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dimanche 5 avril 2020

« Ma vie a un prix » de Tina Okpara (2010)

Et maintenant, que vas-tu faire ? On me pose souvent la question depuis le procès de mes parents adoptifs. Je réponds « Infirmière » ! Cela paraît impossible, inaccessible, à une jeune fille qui n’a pas été scolarisée. Mais je me bats et je travaille dur (…) Au centre, je mets un point d’honneur à être toujours gaie et enjouée. Tristesse interdite ! Je m’applique toujours à apporter de la joie et de l’énergie aux personnes âgées. Un mot gentil, une attention, ça ne coûte rien et quand grâce à moi un sourire illumine leurs beaux visages ridés, que leurs cheveux paraissent souvent moins gris, leurs membres moins raides et leur voix moins chevrotante, je suis l’employée la plus heureuse du monde… Leur bonheur est le meilleur des baumes pour panser les blessures de mon âme. Ma seule crainte est de voir mes chers patients disparaître un jour. Ce qui, hélas, arrive parfois…

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De l’autre côté de l’île, en Haïti, l’esclavage des enfants est une tradition. Interdit dans les textes, le système perdure pourtant dans tout le pays. Les enfants esclaves sont appelés Restavec, un terme  créole formé avec les mots « reste » et « avec », car ces pauvres gosses doivent demeurer à portée de voix de leur maître. Issus de familles misérables, ils sont cédés à d’autres familles, un peu moins démunies. Le marché est le suivant : nourriture et éducation en échange de quelques heures de travail par semaine. En réalité, les Restavecs sont des domestiques corvéables à merci. Ils travaillent dès l’aube et jusque tard dans la nuit. Leur tâche comprend le transport de l’eau, le ménage, la lessive, le nettoyage, la préparation, des repas, le soin et la garde des autres enfants de la famille. Ils dorment par terre, das un coin de la maison, sur un tas de chiffons, ou carrément à l’extérieur, et ne sont nourris qu’avec des restes. N’ayant pas d’état civil, ils n’ont pa d’existence légale - ce qui est pratique quand on veut se débarrasser d’eux. Quand ils grandissent, les « propriétaires » les jettent à la rue. Les garçons finissent délinquants, voleurs, assassins ; les filles se prostituent dans les allées du cimetière de Port-au-Prince où le sida fait des ravages.
(extrait de la postface de Cyril Guinet)

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