsi que sur une pâte épaisse. On eût dit que la pierre elle-même avait pitié d’elle. Sous l’épiscopat de Jacques le Mineur, cette pierre fut placée dans la première église catholique, construire auprès de la piscine de Bethesda.
De tous côtés, les gens en habits de fête se rendaient au Temple […] lorsqu’une femme de haute taille et d’un air distingué, tenant une jeune fille par la main, sortit d’une grande maison située à gauche de la rue et se précipita en avant du cortège. C’était Séraphia, femme de Sirach, membre du sanhédrin, celle qui, depuis, reçut le nom de Véronique, de « vera icon » (vrai portrait), par suite de l’acte qu’elle accomplit en ce jour.
Le linge était de laine fine, trois fois plus long que large. On mettait habituellement de pareils suaires autour du cou, et c’était l’usage d’en porter aussi au-devant des gens fatigués, affligés ou malades, et de leur en essuyer le visage pour leur témoigner qu’on prenait part à leur peine et à leur douleur.
Séraphia était parente de Jean-Baptiste ; son père et Zacharie étaient cousins germains. Elle avait au moins cinq ans de plus que la sainte Vierge, et assista à son mariage avec saint Joseph.
L’angoisse régnait dans le Temple. On était occupé à immoler l’agneau pascal lorsque les ténèbres survinrent tout à coup ; tout le monde en fut consterné […] Le silence régnait autour de la croix ; beaucoup de gens étaient retournés à la ville. Le sentiment d’un délaissement complet mettait le comble aux cruelles souffrances du Sauveur sur la croix ; se tournant vers son Père céleste, il priait pour ses ennemis de la manière la plus touchante. Comme pendant toute sa passion, il récitait le passage des psaumes qui recevaient alors leur accomplissement. Il souffrait tout ce que souffre un homme tourmenté, abattu, sans aucune consolation divine et humaine.
Alors Jésus dit : « Tout est consommé ». Puis il cria d’une voix forte : « Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains ! » Ce fut un cri doux et sonore qui pénétra le ciel, la terre et l’enfer. Enfin il inclina la tête, et rendit son âme.
Au moment où le rocher du Calvaire se fendit, la terre trembla aussi en beaucoup d’autres lieux du monde, surtout à Jérusalem et dans la Palestine.
Les deux grandes colonnes placées à l’entrée du Saint et entre lesquelles était suspendu un magnifique voile, s’écartèrent l’une de l’autre ; le linteau qu’elles supportaient s’affaissa, le voile se déchira depuis le haut jusqu’en bas, et les regards purent pénétrer jusque dans le Saint.
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