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mercredi 29 juillet 2020

"Le professeur d’histoire" de Vladimir Volkoff (1968)

On arrivait en ville […] On sentait les portes verrouillées, les alarmes bandées, prêtes à se déclencher.
- La douce France, dit Joël.
- La Province, dit Omphale.
- Le Moyen Age, dit Joël. Les Sarrasins vont attaquer. Aussitôt il se reprocha cette remarque trop savante.

Avez-vous jamais songé à quel point l’utilisation de l’auxiliaire « avoir » pour former le passé est significative ? Le passé est un avoir que personne ne peut nous prendre.

Il y a en lui une intégrité dont personne n’a encore trouvé les limites. « Ai-je envie de faire ceci ? Oui. La chose causerait-elle du tort à quiconque ? Non. Alors je la fais. » Voilà sa règle de vie et cela se sait.

On était plus tranquille aux Etats-Unis où les générations ne communiquent qu’en cas d’absolue nécessité.

Mais vous conviendrez que les choses délicieuses auxquelles vous êtes si justement attaché - moi aussi, ajouta-t-il naïvement, j’aimerais aller à Venise avec de jolis bagages de cuir – ne sont vraiment intéressantes que lorsqu’elles sont données gratuitement, qu’elles ne sont pas devenues, s’il faut tout dire, une purée de lentilles.

-Tu es très chrétien ? demande Joël en regardant la route devant lui.
-Personne n’est chrétien. Disons que j’essaye.

Rien n’est plus vulgaire que l’égoïsme. Moi, moi, moi : ce croassement.

J’en ai eu, des garçons ! Je leur demandais : Comment voudrais-tu mourir ? Qu’est-ce qui te fait vivre ? Qu’est-ce qui t’empêche de te suicider ? Enfin, il y en aurait un qui m’aurait dit : « J’ai vendu mon âme au diable pour te posséder ce soir » ou « Demain je vais assassiner le pape » ou au moins « Je serai médecin sans frontières » ou « Je vais cambrioler la Banque de France » ou même si vraiment il n’était capable d’autre chose : « Je serai prix Nobel de littérature… » Mais rien, rien, rien ! Des binoclards pavanant leur QI ou de beaux mâles pavanant leurs pectoraux […] Avec tout ça ils se sentent supérieurs, les uns comme les autres. Supérieur à qui ? Pourquoi ? Parce que tu as eu dix-sept et demi à l’oral ? Ils ne comprendront jamais que la seule supériorité, c’est le sacrifice.

Alors, quand on a senti toute cette canaille vous passer dessus, et Hache Eh Cé et Eh Henne Ah et qu’on n’a plus d’espoir qu’en Polytechnique, et que le major de promotion se défile dans une multinationale et qu’on fait appel aux Eaux et Forêts et que ceux-là calculent déjà leur retraite, et qu’on se dit : Vive l’Amérique, et que les Américains n’osent rien faire tant qu’ils ne sont pas bourrés… alors quoi ? Pigalle ou le Carmel ?

Le mot « hiérarchique » veut dire : où l’origine du commandement est sacrée.

C’est triste à dire à ceux qui aiment l’égalité, mais l’égalité est stérile. Ce qui est fécond, ce qui crée un appel d’air, ce sont des différences de température favorisant les mouvements verticaux.

C’est grave parce que le  monde que j’entrevois dans le passé était construit sur une idée simple. L’imitation des meilleurs par les autres. Cela ne marchait pas toujours ? Sans doute. D’ailleurs qui peut définir « meilleur » ? Mais l’idée au moins était saine.

Malraux dit : La noblesse a laissé des portraits, la bourgeoisie des caricatures.

(…) il avait trouvé son équilibre, et les hommes respectent cela, d’instinct. Il s’ennuyait à mort, mais il ne le savait pas.

Joël avait peur des enfants. De leur animalité, de leur intransigeance. On ne sait jamais de quelle manière ils vont transgresser les conventions qui rendent la vie supportable en société.

Oats gambadait autour de nous, avec cet air fantomatique que les chiens prennent la nuit.

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