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lundi 13 avril 2020

« Écrits pédagogiques - Don Bosco » de Jean-Marie Petitclerc (2019)

Il est curieux de constater aujourd’hui dans notre pays l’essor de la pensée pédagogique de Maria Montessori, médecin italien, qui ouvrit sa première Maison des enfants en 1907 à Rome. Sans aucunement vouloir minimiser un tel apport, rappelons cependant que l’œuvre de Jean Bosco, dont le premier « Oratoire » a été ouvert en 1846 à Turin, et, quant à elle, présente dans cent trente-sept pays du monde !

Telle est l’intuition qui traversera toute l’œuvre éducative de Don Bosco : il met en place une pédagogie de la non-violence. La douceur, c’est le mot-clé de sa pédagogie…

(…) il choisit de se mettre et de placer la congrégation qu’il fonda « sous la protection de saint François de Sales ». voilà pourquoi sa pédagogie est qualifiée de « salésienne ». François de Sales, évêque de Genève résidant à Annecy, à l’époque du XVIè siècle, tourmentée par de vif affrontements entre catholiques et protestants, se fit l’apôtre de la douceur, qui seule permettait la mise en place du dialogue.

(…) la douceur doit être la qualité première de l’éducateur. Elle invite à accepter le jeune comme il est, et non comme nous voudrions qu’il soit.

Ensuite, l’éducateur ne se laisse pas désarmer par les provocations de l’adolescent, qui manifeste pourtant à son égard un profond manque de respect. Au contraire, il continue se s’adresser au jeune de manière très respectueuse et chaleureuse.

Comme le souligne le salésien Joseph Aubry, « le monde moderne offre à nos jeunes bien des plaisirs et des divertissements, mais peu de joie. L’éducateur peut estimer avoir effectué un grand pas en avant lorsqu’il a fait comprendre, et mieux encore, expérimenter au jeune la différence entre plaisir et joie. »

Une grande partie de son art éducatif consistait à toujours instaurer autour de lui un tel climat de paix et de sérénité joyeuse (…) La joie me paraît être la composante essentielle du climat éducatif salésien.

« Deux méthodes ont toujours été en usage dans l’éducation des jeunes : la méthode préventive et la méthode répressive (…) La pratique de cette méthode repose tout entière sur ces mots de saint Paul : (…) « La charité est longanime et patiente ; elle souffre tout mais espère tout et supporte toutes les contrariétés. »

(…) le directeur (…) il lui faudra au contraire se trouver constamment avec ses élèves (…) On fera en sorte que les élèves ne restent jamais seuls (…) Ils ne les laisseront jamais désœuvrés.

La confession fréquente, la communion fréquente et la messe quotidienne sont des colonnes sur lesquelles doit être bâti un édifice éducatif d’où l’on entend bannir la menace et le fouet. Il ne faut jamais contraindre les enfants à fréquenter les sacrements, mais seulement les y encourager…

La discipline ordinaire de l’Eglise primitive voulait qu’on distribuât aux petits les hosties consacrées non consommées à la communion pascale.

(…) l’éducateur doit chercher à se faire aimer s’il tient à se faire craindre. Alors, retirer sa bienveillance constitue une sanction ; mais c’est une sanction qui favorise l’émulation, encourage et n’avilit jamais.

Sauf rarissimes exceptions, que les corrections et les sanctions ne soient jamais données publiquement, mais en particulier et loin des autres élèves. »

(…) la première caractéristique de la pratique salésienne de la sanction (…) c’est d’éviter toute humiliation du jeune pris en défaut (…) Aussi Jean Bosco récuse-t-il de manière absolue tout châtiment corporel, dont nous pouvons rappeler qu’ils étaient largement utilisés à l’époque.

(…) on punit une personne, alors qu’on sanctionne un acte. La sanction peut se situer soit dans un registre de la gratification, soit dans celui de l’obligation de réparer. C’est un outil d’éducation à la responsabilisation.

La lettre de 1878 apporte une réponse claire. On peut rester fidèle à Don Bosco lorsque le contexte et les circonstances imposent de taire les références explicitement religieuses.
L’essentiel consiste à mettre en œuvre l’intégralité de sa méthode éducative, qui repose:
1) Sur un principe. Mieux vaut prévenir que réprimer (…)
2) Sur un regard. Porter sur chaque jeune un regard de foi (je crois en toi, j’ai besoin de ton aide), un regard d’espérance (…) d’amour (…)
3) Sur une approche globale. L’enfant est rejoint dans le champ du loisir (…) de l’école (…) et de la vie quotidienne.

(…) il manque le meilleur.
- Quoi donc ?
- Que non seulement les garçons soient aimés, mais qu’ils se sachent aimés (…) Qu’ils soient aimés en ce qui leur plaît, que l’on s’adapte à leurs goûts de jeunes garçons. Je regardai et je vis que bien peu de prêtres et d’abbés se mêlaient aux enfants, et que moins encore participaient à leurs jeux ; les supérieurs n’étaient plus l’âme de la récréation (…) Qu’il aiment ce qui plaît aux garçons et les garçons aimeront ce qui plaît à leurs supérieurs (…)

- Mais comment s’y prendre pour briser cette barrière ?
- « Familiarité » (esprit de famille) avec les jeunes, surtout en récréation. Sans « familiarité », l’affection  ne se prouve pas, et sans cette preuve il ne peut y avoir de confiance. Qui veut être aimé doit montrer qu’il aime.

Dans un monde marqué par la difficulté de la relation intergénérationnelle, Don Bosco préconise une pédagogie de l’alliance. Il ne s’agit pas de faire « pour » mais « avec » le jeune, considéré pas seulement comme destinataire, mais aussi comme partenaire de l’action éducatrice. La famigliarità (…) consiste à se plaire avec le jeune…

Don Bosco est ce pédagogue qui a réhabilité l’affectivité dans la relation éducative, suite au siècle des lumières qui avait eu tendance à tout vouloir rationaliser. car, de toute façon, l’affectif est présent au cœur de toute relation y compris éducative. Alors, mieux vaut reconnaître cette part d’affectif afin d’apprendre à la gérer, plutôt que vouloir la nier. A mes yeux, si l’école rencontre aujourd’hui de tells difficultés dans la gestion des groupes d’adolescents aux comportement provocateur, c’est parce que bon nombre d’enseignants ont été formé à la négation de la prise en compte de cet affectif.

Conjuguer dans la pratique éducative affectivité et autorité, c’est ouvrir au jeune ce que nous pouvons qualifier, à la suite de Winnicott, d’« espace potentiel », c’est-à-dire un espace où le jeune puisse être sécurisé, sans être enfermé, où il puisse être frustré, sans être abandonné à ses angoisses.

La boussole de l’éducateur doit constamment être le ressenti de l’enfant.

Et, si nous n’y prenons pas garde, la confrontation avec l’enfant, l’adolescent, peut réveiller cette part d’infantile, nous faisant alors courir le risque de régression avec lui.

Avec les assistants et les responsables de dortoir (…) éloigner tout livre, écrit, image, tableau (c’est ce qu’il faut savoir), et tout ce qui peut mettre en péril la reine de vertus, la pureté.

Quand des brouilles ou des querelles naissent entre les personnes de service, les assistants, les jeunes, etc., écoute tout le monde avec bonté, mais en règle ordinaire tu donneras ton avis à chacun séparément, de sorte que l’un n’entende pas ce que tu dis à l’autre.

Tu n’accepteras jamais d’élèves renvoyés d’autres collèges ou que tu sais de mauvaises mœurs.

S’il manque en matière de pureté, qu’on ne l’avertisse qu’une seule fois ; et, s’il retombe, qu’il soit immédiatement renvoyé chez lui.

S’il [une personne du dehors] élève des différends sur des affaires matérielles, fais le plus de concessions possible, même à ton détriment, pour ôter tout prétexte aux procès et autres choses semblables qui peuvent détruire la charité.

La première qualité du manager réside dans sa sérénité en toutes circonstances, quelles que puissent être les difficultés rencontrées.

Contrairement à ce que certains véhiculent à propos de la pédagogie salésienne, Don Bosco n’a pas hésité à renvoyer de l’Oratoire quelques jeunes qui pouvaient mettre en péril le travail éducatif mené.

Alors sa recette, c’est « le petit mot à l’oreille » : c’est le « grand secret », nous dit-il, de sa pédagogie.

Que faire en cas de grand manquement ? Il recommande :
- d’appeler l’acteur pour un entretien individuel ;
- de l’accueillir avec douceur et bienveillance ;
- de l’inviter à « reconnaître sa faute » et « le tort qu’il eut de la commettre » ;
- de le réprimander ;
- de l’inviter à repartir à neuf.

Au temps de Don Bosco, on passait de l’ère rurale et paysanne à l’ère urbaine et industrielle. Et voici que nous passons de cette ère urbaine et industrielle à l’ère post-industrielle, marquée par la révolution du numérique !

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