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lundi 2 mars 2020

"Passeur de l’autre rive" de Jean Laplace (2001)

Tout a un sens, tout a une importance, pourvu que je regarde en avant […] devenu « indifférent à tout », c’est-à-dire dégagé de tout attachement, je découvre que rien ne peut désormais m’être indifférent. Sans crainte, je puis me livrer à la beauté des choses, à l’amitié, au travail, à la création en tout genre. L’Esprit Saint envahit toutes les fibres de mon être qui devient, comme celui du Christ, une transparence divine. Je suis en Dieu et au-delà de tout et Dieu est avec moi au plus intime de moi-même, ne cessant d’y faire sa demeure […]. « Dieu doit être trouvé en toutes choses », dit le Père Ignace…

L’amitié… Il ne saurait s’agir de ces relations agréables, nouées au hasard des rencontres. Elles naissent de l’attrait physique, de la communauté de travail, d’un compagnonnage intellectuel ou religieux. Ces relations ne sont pas promises à la permanence. Elles valent ce que vaut leur orientation première, mais elles n’engagent pas les profondeurs de l’être. La relation dont nous parlons est d’ordre privilégié. Elle se situe d’emblée dans ce que l’homme a de meilleur. Elle est fondée sur une reconnaissance mutuelle et n’imagine pas qu’elle puisse être rompue […]. Elle est d’ordre naturel.

C’est en pauvre qu’il faut aller aux pauvres. C’est en pauvre que l’on aime en vérité. Avant la pauvreté des biens, il y a la pauvreté du cœur.

[…] la fin de tout, c’est la Demeurance dans l’amour.

En l’eucharistie, se réalise le vœu impuissant de toutes les religions du monde : par toutes sortes de rites, atteindre cette autre rive où les dieux mangent une nourriture immortelle […] le plus précieux de tous les dons, celui d’une vie qui ne finit pas et où nous retrouvons pour toujours ceux que nous avons aimés sur terre.

… comme le dit encore Jean, « quiconque aime – c’est-à-dire fait les œuvres de l’amour en vérité –, est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. »

Le combat doit porter, non sur la chair qui est le don de Dieu et l’instrument de notre liberté, mais sur la manière d’y vivre. Les choses ne nous sont pas données pour satisfaire les instincts de la chair, mais pour découvrir en elle la beauté qui s’y cache.

Le mal n’est pas dans l’objet de nos désirs. Il est dans le moi qui veut en jouir pour lui et se les approprier. Avoir peur de la chair, c’est être de ces eunuques dont parle Jésus et qui le sont par nature, par rejet, non par choix. Il est naturel de sentir dans la chair l’éveil de l’amour. […] le combat ne consiste pas à empêcher la chair de s’ouvrir au désir, mais à empêcher ce désir de devenir une convoitise. Ne cherche pas à prendre possession de l’autre pour ta jouissance personnelle. Oriente les forces vives qui s’éveillent en toi vers tout ce qui permet une vraie relation dans l’amour. Ce que nous disons de la chair, nous pourrions le dire des biens matériels ou de tout exercice du pouvoir que Saint Jean évoque en même temps que la convoitise de la chair. Les biens de ce monde sont nécessaires à la vie, ces biens dont l’argent est le symbole.

Faisant des choses et des êtres notre affaire, nous interposons notre vouloir entre Dieu et le monde. La lumière qui éclaire tout homme et l’univers ne passe plus. Tout devient ténèbres en nous et entre nous.

Son baptême pour lui d’abord, pour nous ensuite, donne à la mort un sens nouveau. Non plus un terme, mais un passage. Une naissance à une vie nouvelle, celle que l’homme ne peut obtenir par lui-même, quelles que soient ses œuvres, mais qui lui est communiquée par celui-là même qui, dans sa chair, porte la vie de l’Esprit…

Mais pour nous, cette présence demeure voilée : elle se fait sous le signe du pain et du vin, en mémoire de sa mort qui a pris pour nous une valeur éternelle […] Si cette réalité n’est encore vécue que sous le voile, c’est pour déposer en nous le dynamisme de l’Esprit qui répand ses dons dans nos cœurs. L’Eucharistie devient source de vie spirituelle pour qu’appuyés, non sur nous, mais sur le corps du Christ que nous sommes, nous laissions l’Esprit agir en nous et réaliser en nous l’humanité nouvelle. Cet ensemble sacramentaire constitue comme une permanente invitation faite à la liberté de l’homme de nous laisser transformer par la grâce du Christ qui nous est constamment offerte. Il constitue pour qui le pénètre de l’intérieur un merveilleux septénaire, dont le centre est la chair du Christ, devenue le sacrement par excellence…

… le Verbe […] nous reprend pour […] donner à notre activité présente sa valeur d’éternité. C’est en nous que commence la consécration de l’univers.

La vie spirituelle est tout autre chose qu’une accumulation de prières, de pratiques ou d’exercices plus ou moins pénibles, destinée à nous attirer la bienveillance divine. Elle est une recherche d’être à être, du fini vers l’infini, de personne à personne. C’est la part de l’homme dans sa tendance vers l’au-delà.

La seule liberté qui soit digne de l’homme est celle précisément qui s’exerce dans l’amour.

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