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dimanche 1 mars 2020

"La liberté intérieure" de Jacques Philippe (2002)

Pourquoi le monde de Thérèse, humainement si étroit et pauvre, donne-t-il pourtant le sentiment d’être si ample et si dilaté ? […] Tout simplement parce que Thérèse aime avec intensité.

C’est notre cœur qui est prisonnier de son égoïsme ou de ses peurs et qui doit changer, apprendre à aimer en se laissant transformer par le Saint-Esprit…

Aucune circonstance au monde ne pourra jamais m’interdire de croire en Dieu, de mettre en lui toute ma confiance, de l’aimer de tout mon cœur et d’aimer mon prochain.

Les éléments de l’existence que nous choisissons sont d’une importance bien moindre que ceux que nous ne choisissons pas […] les situations qui nous font vraiment grandir sont justement celles que nous ne maîtrisons pas.

[...] j’ai confiance qu’à partir de mes pauvretés le Seigneur est capable de faire des choses splendides […] le plus important dans notre vie n’est pas tant ce que nous pouvons faire, que de laisser place à l’action de Dieu. Le grand secret de toutes les fécondités et de toutes les croissances spirituelles, c’est d’apprendre à laisser Dieu agir : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », dit Jésus.

Dans le « Dialogue des Carmélites », de Bernanos, la vieille prieure adresse les paroles suivantes à la jeune Blanche de la Force : « Surtout ne vous méprisez jamais. Il est très difficile de se mépriser sans offenser Dieu en nous. »

[…] nous ne pouvons pas nous changer par nos propres forces, mais tout progrès, toute victoire sur nous-mêmes est un don de la grâce divine […] il est nécessaire aussi, pour recevoir la grâce qui va me transformer, de m’accueillir moi-même et de m’accepter tel que je suis.

Dieu donne ce qu’il ordonne…

« Là où il n’y a pas d’amour, mettez de l’amour, et vous récolterez de l’amour. » (Saint Jean de la Croix, « lettre à Mère Marie de l’Incarnation ».

Il vaut mieux chercher à réformer son cœur plutôt qu’à réformer le monde ou l’Eglise, ce sera plus fécond pour tout le monde.

[…] on favorise davantage la conversion et le progrès de quelqu’un en l’encourageant dans ce qu’il vit de positif qu’en l’épinglant sur tous ses faux pas. Le bien a plus de consistance et de réalité que le mal ; en se développant il est capable de triompher de ce dernier.

Les imperfections des autres, les déceptions qu’ils nous causent […] nous aident aussi à ne pas attendre d’eux un bonheur, une plénitude, un accomplissement que nous ne pouvons trouver qu’en Dieu, et nous invitent donc à nous « enraciner » en lui […] les déceptions dans la relation à l’autre nous font passer d’un amour « idôlâtrique » (un amour qui attend trop » à un amour réaliste, libre et donc finalement heureux. L’amour romantique sera toujours menacé de déceptions, la charité jamais, puisqu’elle « ne cherche pas son intérêt ».

L’instant présent est d’abord celui de la présence de Dieu. « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). Dieu est l’éternel présent. Nous devons être convaincus que chaque instant quel qu’en soit le contenu, est plein de la présence de Dieu, riche d’une possibilité de communion avec Dieu […] apprendre à vivre chaque moment comme se suffisant à lui-même, comme plénitude d’existence. Car Dieu est là, et si Dieu est là, je ne… ??

Le cœur ne peut pas être à la fois pris par le souci du lendemain et accueillant à la grâce du moment présent. C’est l’un ou l’autre. Nous devons donc « chercher le Royaume », c’est-à-dire communier à la présence de Dieu qui est donnée ici et maintenant, dans la recherche aimante et confiante de sa volonté pour aujourd’hui, et « le reste nous sera donné par surcroît. »

Sachons une chose : la grâce, tout comme la manne qui nourrissait les Hébreux dans le désert, ne se « stocke » pas. On ne peut pas en faire des réserves, on ne peut que l’accueillir instant après instant. Elle fait partie de ce « pain pour chaque jour » que nous demandons dans la prière du « Notre Père ».

A chaque jour suffit sa peine. Il faut faire ce que l’on a à faire, et pour le reste, se garder de se laisser contaminer par les mille petites angoisses qui sont autant de motions de défiance vis-à-vis de Dieu. Tout finira bien par s’arranger… Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres.

Mais il y a aussi un autre temps, celui que nous éprouvons dans certains moments de bonheur ou de grâce, mais qui dans le fond, existe toujours et dans lequel nous devrions apprendre peu à peu à nous situer en permanence. Ce temps est le temps de Dieu […] ce temps est suffisant, parce qu’il est plein. Plein parce que j’y fais ce que j’ai à faire, dans la communion avec la volonté divine, dans la docilité au Saint-Esprit […] Ce temps est communion avec l’éternité. Ce n’est pas un temps que nous programmons […] mais beaucoup plus un temps que nous accueillons.
Si nous étions toujours dans ce temps-là, nous laisserions beaucoup moins de prise au mal ! Le démon s’infiltre dans les temps vides, ou mal vécus, parce que nous refusons telle chose ou que nous recherchons telle autre avec avidité…

Le chrétien n’est pas celui qui adopte telle ou telle pratique, qui se conforme à telle ou telle liste de commandements et de devoirs, le chrétien est d’abord celui qui croit en Dieu, qui espère tout de lui, qui veut l’aimer de tout son cœur et aimer son prochain.

Les vertus théologales sont aussi mystérieusement mais réellement à la fois un don de Dieu et une activité de l’homme […] Espérer c’est faire confiance, et cette expression dénote bien que dans l’espérance on n’est pas passif, mais qu’on pose un acte.

[…] c’est Dieu qui est le créateur de notre liberté, et plus Dieu influe sur notre cœur, plus il nous rend libres […] Parce que Dieu est plus intime à nous que nous-mêmes.

Les Pères du désert n’hésitaient pas à dire : « Celui qui voit son péché est plus grand que celui qui ressuscite les morts. » […] il est passé de la confiance en lui-même à la confiance en Dieu, il est passé de la présomption à l’espérance […] l’espérance véritable, théologale (qui relie vraiment à Dieu) ne peut provenir que d’une expérience de pauvreté foncière […] « Heureux les pauvres en esprit car le Royaume des Cieux leur appartient. »

« Restons bien loin de tout ce qui brille, aimons notre petitesse […] alors nous serons pauvres d’esprit, et Jésus viendra nous chercher… » (Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, « Lettre à sa sœur Marie du Sacré-Cœur », 1896)

[…] ranimer l’espérance, retrouver une nouvelle confiance dans ce que Dieu peut faire pour nous (quelle que soit notre misère) et dans ce que nous pouvons entreprendre avec l’aide de sa grâce.

« L’homme de foi n’est pas celui qui croit que Dieu peut tout, mais celui qui croit pouvoir tout obtenir de Dieu. » (Saint Jean Climaque, Père du VIIe siècle)

« On obtient de Dieu autant qu’on en espère » (Saint Jean de la Croix, « Nuit obscure »)

Dieu ne nous donne pas selon nos qualités ou nos mérites, mais selon notre espérance. 

[…] le cœur pur n’est pas tant celui qui est indemne de toute faute, de toute blessure, que celui qui met toute son espérance en Dieu, qui est sûr de l’accomplissement de ses promesses. Le cœur pur est celui qui ne compte pas sur lui-même, ni sur des « combines » et des calculs humains, mais celui qui attend tout de Dieu avec une ferme confiance, qui espère en Dieu et en lui seul.


La question de fond sous-jacente à l’enseignement de Saint Paul est […] le fidèle est invité à préserver sa liberté, à ne pas « livrer son âme aux idoles », c’est-à-dire à ne pas attendre d’une réalité quelconque de ce monde (le plaisir sensible, le pouvoir, la renommée, le travail, telle relation…) une plénitude, une paix, un bonheur, une sécurité que Dieu seul peut donner sous peine d’être gravement déçu et de faire beaucoup de mal à lui-même et aux autres.


[…] on ne peut guérir une passion que par une autre passion, un amour dévié que par un amour plus grand, un comportement négatif que par un comportement positif qui ne nie pas mais assume le désir sous-jacent au premier.


La piété rigide de celui qui agit en tout « par devoir », comme s’il avait une dette à payer à Dieu, alors que le Christ a acquitté toute dette de l’homme envers Dieu sur la Croix, et nous appelle à tout lui donner en retour par amour et reconnaissance, et non en vertu d’une dette quelconque […] La mentalité mercantile de celui qui calcule ses mérites, mesure ses progrès, passe son temps à attendre de Dieu la récompense de ses efforts et se plaint quand les choses ne vont pas comme il voudrait.


L’amour de Dieu est absolument gratuit, il n’y a pas à le mériter, à le conquérir, il n’y a qu’à l’accueillir, au moyen de la foi, qui est la seule voie d’accès au salut selon saint Paul.


Vivre le plus possible selon cette « logique de la grâce » est la guérison à la fois de l’orgueil (mes œuvres ne sont ainsi pas les miennes, mais celles que Dieu me fait la faveur d’accomplir) et du désespoir car, quels que soient mes échecs, je ne serai jamais enfermé dans une condamnation, je sais que je pourrai toujours recourir à l’amour absolument gratuit et inconditionnel de Dieu pour me relever.


[…] comme si l’amour devait se payer ou se mériter. L’Evangile cherche à tout faire pour briser cette logique. Par exemple quand il nous rappelle que nous sommes des serviteurs inutiles (Luc, 17,10) mais aussi que les ouvriers de la onzième heure reçoivent le même salaire que ceux de la première. (Mathieu 20, 1-16)


[…] le fondement de ma relation à Dieu, de ma vie, n’est plus en moi, mais totalement et exclusivement en Dieu. Ce qui veut dire aussi que je deviens pleinement libre : tant que mon rapport à Dieu est en partie fondé sur ce dont je suis capable, il reste fragile, quand il a comme seul fondement la paternité de Dieu, il est à l’abri de tout échec.


Est souverainement libre celui qui ne convoite rien et qui n’a peur de rien. Qui ne convoite rien parce que tout bien qui importe vraiment lui est assuré par Dieu. Qui a peur de rien parce qu’il n’a rien à perdre, rien à défendre, qui ne se sent menacé par personne et n’a donc pas d’ennemis. 


La pauvreté spirituelle, la dépendance totale à l'égard de Dieu et de sa seule miséricorde, est la condition de la liberté intérieure. Il nous faut devenir des enfants, et « consentir à tout attendre du don du Père, mais vraiment tout, un instant après l’autre. » (Jean-Claude Sagne)


Quelqu’un, amoureusement et miséricordieusement est entré dans le mystère de ton humanité la plus intime, et non comme spectateur, ni comme juge, mais comme quelqu’un qui t’aime, qui s’offre à toi et qui t’épouse pour te libérer, te sauver, te guérir… Pour rester toujours avec toi, en t’aimant, en t’aimant !

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