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dimanche 28 mai 2023

« L’ombilic des limbes / Le Pèse-Nerfs » d’Antonin Artaud (1925)

La vie est de brûler des questions. Je ne conçois pas d’œuvre comme détachée de la vie.

Et des radicelles infimes peuplaient ce vent comme un réseau de veines, et leur entrecroisement fulgurait.


Ton ignorance de que c’est qu’un homme n’a d’égale que ta sottise à le limiter. Je te souhaite que ta loi retombe sur ton père, ta mère, ta femme, tes enfants, et toute ta postérité. Et maintenant avale ta loi.  (Lettre à monsieur le Législateur sur la loi sur les stupéfiants).


*

Toute l’écriture est de la cochonnerie.

Les gens qui sortent du vague pour essayer de préciser quoi que ce soit de ce qui se passe dans leur pensée, sont des cochons.


Et je vous l’ai dit : pas d’œuvres, pas de langue, pas de parole, pas d’esprit, rien.

Rien, sinon un beau Pèse-Nerfs.


(…) je n’ai pas l’air de beaucoup bouger dans ma pensée, mais j’y bouge plus que vous en réalité, barbes d’ânes, cochons pertinents, maîtres du faux verbe, trousseurs de portraits, feuilletonnistes, rez-de-chaussée, herbagistes, entomologistes, plaie de ma langue.


Allons, je serai compris dans dix ans par les gens qui feront aujourd'hui ce que vous faites. Alors on connaîtra mes geysers, on verra mes glaces, on aura appris à dénaturer mes poisons, on décélera mes jeux d’âmes.

Alors tous mes cheveux seront coulés dans la chaux, toutes mes veines mentales, alors on percevra mon bestiaire, et ma mystique sera devenue un chapeau. Alors on verra fumer les jointures des pierres, et d’arborescents bouquet d’yeux mentaux se cristalliseront en glossaires, alors on verra choir des aérolithes de pierres, alors on verra des cordes, alors on comprendra la géométrie sans espaces, et on apprendra ce que c'est que la configuration de l'esprit, et on comprendra comment j'ai perdu l'esprit.


Alors on comprendra pourquoi mon esprit n'est pas là, alors on verra toutes les langues tarir, tous les esprits se dessécher, toutes les langues se racornir, les figures humaines s’aplatiront, se dégonfleront, comme aspirées par des ventouses desséchantes, et cette lubrifiante membrane continuera à flotter dans l'air, cette membrane lubrifiante et caustique, cette membrane à deux épaisseurs, à multiples degrés, à un infini de lézardes, cette mélancolique et vitreuse membrane, mais si sensible, si pertinente elle aussi, si capable de se multiplier, de se dédoubler, de se retourner avec son miroitement de lézardes, de sens, de stupéfiants, d’irrigations pénétrantes et vireuses, 

alors tout ceci sera trouvé bien, 

et je n'aurai plus besoin de parler.


De quelque côté que je regarde en moi-même, je sens qu'aucun de mes gestes, aucune de mes pensées ne m’appartient. (Lettre à personne)

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