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mercredi 16 décembre 2020

« Le naufrage des civilisations » d’Amin Maalouf (2019)

Hassan El Banna, fondateur des Frères musulmans, avait été assassiné (…) La voiture du tueur appartenait à la générale de la police (…) Il n'avait que 42 ans. Son assassinat venait en réponse à celui du premier ministre égyptien, Nokrachi Pacha, abattu par un Frère musulman un mois et demi plutôt (…) Un meurtre qui avait été lui-même perpétré en réaction à la décision prise par le gouvernement, le 8 décembre, de dissoudre la Confrérie. Le bras de fer entre l'organisation islamiste et les autorités du Caire se poursuivait depuis vingt ans déjà.

(…) Héliopolis, la ville neuve fondée au voisinage du Caire à l'initiative d'un industriel belge, le baron Empain.


(…) les autorités britanniques, qui avaient accordé au pays l'indépendance trente ans plus tôt [1932], mais qui l’avaient contraint ensuite à signer, en 1936, un traité leur permettant de maintenir des troupes dans la zone du canal de Suez (…) 

Mais, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le dirigeant égyptien avait demandé à Londres de mettre fin à une présence militaire qui n'avait plus sa raison d'être (…) Le gouvernement du Caire fit voter par le parlement, en octobre 1951, l'abrogation unilatérale du traité (…) 

À 77 ans, (…) plutôt que de retirer ses troupes de la zone du canal, Winston Churchill ordonna de les renforcer (…) Des opérations de commando furent lancées contre des installations britanniques (…) 

Les Anglais décidèrent alors de frapper un grand coup, pour l'exemple (…) En 1952, ils lancèrent un assaut contre des bâtiments de la police à Ismaïlia, sur la rive occidentale du canal (…) quarante morts égyptiens et une centaine de blessés (…) Le lendemain, des manifestants commencèrent à se rassembler dès l'aube dans les rues du Caire (…) Tout le centre moderne de la capitale avait été dévasté. On n'a jamais su avec certitude qui étaient les responsables du grand incendie du Caire.


(…) une nouvelle ère commençait, caractérisée par une lutte acharnée entre deux entités politiques majeures, toutes deux farouchement nationalistes et résolument hostiles à la société cosmopolite d’avant : d'un côté, les Frères musulmans, qui bénéficiaient d'un vaste soutien populaire ; de l'autre, les forces armées, au sein desquelles un homme fort allait émerger, le colonel Gamal Abdel Nasser (…) Dans les années qui suivront la révolution de 1952, il y aura toute une panoplie de mesures - saisies, confiscations, séquestrations, expropriations, nationalisations, etc. - visant à dépouiller de leurs biens tous les possédants, avec une attention particulière, si j’ose dire, envers ceux qui avaient le malheur d'être « allogènes ».


Le 26 juillet 1956, il annonça dans un discours à Alexandrie la nationalisation de la Compagnie universelle du Canal maritime de Suez (…) Il prit une série de mesures visant à chasser du pays les Britanniques, les Français et les juifs.


Il a aboli le pluralisme pour instaurer un parti unique ; il a muselé la presse, qui avait été assez libre sous l'ancien régime ; il s'est appuyé sur les services secrets pour faire taire ses opposants ; sa gestion de l'économie égyptienne a été bureaucratique, inefficace est finalement ruineuse ; sa démagogie nationaliste l’a conduit vers le précipice, et tout le monde arabe avec lui…


Churchill en personne s'est démené pour abattre le gouvernement du docteur Mossadegh, un démocrate moderniste dont le seul crime avait été de réclamer pour son peuple une part plus importante des revenus pétroliers (…) Le premier ministre britannique est allé faire du lobbying à Washington pour convaincre les Américains d'organiser un coup d'état à Téhéran en 1953. Ainsi, par son action en Égypte, Churchill a favorisé l'émergence du nationalisme arabe dans sa version autoritaire et xénophobe ; et par son action en Iran, il a pavé la voie à l'islamisme khomeyniste.


(…) Lorsque Louis XIV révoque, en 1685, l'édit de Nantes par lequel son grand-père, Henri IV, avait accordé la liberté de culte à la minorité protestante. Poussés hors de France, ce qu'on appelait alors les huguenots furent accueillis dans d'autres contrées européennes, et contribuèrent grandement à la prospérité d'Amsterdam, Londres ou de Berlin ; s’agissant de cette dernière ville, beaucoup d'historiens pensent que son accession au rang de métropole date de l'arrivée des réfugiés français…


Après 1949, l'année des trois coup d'état, la démocratie n'a plus jamais réussi à s'imposer en Syrie.


Ainsi, la rupture entre l'ayatollah Khomeyni et le régime du Shah fut consommée le jour où le monarque accepta, en 1964, à la demande de Washington, que les militaires américains installés en Iran ne puissent jamais être jugés par les tribunaux locaux (…) ce n'est d'ailleurs pas par hasard si l'un des premiers actes des militants révolutionnaires iraniens fut de bafouée l'immunité de l'ambassade américaine et de prendre les diplomates en otage.


Le Liban (…) cette habitude qu’avaient les différentes communautés de se chercher des protecteurs en dehors du pays pour renforcer leur position.


(…) en février 1958, lorsque les dirigeants syriens, las de l'instabilité chronique qui affectait leur pays et conscients de l'adhésion massive de leurs concitoyens aux thèses du panarabisme, demandèrent solennellement au raïs de venir prendre le pouvoir chez eux. Un État unitaire fut proclamé, qui prit le nom de République arabe unie, avec l'Égypte comme « province méridionale » et la Syrie comme « province septentrionale ».

(…) 1961, Damas fut le théâtre d'un nouveau coup d'État (…) Les putschistes accusèrent le raïs d'avoir méprisé leur pays, de l'avoir traité comme une colonie ou une prise de guerre et de l'avoir appauvri.


Chacun justifiait ses compromissions par le fait que les siens était minoritaires, qu'ils avaient longtemps souffert et qu’ils avaient à tout prix besoin de se défendre.


(…) la population était privée de ces services élémentaires que sont l’eau, l'électricité, les soins médicaux, les transports en commun, les télécommunications ou le ramassage des ordures.


Mais on avait sous-estimé le caractère insidieux et toxique inhérent au système des quotas. On avait espéré qu'en atténuant la compétition entre les communautés, on allait réduire peu à peu les tensions, et renforcer chez les citoyens le sentiment d'appartenir à une nation plutôt qu'à une confession. Mais c'est l'inverse qui s'est produit. Au lieu de se tourner vers l'État pour obtenir leurs droits, les citoyens trouvaient plus utile de passer par les dirigeants de leurs communautés. Celles-ci sont devenues des satrapies autonomes, gouvernées par des clans ou des milices armées, et qui mettaient leurs propres intérêts au-dessus de l'intérêt national.


Pendant des siècles, les ordres venaient d’Istanbul, de la Sublime Porte, comme on avait l'habitude de dire (…) Les ordres qui ne venait plus d’Istanbul, on les attendait désormais de Washington, de Moscou, de Paris, de Londres ; et aussi de certaines capitales régionales, comme le Caire, Damas, Téhéran ou Rilhad. 

(…) un état d'esprit que l'on retrouve, à des degrés divers, dans l'ensemble des pays arabes, et qui se caractérise par une attention excessive aux desiderata des Puissances. On estime que celles-ci sont omnipotentes, et qu'il est inutile de leur résister (…) à quoi bon combattre tel adversaire, ou telle dynastie, puisque les Puissances ne voudront jamais les lâcher ? Et ce sont évidemment les mêmes Puissances qui fixent le moment où une guerre va commencer, et le moment où elle doit s’arrêter…


S’agissant des chrétiens assyriens ou assyro-chaldéens, ils ont dû quitter en masse cette Mésopotamie où vivaient leurs ancêtres depuis des millénaires (…) dans l'indifférence larmoyante qui caractérise ce siècle.


Au Levant, comme en Europe orientale et dans bien d'autres régions du monde, les mouvements d'inspiration marxiste ont longtemps joué ce rôle. On y rencontrait des hommes - et aussi des femmes - de diverses confessions et de diverses origines, tous séduits par une doctrine qui mettait l'accent sur l'appartenance de classe et occultait de ce fait le handicap, pour ne pas dire la malédiction, qu’était pour eux leur statut de minoritaires (…) Il va de soi que la plupart d'entre eux auraient été outrés si on leur avait expliqué en ces termes les raisons souterraines de leur engagement.


Quand on ne peut plus exercer ses prérogatives de citoyen sans se référer à ses appartenances ethniques ou religieuses, c'est que la nation entière s'est engagée sur la voie de la barbarie.


Or Nasser, qui était lui-même sunnite comme presque tous les musulmans d'Égypte, était marié à la fille d'un commerçant iranien établi à Alexandrie. Son épouse (…) était de confession chiite, mais à l'époque, personne ne s'en souciait…


Il y a néanmoins, à mes yeux, un événement qui se détache de tout le reste, et qui marque un tournant décisif dans l'histoire de cette région du monde (…) La guerre israélo–arabe de juin 1967 (…) Les Arabes n'ont jamais pu prendre leur revanche, jamais pu dépasser le traumatisme de la défaite ; et Nasser n'a jamais pu retrouver sa stature internationale. Il allait mourir, trois ans plus tard, à cinquante-deux ans (…)

À terme, le vrai bénéficiaire de la défaite du raïs sera l'islamisme politique. C’est lui qui prendra la place du nationalisme en tant qu'idéologie dominante. Il remplacera le nassérisme et ses avatars comme porte-drapeau des aspirations patriotiques, et supplantera les mouvements d'inspiration marxiste comme porte-parole des opprimés.


(…) Le syndrome de l'éternel perdant. On finit par détester L'Humanité entière et par se démolir soi-même.


Il y a, dans l'histoire romaine, une anecdote édifiante que rapporte Plutarque dans Les vies parallèles. Au cours d'une bataille, le célèbre consul Caius Marius s'était retranché dans une position fortifiée, et le commandant des troupes adverses lui avait crié : « Si tu es un grand général, descends et viens te battre ! » Marius lui avait rétorqué : « Si tu es un grand général, force-moi donc à me battre quand je ne veux pas ! » Nasser aurait été bien inspiré de suivre cet exemple venu du monde antique. De ne pas laisser aux autres le soin de choisir à sa place le jour et le lieu de la bataille.


(…) le chef du gouvernement, Yitzhak Rabin, et le ministre de la Défense, Shimon Peres. Le premier aurait voulu expulser les colons. Le second demanda à l'armée de ne pas intervenir.


Et au mois de septembre 1970 (…) le « petit roi » Hussein lança une offensive militaire de grande envergure pour reprendre le contrôle du territoire. Les fédayins, incapables de faire face à une armée régulière loyale à son roi et adéquatement équipée, furent contraints de battre en retraite (…) C'est au dernier jour de cette conférence exténuante que le président égyptien fut terrassé par une crise cardiaque, alors qu'il faisait inlassablement la navette entre sa résidence et l'aéroport pour accompagner ses invités. Quelques heures plus tôt, il avait fait adopter par ses pairs un accord qui mettait fin au combat, et qui reconnaissait aux Palestiniens, en termes vagues, le droit de poursuivre par tous les moyens leur combat contre Israël.


Lorsqu'on évoque les insondables subtilités de la vie politique libanaise, on ne souligne pas toujours le fait que la communauté chrétienne maronite (…) dispose également, depuis l'indépendance, d'un autre poste-clé, celui de commandant en chef de l'armée. 


La non-participation du Liban à la bataille contre Israël était considérée, dans certains milieux, sinon comme une désertion ou une trahison, du moins comme une attitude d'indifférence envers la cause arabe.


Dans un système fondée sur les communautés, le pouvoir politique est paralysé lorsqu'il n'y a pas de consensus.


(…) l'accord signé au Caire en novembre 1969 restera dans les annales comme l'exemple même de ce qu'un État doit éviter de signer s'il entend conserver sa souveraineté et sa paix civile. Il stipulait que les camps de réfugiés palestiniens situés sur l'ensemble du territoire libanais passeraient désormais sous l'autorité de l'Organisation de Libération de la Palestine…


Pour les uns, la mission que l'armée aurait dû remplir, c'était de s'opposer aux Israéliens, coûte que coûte. Pour les autres, c'était de s'opposer aux Palestiniens. Les premiers se retrouvaient surtout dans les communautés musulmanes et dans les parties de gauche, ce qui leur a valu, pour un temps, l'appellation saugrenue d’« islamo–progressistes » ; ils proclamaient leur volonté de protéger la Résistance palestinienne (…) Les second avaient pour fer de lance des partis implantés dans des communautés chrétiennes ; ils voyaient dans la présence de l'armée palestinienne une menace pour le pays… 


Dans la région chrétienne où je vivais alors, bien des gens applaudissaient l'armée syrienne qui les avait enfin « libérés » des milices palestiniennes. D'autres se demandaient déjà qui diable allait pouvoir un jour les « libérer » de l'armée syrienne.


(…) Nous venions d'entrer dans une ère éminemment paradoxale où notre vision du monde allait être transformée, et même carrément renversée. Désormais, c'est le conservatisme qui se proclamerait révolutionnaire, tandis que les tenants du « progressisme » et de la gauche n'auraient plus d'autre but que la conservation des acquis.


(…) 1978. Irrités par un rapprochement qui s'amorçait entre Kaboul et l'Occident, (…) les dirigeants soviétiques donnèrent leur aval à un coup d'État organisé par l'une des factions marxiste. Puis, lorsque des soulèvements commencèrent à se produire contre le nouveau régime, il dépêchèrent leurs troupes en grand nombre pour les réprimer…


C'est donc avec quelque soulagement que le monde assista à l'offensive brève et efficace lancée contre les Khmers rouges par l'armée vietnamienne, qui lui permet de conquérir Phnom Penh le 7 janvier 1979. Les troupes de Pol Pot avaient abandonné la capitale la veille sans opposer de résistance, pour se replier dans les campagnes (…) Sans doute le nouvel homme fort, Deng Xiaoping, n'avait-il aucune sympathie pour le maoïsme dévoyé de Pol Pot (…) Mais il ne pouvait laisser les Vietnamiens et leurs protecteurs soviétiques régner en souverains sur toute l'Indochine (…) Le 17 février 1979, six semaines après la chute de Phnom-Penh, deux cents mille soldats de l'Armée populaire envahirent le territoire vietnamien et avancèrent en direction du sud…


(…) Aldo Moro, dirigeant éminent de la démocratie chrétienne italienne, qui militait pour un « compromis historique » entre sa famille politique et le parti communiste.


Brzezinski n'était pas peu fier de son stratagème (…) « c'est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l'assistance clandestine aux adversaires du régime prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là j'ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques (…) j'ai écrit au président Carter, en substance : « Nous avons maintenant l'occasion de donner à l'URSS sa guerre du Vietnam » »


Fin 1979 arriva sur place l'étudiant saoudien Oussama Ben Laden, alors âgé de 22 ans.


La révolution d'Octobre, laquelle est ravalée, par certains historiens, au rang d’un vulgaire coup d'État, audacieux, certes, mais qui n'avait rien d'un soulèvement populaire.


Le Parti communiste indonésien (…) allait être victime, en 1965 et 1966, d’une entreprise d'anéantissement massif et systématique, qui fera au moins cinq cent mille morts, et sans doute beaucoup plus encore. Des cadres, des enseignants, des étudiants, des artistes, des syndicalistes seront impitoyablement massacrés, souvent avec leurs familles. Les documents de la CIA, rendus publics en 2017, ont confirmé (…) que les États-Unis ont participé activement aux tueries (…) Le fait d'avoir anéanti une élite intellectuelle aux aspirations modernistes et laïques, pour ne laisser, dans ce grand pays musulman, que des militaires corrompus faisant face à des militants religieux de plus en plus extrémistes.


(…) en février 79, la fondation de la République islamique d'Iran (…) en avril 79, l'exécution par pendaison de l'ancien président pakistanais Zulficar Ali Bhutto par des militaires putschistes qui lui reprochaient de prôner le socialisme et la laïcité, et qui réclamaient, quant à eux, une stricte application de la loi coranique ; en juillet 79, la décision américaine d'armer clandestinement les moudjahidines islamiques afghans ; en novembre 79, l'assaut contre la grande mosquée de la Mecque, mené par un imposant commando de militants islamistes saoudiens…


Le principal « choc » eut lieu lorsque les pays producteurs imposèrent un embargo pour protester contre l'aide apportée par les États-Unis à Israël lors de sa guerre avec l'Égypte la Syrie en octobre 1973 (…) L'Arabie Saoudite apparut, du jour au lendemain, comme un acteur de premier plan (…) Les idées qui avaient cours jusque-là, inspirées par le nationalisme, le socialisme ou le modèle des sociétés occidentales, furent peu à peu éclipsées par d'autres, qui provenaient de pays désertiques ayant longtemps vécu à l'écart des grands courants de pensée qui soufflaient sur le monde.


Une autre conséquence majeure des événements de la Mecque fut d’ébranler l'Arabie saoudite et d’amener ses dirigeants à modifier radicalement leurs comportements en matière religieuse (…) le régime, craignant d'apparaître comme trop mous dans la défense de la foi, dut redoubler d'efforts pour propager le wahhabisme et le salafisme à travers le monde…


(…) les autorités iraniennes (…) choisirent d'annoncer la libération des otages le jour même où Reagan prit ses fonctions, très exactement le 20 janvier 1981, pendant que se tenait à Washington la cérémonie d'inauguration (…) durant le second mandat de Reagan, lorsque le Congrès découvrit que la Maison-Blanche finançait - illégalement - la guérilla antisandiniste du Nicaragua avec de l'argent obtenu en vendant - illégalement - des armes aux pasdarans, les gardiens de la révolution iranienne (…) « Irangate »…


De nos jours, (…) les fourmis sont moquées, et dédaignées. Les jeunes qui ont vu leurs parents trimer toute leur vie, du matin au soir, sans jamais accéder à l'aisance matérielle, ni intégrer la classe moyenne, encore moins sortir de l'anonymat, éprouvent pour eux de la pitié plutôt que de l’estime (…) A-t-on vraiment besoin de longues démonstrations pour comprendre qu’un quartier où les dealers sont plus admirés que les instituteurs devient un foyer de décomposition sociale ?


Les plus importants par le nombre étaient les Bengalis, qui vivaient dans ce qui était alors le Pakistan oriental. Mais ils se sentaient négligés par le pouvoir central, installé au Pakistan occidental, et dominé par les Pendjabis. Les tensions attinrent leur paroxysme lorsque le Bengale fut dévasté, en novembre 1970, par un gigantesque cyclone tropical, l'un des plus meurtriers de l’Histoire. Il y eut au moins 250 000 morts, et peut-être même 500 000. Persuadée que le gouvernement central n'avait pas fait ce qu'il fallait pour secourir les victimes, la province orientale entra en rébellion et proclama unilatéralement son indépendance, adoptant le nom de Bangladesh (…) 

Lorsqu'on entre dans une logique de « partition », le morcellement a tendance à se poursuivre sans limite. On commence par séparer les musulmans des hindouistes. Puis on sépare les Bengalis et Pendjabis.


Les États-Unis avaient œuvré à la reconstruction de l'Europe grâce au plan Marshall, ainsi qu'à la transformation du Japon en une puissance pacifique et démocratique. Mais l'objectif qui justifiait ces efforts étaient précisément de mieux faire face au défi du communisme soviétique.


Le drame, pour les Européens, c'est que dans le monde impitoyable qui est le nôtre, si on renonce à devenir une puissance musclée, on finit par se faire bousculer, et malmené, et rançonné. On ne devient pas un arbitre respecté, on devient une victime potentielle, et un futur otage.


(…) à gauche (…) comme si, renonçant à bâtir un projet pour la société tout entière, elles [les forces] espéraient redevenir majoritaires en coalisant les ressentiments.


Les empiètements sur nos libertés nous choquent moins. Nous ne protestons que mollement. Nous avons tendance à faire confiance aux autorités protectrices ; et s’il leur arrive d'exagérer, nous leur accordons des circonstances atténuantes. Cet engourdissement de notre esprit critique représente à mes yeux une évolution significative et fort préoccupante (…) Une dynamique infantilisante et potentiellement asservissante est enclenchée, qui sera difficile à freiner ; les avancées technologiques vont inévitablement lui ouvrir de nouveaux champs d'action, et les menaces qui la justifient ne disparaîtront pas.


Ce qui rend notre époque plus périlleuse, c'est qu'en raison même de nos progrès scientifiques, un savoir-faire pernicieux s'est propagé sur l'ensemble de la planète, et de nouveaux instruments de mort ne cessent de se développer.

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