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jeudi 30 juillet 2020

"A se tordre"d'Alphonse Allais (1891)

Ironie
C’est dans un estaminet du plus pur style Louis-Philippe.
Il est difficile de rêver un endroit plus démodé et plus lugubre. Les tables, d’un marbre jauni, s’allongent, désertes de consommateurs.
Dans le fond, un vieux billard à blouses prend des airs de catafalque moisi, et les trois billes (même le rouge), du même jaune que les tables, ont des gaités d’ossements oubliés.
Dans un coin, un petit groupe de clients, qui semblent « de l’époque », font une interminable partie de dominos ; leurs dés et leurs doigts ont des cliquetis de squelettes.
Par instant, les vieux parlent, et toutes leurs phrases commencent par « De notre temps… »
Au comptoir, derrière des vespétros surannées et des « parfait-amour » hors d’âge, se dresse la patronne, triste et sèche, avec de longs repentirs du même jaune pâle que les tables et les billes de son billard.
Le garçon, un vieux déplumé, qui prend avec la patronne des airs familiers (il doit être depuis longtemps dans la maison), rôde comme une âme en peine autour des tables vides.
Alors entrent trois jeunes gens évidemment égarés. Ils sont reçus avec des airs hostiles de la part des dominotiers et du garçon. Seule la dame de comptoir arbore un vague sourire, peut-être rétrospectif, elle se rappelle que dans le temps, c’était bon les jeunes gens.
Les nouveaux venus, un peu interloqués d’abord par le froid ambiant, s’installent. Soudain l’un deux s’avance vers le comptoir.
-Madame, dit-il avec la plus exquise urbanité, il peut se faire que nous mourions de rire dans votre établissement. Si pareille aventure arrivait, vous voudriez bien faire remettre nos cadavres à nos familles respectives. Voici notre adresse.

En voyage
A l’encontre de beaucoup de personnes que je pourrais nommer, je préfère m’introduire dans un compartiment déjà presque plein que dans un autre qui serait à peu près vide.
Pour plusieurs raisons.
D’abord ça embête les gens.
Etes-vous comme moi ? J’adore embêter les gens, parce que les gens sont tous des sales types qui me dégoûtent.

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