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vendredi 11 septembre 2020

"Le pèlerinage aux sources" de Lanza del Vasto (1943)

La logique ne peut juger que de l’enchaînement des propositions, non de la vérité des principes, lesquels, par définition, ne s’enchaînent à rien ainsi donc toute théorie est un casse-tête futile, un passe-temps sans gaité. La seule chose qui démontre la vérité de ce qu’un philosophe affirme, c’est cela qu’il est capable d’en réaliser par tous les actes de sa vie, par sa puissance et par son rayonnement.

Comment, par la passion même, dégager l’homme de la passion ? Voici comment : toutes les fureurs qu’éprouvent, toutes les folies que font les amoureux nouveaux, les tremblements et les soupirs, les langueurs et les larmes, les mots doux murmurés et les serments solennels, les yeux noyés et les transports de joie, les chansons, les gambades, les danses et les délires, et les rêves de la nuit et du jour, rien de tout cela ne doit manquer à l’amour de Lui, de l’Unique, de l’Infiniment Aimable. Alors la passion qui est oubli de soi sauve au lieu de souiller.

Mais de cet amour-là il est impossible qu’on aime l’Un, l’Ineffable, l’Inconcevable en tant que tel, ou même une statue de pierre […] De cet amour-là l’homme ne peut aimer que ce qui a figure humaine, figure de vie, chair et os, regard et voix. C’est pourquoi Dieu en son infinie bonté a condescendu à l’amour de l’homme en s’incarnant.

Tu sais bien que la famille n’est qu’une rencontre de voyageurs. Tu sais qu’il et coupable de nous attacher et de nous répandre et tout à fait vain d’inonder nos proches de notre affection. Nous devons vivre comme si nous étions seul car en vérité nous sommes seul : nous nous en apercevrons le jour de notre mort.

Il y a en moi une inquiétude chrétienne qui se préfère, quoique boiteuse, à la sérénité parfaite dont je vois le modèle ici. Si j’avais le rare courage et le pouvoir de me vouer à la sainteté j’y chercherais moins la paix du sommeil absolu que les délires de l’âme amoureuse. Si j’en avais le rare courage et le pouvoir, je ne me croirais pas le droit de chercher le salut par moi-même, en moi-même et pour moi-même. Il me faudrait passer par le bien d’autrui pour arriver à mon bien et je tiens que charité vaut mieux encore que sagesse.

Je pense qu’il y a des peuples animaux, c’est-à-dire agités et voraces, et des peuples végétaux.

L’Occidental qui n’a jamais quitté l’Occident ressemble au garçon qui n’est jamais sorti du collège et qui n’a jamais connu que des garçons. Enfin il se réveille de l’enfance, rentre dans sa famille et dans le monde, et la femme lui est révélée.

(…) l’ouvrier enchaîné au travail à la chaîne […] vend non son œuvre mais le temps de sa vie. Il vend ce qu’un homme libre ne vend pas : sa vie.

La machine a gagné l’homme. L’homme s’est fait machine, fonctionne et ne vit plus.
Ses gestes, ses désirs, ses peurs se mécanisent, ses amours et ses haines. Ses goûts et ses opinions.

Quand vous aurez fait de l’Etat une machine, il faudra que vous lui serviez vous-même de charbon.

Le pardon est la parure du guerrier.

L’inimitié est un effet de l’ignorance. Car entre tout homme et tout autre le lien fraternel subsiste, que celui qui pratique l’inimitié oublie. C’est au non-violent de le lui rappeler. Ce lien que l’autre oubliait parce qu’il ne pensait qu’à soi, vous ne pouvez le lui rappeler que par l’oubli de vous-même.

Les matins sont de soie et les soirs de velours.

Elle n’a eu de sa vie qu’un grand amour. Un amour malheureux. Un amour malheureux pour l’Absolu.
N’était pas portée à la piété ni à l’étude, elle a placé l’Absolu où il n’y avait pas de place pour lui, dans les honneurs et dans l’amour.

L’aigle. Son vil coupant frotte l’air avec un son qui fait frissonner […] Il a presque passé sur ma face tandis que je me tenais au bord du précipice. Glissant outre, il a noué le poids de l’abîme à mon cou. Je titube.

La religion révélée à l’Occident est sans doute divine en son essence et la plus riche en vérité qui soit, mais cette vérité reste là, faute de philosophie, comme séparée de ceux qui devraient s’y joindre […]

Ce qui manque à ces gens, c’est le joint, entre ce qu’ils croient, ce qu’ils pensent, ce qu’ils savent, ce qu’ils sentent, ce qu’ils veulent et ce qu’ils font.

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