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vendredi 6 novembre 2020

« Manuel de résistance à l’art contemporain » d’Alain Paucard (2016)

Jusque-là, l’artiste concevait et l’artisan qui est en lui exécutait. L’art « contemporain », ennemi juré de l’artisanat, lui préfère le bricolage et porte celui-ci au pouvoir.

L’art « contemporain » est au mondialisme ce qu’était le réalisme socialiste au communisme. Lié au système, il ne disparaîtra qu’avec son écroulement.


Ceux qui répandent l’idée qu’il faut détruire pour reconstruire sont avant tout des destructeurs ; on ne construit - ou reconstruit - que sur des fondations.


Le nouveau seigneur, le bourgeois du XXè siècle, qui a plus de droits que de devoirs, puis l’adorateur du virtuel, au XXIè, qui ignore jusqu’à l’idée des devoirs, prennent successivement le pouvoir. lls oublient le peuple et le navrent, puis le désespèrent. Les formes apaisante, reposantes pour l’âme, issues de l’expérience artisanale, laissent la place aux formes agressives. Ce qui blesse l’œil blesse l’âme.


Le contemporain, c’est la dérision ; le kitsch, c’est une ultime tentative de sauver les meubles (…) Ce que les « contemporains » appellent le kitsch, c’est la dégénérescence du baroque, une boursouflure amusante. Le style architectural de l’art nouveau, que les « contemporains » mais aussi les classiques surnommaient le « style nouille », était aussi une dégénérescence du baroque où l’expansion des courbes est privée de son dynamisme religieux.


L’art « contemporain » est une entreprise commerciale fondée sur les déchets, ou plus exactement sur LE déchet (…) C’est quand il est devenu un déchet que l’objet accède au statut d’œuvre d’art.


Dada n’est pas né d’une génération spontanée (…) Il remonte (…) à la préparation de la Révolution française par le roman La nouvelle Héloïse, bien sûr, mais surtout Les Liaisons dangereuses de la crapule révolutionnaire de génie Choderlos de Laclos. Le dadaïsme se met en place avec Diderot. Devant une statue qui ne lui plaît pas, qui ne correspond pas à sa vision « engagée » de l’art (…) il enjoint au sculpteur Pigalle : « Prends ton marteau, brise-moi cette association d’êtres bizarres ». Billaud-Varennes emboîte le pas : « Il faut changer d’antiques habitudes »; Robespierre propose de « substituer les principes aux usages » ; en bref d’en finir avec une équipe qui gagne, de la statuaire grecque à Palladio.


(…) Yves Klein a un précurseur (…) Dans son Album primo-avrilesque, paru en 1897 (…) Alphonse Allais titre ainsi un monochrome bleu : « Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la première fois ton azur, ô Mediterranée ! ». La toile toute noire s’intitule « Combat de Nègres dans une cave, pendant la nuit » et annonce plutôt Soulages.


Le dadaïsme est un dégât collatéral de la guerre 14-18. Ainsi ce monstre n’a pas seulement engendré le communisme, la disparition de l’Empire austro-hongrois, la Petite Entente, le massacre des élites et de la paysannerie, la très dévaluante promotion de la Femme en travailleuse industrielle, mais il a préparé le décervelage actuel.


Tous les peintres ont, de tout temps, inventé le cubisme, en ce sens qu’ils sont tous tenté de cerner la totalité du sujet (…) Le cubisme n’est donc pas « le début de la grande aventure de l’art moderne », mais l’aboutissement logique du classicisme.


La pratique de Frank Lloyd Wright, c’est de construire en fonction du décor, et il ne construit pas la même maison en Arizona ou dans le Wiconsin. Les modernes prétendent le contraire (Le Corbusier : la même maison pour tous les pays et tous les climats).


M. le maire de Paris, qui a perpétuellement l’air d’avoir inventé le tabouret, a fait déposer, le long du tramway, sur le boulevard dit des Maréchaux, de l’art « contemporain ». On pleure en songeant qu’à la place de la « cabine téléphonique éclatée » de Sophie Calle, on aurait un Bouchard, un Landowski ou quelqu’un d’autre qui n’a jamais existé pour cause de terrorisme artistique. Il y a, vers la Poterne des Peupliers, un amusant étalage de palmiers en métal. Pourquoi pas ? Mais à condition de l’avoir payé au prix de la ferraille. Au prix de l’art « contemporain », c’est hors de prix.

Avec l’art « contemporain », on paie pour du vide, on a même l’impression de mâcher du vide, comme lorsqu’enfant, on était toujours déçu par la barbe à papa, aux couleurs attirantes mais qui fondait trop vite dans la bouche où elle ne laissait qu’un goût de sucre sas finesse.


La question fondamentale n’est pas art ou pas art, mais art structuré ou « art » déstructurant, destructeur.


14-18 a eu au moins un effet positif : notre pays est couvert de monuments dûs aux plus grands sculpteurs.


En quoi un tableau de la période stalinienne, qui représente la joie dans les kolkhozes, est-il réaliste (…) ? Ne pourrait-on dire que ces tableaux sont surréalistes, très exactement surréalistes, au-delà du réel, dans un cauchemar qui porte aussi le nom de rêve.


L’idée reçue colportée par les « contemporains », est que le nazisme et le communisme étaient tous deux rétrogrades en art, voire même réactionnaires. En vérité, cela s’est joué à peu de choses, quand Goebbels crut qu’il allait imposer Munch et l’Expressionnisme comme art officiel jusqu’à ce que Hitler suive les conseils de Rosenberg.

L’art officiel a toujours existé, existera toujours, et c’est vraiment avoir beaucoup de culot de le critiquer quand on est soi-même « contemporain », l’officiel absolu, reléguant les autres école à la soupe populaire.


Axiome : tous ceux qui dégradent, salissent, font de l’art contemporain sans le savoir. Parfois même, ils le savent (les tagueurs).


Tout art qui nécessite (voire exige) une explication n’est plus de l’art mais de la sociologie. L’entrée dans l’art se fait par la métaphysique, c’est-à-dire par le grand secret qui mène à Dieu (…) A la substitution de Dieu par les droits de l’homme - comme si le Christ s’était prononcé contre les droits des Hommes ! - s’ajoute consubstantiellemment la substitution de la Beauté par la laideur. Sans laideur universelle, pas de règne de la Marchandise. Chaque consommateur peut et doit être un créateur. Chacun peut se dire : j’en fait autant, je suis donc un artiste. Tous égaux ! Tous artistes ! Tous consommateurs !


Trente ans après que les malheureux prisonniers de Long Kesh ont barbouillé de merde leur pauvre logis, les artistes « contemporains » barbouillent de merde les logis des riches - surtout les nouveaux - crédules ou pas.


Tout est art ? Alors n’importe quelle horreur perpétrée par les hommes le devient ? Mais elle nécessite une explication par le texte, chose dont l’art authentique n’a nul besoin.


Je ne vis qu’à Paris, ville sinistrée où la laideur redouble. Les nouveaux règlements d’urbanisme, votés à l’initiative de Sa Suffisance Delanoë sont maintenant appliqués avec une ferveur filiale par Bête-et-méchante Hidalgo (…) les moucharabiehs de l’Institut du monde arabe (Vè), situés sur l’arrière du bâtiment, ne fonctionnent plus depuis longtemps (…) une vitre lavée redevient sale rapidement, donc opaque et empêche les carreaux et les cellules photo-électriques de se rencontrer (…) L’architecte, le génial Nouvel, n’a évidemment jamais lavé le moindre carreau de sa vie.


Le responsable culturel n’a qu’une crainte : passer pour un réac. Il est voué ontologiquement à suivre la voie de l’avant-garde, c’est-à-dire du conformisme contemporain.


Les « contemporains » ont toutes les caractéristiques d’une foule lyncheuse qui utilise la rumeur et la manipulation.


Les « contemporains » ont sortie de leur besace des termes pour déprécier la tradition, le patrimoine et surtout le travail : passéiste, pasticheur, pompier ; monumental, qui avait bonne presse sous Littré, se voit maintenant accolé à kitsch…

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