Nous sommes à la fin de l’année
1931, quand la paralysie de la déglutition l’empêche totalement de manger et de
boire. Marthe a bientôt 30 ans (…) Cette absence totale d’alimentation pose
alors la question des limites du corps humain (…) Si l’on s’en tient à la
sphère du monde occidental et aux expériences recensées chez les mystiques
catholiques, l’histoire d’êtres demeurant sans manger ni boire durant de
longues périodes n’est pas sans précédent (…) Marthe a établi une sorte de
record en dépassant les cinquante ans sans que son espérance de vie en semble
affectée pour autant, puisqu’elle est décédée à l’âge de 79 ans.
Marthe prend la double décision
de ne plus consulter de médecin et de ne plus utiliser de médicaments (…)
Marthe ne consulte donc plus de médecins durant les quarante dernières années
de sa vie.
« Moins l’on fait cas de soi, moins l’on souffre (…) la joie
décentre »
(Alexandre Jollien,
« Le philosophe nu »)
« La joie est un sentiment unique, qui se reconnaît tout de suite,
elle est la dilatation du cœur quand la vie se communique et se répand. Elle
correspond au mystère de l’Esprit de Dieu. Or le don de la vie survient au
terme d’un entier détachement de soi-même. »
(Jean-Claude Sagne, «
L’amour miséricordieux du Père »)
La hiérarchie de l’Eglise a réagi
trop tard. Un rendez-vous avait bien été pris dans un établissement de Lyon
mais Marthe est morte avant.
« Son idée est que, pour l’amour, à la fin du XXè siècle, règne
sur cette terre, il faut rapprocher (…) supprimer les conflits. Et pour cela
comment faire ? C’est très simple. On prendra le système inventé par
Ignace de Loyola, système des retraites fermées. Ainsi on fera que dans cette
retraite dite fermée, tout le monde soit mêlé ; et l’on imposera le
silence. L’on multipliera ces retraites qu’on appellera des foyers d’amour sur
la terre entière. Et à partir de ces étincelles, on pourra peut-être un jour
faire naître un brasier. » (Jean Guitton)
Les hommes sont donc admis pour
la première fois à la retraite qui débute le 8 septembre 1941 à
Châteauneuf-de-Galaure. Dorénavant, les retraites de chrétienté seront mixtes.
Marthe suit de près tout ce qui
se passe dans les établissements sans qu’il y ait une obligation stricte de la
tenir informée. Le directeur ou la directrice est libre de lui rendre compte
comme il (ou elle) l’entend. Il en va de même de chaque enseignant qui se rend librement
à la ferme pour faire le point quand bon lui semble. Les échanges sont
constants et variables en fonction de l’évolution de chaque classe et des
problèmes particuliers qui surgissent. Marthe remplit une fonction de
conseillère extérieure. Sans avoir de statut officiel.
Il est admis que si un enseignant
a un problème avec un enfant par exemple, il peut, s’il le souhaite, en référer
directement à Marthe sans avoir besoin de demander une autorisation à son
directeur ou à sa directrice.
« Il n’y a pas de mouvement dans ce lit, note un élève, rien ne bouge, c’est un mystère. »
On estime que 103 000 personnes
sont venues la voir dans sa chambre (…) Chacun attend son tour dans la
salle commune qui fait office de sas. On pénètre ensuite à tour de rôle dans la
chambre où se tient parfois le P. Finet.
Une femme raconte à Marthe quelle
joie elle se fait d’aller à un mariage. Elle décrit la manière dont elle
s’habillera et dont elle semble fière. « J’aurai une robe de… ». Elle cite un grand couturier. « Les chaussures de… et le
chapeau de… ». Marthe imperturbable demande : « Et la petite culotte, elle est à vous ? »
Vivacité d’esprit, vigueur de la
pensée, piquant de la répartie et profondeur du propos se mêlent admirablement…
Beaucoup témoignent : « Il n’y a aucune trace de jugement
mais que de l’amour. » A écouter ou lire tous ces témoignages, on est
saisi par autre chose : c’est la liberté de Marthe, celle qu’elle laisse
et celle qu’elle manifeste. Pas de pression. Encore moins de menace. Ceux qui
sont passés dans sa chambre affirment : « C’est un moment inoubliable ».
Marthe parle bien et juste. Elle
sait se situer au niveau de ses visiteurs, ce qui rend si efficace sa
conversation. Elle utilise merveilleusement cet art suprême qui est celui du
silence.
Ceux qui la consultent ne
reçoivent pas de solutions miracles clés en main, pas de prêt à penser ou à
agir. Elle à une personne et à elle seule.
« Elle était merveilleusement attentive, intuitive, encourageante,
enthousiaste, parlant avec pertinence des choses les plus hautes ou les plus
communes, gentille et grave, enjouée, spirituelle en tous les sens du
mot. » (Jean Guitton)
Combien de fois m’a-t-on
affirmé : « C’est comme ma
grande sœur ».
« Pour être saint, lit-on dans son journal intime, il faut aimer, aimer, aimer. La sainteté
consiste dans l’amour actualisé dans chacune de nos actions du moment
présent. » Elle ajoute : « Pas
de médiocrité, pas de mi-hauteur sur un chemin plat (…) Il faut de jour en
jour, de minute en minute, gravir un sommet nouveau, aller d’Ascension en
Ascension (…)
La souffrance prend la valeur que lui donne celui qui souffre (…) Ne
souffrons pas pour rien ! »
Elle constate dans journal intime
que si elle a atteint « une vie
nouvelle », c’est « dans un
surcroît d’abandon et d’amour, plus que jamais livrée à l’action transformante
de l’Esprit Saint. »
La malade prend sur elle pour
répondre aux lettres en attente. Il y en a une vingtaine. Elle aura fini,
notons-le, sa vie terrestre en terminant son courrier. Toutes les personnes qui
se sont adressées à elle auront reçu une réponse…
L’intérieur de la bouche retient
tout particulièrement l’attention des médecins. L’un deux dira qu’elle présente
un palais de brochet.
Les écrits de Marthe comportent
des passages nombreux et plus ou moins longs, qui ne sont pas d’elle et qui ne
sont pas présentés pour autant comme des citations. Pourquoi a-t-elle agi de la
sorte ? Ne risque-t-elle pas de passer pour une « faussaire, une menteuse, une fausse mystique qui s’attribue
l’expérience de quelqu’un d’autre ? » s’interroge l’historien
Joachim Bouflet.
« (…) corps souffrant mais glorifié, corps mutilé mais exalté,
corps de pur désir et de nul besoin. » (Bernard Vandewielle,
psychanalyste et ethno-analyste)
« L’âme est emportée, c’est étrange… Dieu se manifeste d’abord par
la crainte. C’est si nouveau et si inexprimable. Puis on passe à une paix qui
est un état, qui est au-delà du temps (…) c’est hors de soi et en soi. On a
beau résister on est emporté par l’amour. » (MR)
« L’âme ne quitte pas le corps si vite qu’on ne le croit, et si l’on
savait ce qui se passe alors, on se mettrait à genoux et on prierait pour le
défunt de tout son cœur, plutôt que de se hâter de l’habiller. » (MR)
« C’est bien se vivre au jour le jour, dit-elle à un visiteur, mais c’est tellement plus beau de vivre la
minute présente que le Seigneur nous donne. » L’enracinement dans l’immédiateté
est une règle de conduite qu’elle redit souvent, car c’est à partir de là qu’on
peut écouter l’Esprit. »
« Oh vous savez… Souffrir et offrir, c’est à portée de tout le
monde. » (MR)
ATTENTION !!! L'orateur de la photographie n'est pas l'auteur du livre que vous commentez ! MERCI d'éviter de confondre le professeur de journalisme et de communication d'Aix, qui écrit des monographies, notamment sur Marthe Robin, et le philosophe et théologien de Lyon (Homme et femme, l'altérité fondatrice, Cerf, 2008).
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