Artaud
[…] avait invité les plus brillants intellectuels de Paris à une conférence.
Lorsqu’ils furent assemblés, il n’y eut pas de conférence. Artaud monta sur la
scène et se mit à leur hurler à la figure comme une bête sauvage. « Il
a ouvert la bouche et hurlé, dit Humboldt. Des hurlements de rage. Devant tous
ces intellectuels parisiens effarés. Pour eux, c’était un évènement délectable.
Et pourquoi ? Artaud, en tant qu’artiste, était un prêtre failli. Les
prêtres faillis sont spécialisés dans le blasphème. Le Blasphème vise une
communauté de croyants. Dans ce cas précis quel genre de croyance ? La
croyance au seul intellect.
[…]
Cela signifie que le seul art intéressant les intellectuels est un art qui
célèbre la primauté des idées. Les artistes doivent intéresser les
intellectuels, cette classe nouvelle. Voilà pourquoi l’était de la culture et
l’histoire de la culture deviennent le sujet de l’art. Voici pourquoi un public
évolué de Français écoute avec respect les hurlements d’Artaud. Pour eux, le
but unique de l’art est de suggérer et d’inspirer idées et discours. Les hommes
cultivés des pays modernes sont un troupeau pensant parvenu au stade, baptisé
par Marx, accumulation
primitive. Leur affaire est de réduire les chefs-d’œuvre au discours. Les
hurlements d’Artaud sont une création intellectuelle. Et d’abord une attaque
contre la « religion de l’art » du XIXe siècle que veut remplacer la
religion du discours…
Sa
chevelure donnait l’impression qu’un phalène y avait élu domicile.
… les
êtres humains pouvaient affecter la rotation de la terre. Comment ? Eh
bien, si la race entière à un moment donné se mettait à traîner les pieds, la
révolution de la planète en serait effectivement ralentie.
Elle
est très jolie, mais c’est un pot de miel sorti du frigo, si tu vois le genre.
La sucrette glacée, ça ne s’étale pas.
Ne
nous y trompons pas, nous sommes observés par les morts, observés sur cette
terre qui est notre école de liberté. Dans l’autre monde où les choses sont
plus limpides, la clarté ronge la liberté. Nous sommes libres sur cette terre
en raison de la confusion qui y règne, de l’erreur, de nos merveilleuses
limitations aussi bien qu’en raison de la beauté de la cécité et du mal. Toutes
ces particularités sont inséparables des bienfaits de la liberté.
Elle
ouvrit son sac et commença à humecter des mouchoirs en papier et à frotter mes
doigts maculés […] Les attentions de ce genre me touchent toujours et il me
semblait qu’une telle marque de prévenance familière ne m’avait pas été
prodiguée depuis des éternités. Il y a des jours où l’envie vous prend d’aller
chez le coiffeur, non pas pour une coupe de cheveux (il ne m’en reste guère à
couper), mais pour le simple contact physique.
… le
monde possède la puissance, et l’intérêt se porte vers la puissance. Où sont la
puissance et l’intérêt du poète ? Ils naissent des états de rêve. Ces
états surviennent parce que le poète est son être profond, parce qu’une voix
résonne dans son âme douée d’un pouvoir égal à celui des sociétés, des Etats,
des régimes. On ne se rend pas intéressant par la folie, l’excentricité, ni
rien de ce genre, mais par le pouvoir que l’on a d’annuler la confusion,
l’activité, le bruit du monde, et de se rendre réceptif à l’essence des choses.
A
cet instant précis, au Plaza, je relevai rapidement ma position. J’éprouvais
comme une sensation légèrement interstellaire. Le système des coordonnées était
fragile et frémissait tout autour de moi. Il était donc nécessaire d’être ferme
et de conjuguer de façon pratique, métaphysique et comportement.
Elle
se dévêtit au-dessous de la ceinture, dégrafant son soutien-gorge pour libérer
sa poitrine, et elle s’installa à un coin du lit dans toute la plénitude, la
douceur et la beauté de sa semi-nudité, le visage pâle et les sourcils pieusement
levés. Je m’approchai d’elle en bannière.
Walt
Whitman, qui était convaincu de l’échec de la démocratie à moins que ses poètes
ne lui offrissent de grands poèmes sur la mort.
… je
m’interrogeais sur la carrière spirituelle de Ulick. Qu’avait-il été
auparavant ? L’évolution biologique et l’histoire occidentale n’avaient
jamais pu créer un être comme Ulick en soixante-cinq misérables années. Il
avait apporté avec lui ses qualités profondes. Quelle qu’eût été sa forme
antérieure, j’étais enclin à croire que dans cette vie, il avait en tant que
riche américain sans scrupule, perdu du terrain.
L’Amérique
soumettait l’esprit humain à rude épreuve. Je ne serais pas surpris qu’elle
fasse reculer tout le monde.
Tu
as toujours été du genre volontaire, sportif ; tu faisais des tractions à
la barre, soulevais des haltères, balançais des massues, cognais le sac de
sable, cavalais autour du pâté de maisons, te pendais aux arbres comme Tarzan
chez les Singes. Et quand tu t’enfermais aux cabinets, tu devais avoir mauvaise
conscience.
Dans
la lointaine Ethiopie, des êtres ravagés par la dysentrie, accroupis au bord
des fossés, affaiblis et mourants, ouvraient des exemplaires de « Business
Week », jetés par les touristes, y voyaient son visage ou des visages
comme le sien, dont le profil féroce évoquait le mot latin « Rapax »
ou l’un de ces rois fous, arbitraires et meurtriers de Rouault.
Je
fus le premier au contrôle, des passagers, le premier à la sortie des bagages.
Et là-dessus, mon sac arriva le dernier de tous. […] je commençais à penser que
ce sac […] s’était perdu quand je le vis vaciller, solitaire, sur
l’interminable tapis roulant. Il s’approcha de moi comme une femme sans corset
flânant sur des pavés.
La
perfection physique tenait du type grec classique ou du cœur de la Renaissance.
Et pourquoi cette sorte de beauté était-elle historiquement inadéquate ?
Eh bien, cela remontait à une époque où l’esprit humain commençait tout juste à
se libérer de la nature. Jusqu’alors l’homme n’avait pas encore songé à
s’envisager isolément. Il n’avait pas distingué son être propre de l’être
naturel, mais il en faisait partie. Mais dès que son intellect s’éveilla il s’écarta
de la nature. En tant qu’individu, il ouvrit les yeux, et contempla la beauté
du monde extérieur, y compris celle de l’homme. Ce fut un moment sacré dans
l’histoire… l’âge d’or. Bien de siècles plus tard, la Renaissance tenta de
retrouver ce sens premier de la beauté. Mais il était déjà trop tard.
L’intellect et l’esprit avaient évolué. Une autre sorte de beauté, plus intérieure,
commençait à se développer. Cette beauté intérieure, apparue dans l’art
romantique et la poésie, était le résultat de l’union libre de l’esprit humain
et de l’esprit de la nature.
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