Nombre total de pages vues

samedi 12 septembre 2020

"Le dernier nabab" de Francis Scott Fitzgerald (1941)

Il sut que, pour quelque raison, elle ne viendrait pas ; en l’espace d’un instant elle lui avait échappé. Ils sentaient tous les deux que la magie du moment était rompue. Il fallait qu’il s’en aille, même s’il n’allait nulle part et s’il se retrouvait les mains vides.

(…) la fin de l’enfance, la fin du temps où l’on découpe des images.

-Je ne veux pas vous perdre. Est-ce qu’on ne pourrait pas déjeuner ou dîner ensemble ?
-Impossible.
Mais malgré elle, son expression apportait un correctif à ses paroles : « Il s’en faut de peu, mais c’est possible. La porte est encore juste entrouverte, vous pouvez peut-être vous y glisser. Mais faites vite, le temps presse. »

Il y avait là plus d’intimité pour eux que dans tout ce qu’ils avaient fait avant ; ils éprouvaient tous deux un sentiment dangereux de solitude, que chacun sentait aussi chez l’autre. Ils partageaient les divers effluves du drugstore, âcres, doux ou aigres, le mystère de la serveuse, aux cheveux décolorés seulement sur le dessus et noirs au-dessous, et, quand ils eurent fini, la nature morte de leurs assiettes vides : une rondelle de pomme de terre, une tranche de cornichon et un noyau d’olive.
S’il devait mourir bientôt, comme l’avaient dit les deux médecins, il voulait cesser un moment d’être Stahr et pourchasser l’amour comme les hommes qui n’avaient pas de dons à répandre, comme les jeunes hommes anonymes qui cherchaient au long des rues dans la nuit.

(…) mais ils ne se sentaient pas vraiment proches, car pour cela il faut avoir l’impression d‘être en train de se rapprocher.

- Ils [les scénaristes] ne sont pas armés pour exercer une autorité, disait Stahr. Rien ne remplace la volonté. Parfois on doit feindre d’en avoir une alors qu’on ne sent rien de tel en soi.
- J’ai connu cela.
- On est obligé de dire : « C’est ainsi que cela doit être, et pas autrement », même si l’on n’en est pas sûr. Cela m’arrive dix fois dans la semaine. Des situations où rien ne justifie vraiment une décision. On prétend le contraire.
- Tous les dirigeants on fait cette expérience.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire