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jeudi 6 août 2020

"Être sans destin"d'Imre Kertész (1975)

C'est ainsi que j'ai compris que, même à Auschwitz, on pouvait s’ennuyer - à condition d'être un privilégié : nous attendions - à bien y réfléchir, nous attendions que rien ne se passe. Cet ennui, avec cette étrange attente : je crois que c'est cette impression-là, à peu près, oui, qui en réalité caractérise vraiment Auschwitz – à mes yeux, en tout cas.

Ils marchent toujours ensemble tous les trois et dès qu'ils en ont la possibilité, la main dans la main. Après un certain temps, j'ai remarqué que le père restait en arrière et que ses fils devaient l’aider, le traîner derrière eux en le tenant par la main. Plus tard, le père n'était plus parmi eux. Bientôt l’aîné dut tirer le cadet de la même façon. Puis, ce dernier disparut et l’aîné dut se traîner lui-même, et à présent je ne le voyais nulle part lui non plus. Tout cela, dis-je, je le voyais (…) petit à petit, en m'adaptant à chaque nouvelle étape et ainsi en fait, je ne voyais rien.
(…) il y a dans notre personnalité un domaine qui, comme je l'ai appris, est notre propriété perpétuelle est inaliénable. Le fait est que, même en captivité, notre imagination reste libre.

J'étais ébahi par la vitesse, l'allure effrénée avec laquelle, jour après jour, diminuaient, mouraient, fondaient et disparaissaient la matière qui recouvrait mes os, l'élasticité, la chair (…) ici, tout le monde avait le visage jaune et de grands yeux brûlants (…) Et puis je me souviens de deux hommes – normaux, beaux, avec un visage, des cheveux, en pantalon blanc, chemise de corps, sabots ; je les contemplais, les admirais…

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