Pour lui, l’art avait essentiellement une fonction
sociale, même si c’était aussi le seul langage qui lui permette de plaider pour
l’amour, qui, autrement, lui était refusé.
Avant de quitter la Hollande, Vincent lui-même alla
jusqu’à unir couleurs et musique (il prit même quelques leçons de piano). « Bleu de Prusse ! »
ou « Jaune de chrome ! » criait-il en frappant une touche,
effrayant sans doute le professeur de piano, alors qu’il faisait simplement
l’expérience d’un phénomène qu’artistes et musiciens ont toujours connu.
Il s’était décrit lui-même comme « un chien
fou » lorsqu’il peignait en Hollande Les mangeurs de pomme de terre. A
Paris, il devint ce qu’un critique a appelé « un oiseau chantant ».
« Quand il
s’y mettait, il avait une façon extraordinaire de déverser un torrent de
phrases en hollandais, en anglais et en français, puis de regarder en arrière
par dessus son épaule, en sifflant entre ses dents » (Archibald Hartrick)
Lautrec, entendant un autre artiste tenir des propos
désobligeants à propos des toiles de Vincent, provoqua cet artiste en duel.
C’est dans le Montmartre nocturne que Lautrec était le plus
heureux ; il se dandinait d’un cabaret à l’autre, gesticulant avec sa
canne miniature qu’il appelait un tire-bottes, postillonnant constamment :
« Eh ? Quoi ?
Fantastique ? eh ? Quoi ? ». Il vivait dans une
sorte de démocratie de la laideur, accepté sans hésitation par les Montmartrois
trop préoccupés de leurs propres excentricités pour prendre garde à celles des
autres.
Il était d’instinct un caricaturiste et devait lutter
contre cet instinct.
Il continuait à boire outrageusement, s’appelant lui-même
un « suicidé moral »
On découvrit finalement qu’il avait acheté une canne
creuse, doublée de verre, qu’il remplissait de cognac et d’où il buvait dès que
le gardien avait le dos tourné.
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