Nombre total de pages vues

dimanche 10 décembre 2023

« Topologie d’une cité fantôme » d’Alain Robbe-Grillet (1975)

(…) fragments enfin de nombreux monuments publics, ornés de statues dont la pierre ou le bronze ne montrent plus à présent, dans leur majesté conservée, que des membres mutilés ébauchant des gestes absents.

(…) le pesant rideau de velours rouge à franges torsadées commence à retomber, majestueusement, sur cette fin du premier acte. Au lieu de se fondre alors de façon progressive, par quelque effet d’éloignement en coulisses, le sombre chœur à bouche fermée des corsaires maudits, qui résonne plus bas dans les poitrines, prend au contraire peu à peu de l’ampleur, s’enfle démesurément, emplit bientôt bientôt toute la salle où il se mêle aux applaudissements du public.


Berg se tenait un peu à l'écart, debout près d'une colonne. Lorsque j'ai réussi à m'approcher davantage, après l'avoir un instant perdu de vue, son comportement m'a paru si bizarre que j'ai pensé d'abord qu'il était ivre ; et, à la réflexion, je ne suis pas certain qu'il ne le fût pas. Il émettait avec la bouche une sorte de bruissement discontinue, comme certains insectes en produisent au moyen de leurs élytres, ces plages sonores de plus ou moins longue durée (assez inégales dans l'ensemble) étant en outre entrecoupées de paroles inaudibles, à peine des murmures, qui ne devaient s'adresser à personne d'autre qu'à lui-même. J'ai continué ma lente progression, pour vérifier qu'aucun interlocuteur ne se situait à proximité immédiate, mais de manière à me placer par un mouvement courbe hors de son propre champ visuel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire