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vendredi 10 janvier 2020

"L’usage de la parole"de Nathalie Sarraute (1980)


… c’était Stendhal, dans La chartreuse de Parme, qui a fait la découverte de ce que chacun aurait dû connaître depuis toujours… les conséquences, en un instant, de l’apparition de ce « mot qui donnera un nom à ce qu’ils sentent l’un pour l’autre ». Il avait déjà vu, il avait pressenti ce qui maintenant exclusivement nous occupe : les effets que le mot à lui seul produit quand il fait irruption.

… mais les voici, ils sont faciles à trouver, il y en a tout un stock commun, amassé pour cet usage, toujours à la disposition de chacun, où chacun maintenant puise, où il saisit, envoie à l’autre des mots qui d’un seul coup vont les placer tous deux, les implanter solidement sur la terre ferme, sur ce tout petit morceau de terre où ils sont sûrs de se retrouver, parfaitement identiques, entièrement solidaires devant un sort commun : le temps qu’il fait en ce moment.

Voilà, je les prends, saisissez-les, je vous les tends… « Ah, encore ces giboulées… le Bon Dieu a dû se tromper de saison… on n’est pourtant pas au printemps »

Il arrive que s’emboîtant exactement l’un dans l’autre comme deux morceaux bien ajustés d’un puzzle, ils cherchent à retarder l’instant où ils devront en se dégageant brouiller le dessin, démolir la jolie construction…

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