… Il
faut être juif, c’est-à-dire adorateur, avant d’être chrétien, c’est-à-dire ami
et fils.
… l’histoire
du peuple juif reste le modèle absolu de toute initiation à l’amour de Dieu.
La
religion hindoue s’est élevée à une notion de Dieu aussi pure et aussi
transcendante – plus même, diront certains - que celle d’Abraham. Ce qui manque
pourtant à cette religion pour former de véritables adorateurs (quoi qu’il en
soit de la vie religieuse des hindous : nous ne considérons ici que la
doctrine), ce n’est pas le sens de Dieu, c’est celui de la créature, de sa
consistance, de son prix… et par conséquent le sens de l’adoration comme dialogue
avec le Créateur, infiniment précieux aux yeux du Créateur lui-même.
Israël
en effet eût été incapable de comprendre comment Dieu nous aime si cet amour ne
lui avait été présenté comme un amour de choix, un amour qui tranche avec celui
que nous pouvons prêter spontanément à Dieu ou aux dieux. Il fallait que ce
peuple, et par lui tout le genre humain, fût initié à la notion difficilement
assimilable d’un amour extraordinaire pesant sur lui, et cette
initiation réclamait pratiquement que fût souligné le contraste entre cet amour
extraordinaire et la bienveillance ordinaire de la Providence à l’égard des
autres peuples.
Ce qu’Israël ne pouvait pas soupçonner (…) c’est qu’une telle prédilection concerne finalement tous les hommes. L’eût-il su qu’il eût infailliblement dissous cet amour dans une notion plus vague et plus universelle de la bienveillance divine.
Avant de révéler qu’Il aime tous les hommes de cette manière-là, Dieu devait d’abord préciser cette « manière » en ce qu’elle a de plus précieux et de plus insoupçonnable pour nous.
Tel est le rôle de la révélation trinitaire.
Celui qui a révélé son Amour a tout dit, même s’il se cache encore : on n’a pas besoin d’en savoir davantage, puisque par cet aveu l’être s’est donné tout entier. Les dévoilements ultérieurs ne seront qu’une prise de possession progressive de ce qui appartient déjà virtuellement au destinataire.
(…) pour avoir le désir efficace d’aimer les autres, il faut être décentré, projeté hors de soi par l’amour de Dieu.
Les égoïstes rétrécissent fatalement les ambitions de leur cœur, et sacrifient progressivement la joie de vivre à l’entretien d’un confort de plus en plus négatif et mesquin, débouchant finalement dans une sorte d’euthanasie :
Ce qu’Israël ne pouvait pas soupçonner (…) c’est qu’une telle prédilection concerne finalement tous les hommes. L’eût-il su qu’il eût infailliblement dissous cet amour dans une notion plus vague et plus universelle de la bienveillance divine.
Avant de révéler qu’Il aime tous les hommes de cette manière-là, Dieu devait d’abord préciser cette « manière » en ce qu’elle a de plus précieux et de plus insoupçonnable pour nous.
Tel est le rôle de la révélation trinitaire.
Celui qui a révélé son Amour a tout dit, même s’il se cache encore : on n’a pas besoin d’en savoir davantage, puisque par cet aveu l’être s’est donné tout entier. Les dévoilements ultérieurs ne seront qu’une prise de possession progressive de ce qui appartient déjà virtuellement au destinataire.
(…) pour avoir le désir efficace d’aimer les autres, il faut être décentré, projeté hors de soi par l’amour de Dieu.
Les égoïstes rétrécissent fatalement les ambitions de leur cœur, et sacrifient progressivement la joie de vivre à l’entretien d’un confort de plus en plus négatif et mesquin, débouchant finalement dans une sorte d’euthanasie :
« -Dormir,
dormir, rêver peut-être… » (Hamlet)
C’est
encore un paradoxe étrange, mais combien confirmé par l’expérience, que seuls
ceux qui se donnent savent jouir et convoiter, précisément parce que la vraie
vie comporte des risques perpétuels qu’on n’a pas la force d’affronter si l’on
passe son temps à protéger son bien-être contre l’invasion des autres.
Jésus
n’est pas venu apporter la paix, mais la division, c’est-à-dire un début de
jugement, de séparation entre ceux qui aiment et ceux qui ne veulent pas aimer
(et à l’intérieur de nous-mêmes, entre les forces qui aiment et celles qui
n’aiment pas). « Si quelqu’un ne hait pas son père, sa mère et même sa
propre vie… » jugement prononcé, comme il le sera toujours, par ceux-là
mêmes qui décident d’aimer ou de ne pas aimer.
… c’est
déjà beaucoup de regarder cette folie comme la sagesse inévitable et
inexorable de l’amour, et d’avouer qu’en dehors de cette folie nous sommes en
dehors de l’amour.
L’état
mystique ici-bas est essentiellement un état de désir et de désolation […]
« Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il se renonce, qu’il porte sa
croix chaque jour et qu’il me suive ». (Luc, 9, 23). La croix quotidienne,
c’est la vie mystique elle-même.
[…]
Le sentiment de l’absence de Dieu…
[Un
chrétien] ne prie pas pour modifier la volonté de Dieu […], mais pour accomplir
sa visée la plus profonde qui est justement de dialoguer avec nous […] Dès
qu’une prière échappe à la routine ou à l’obsession d’un pur résultat temporel,
dès qu’elle essaie de se mettre en face du Christ comme quelqu’un en face de
Quelqu’un, elle est contemplative…
Que
signifie alors pour un chrétien aimer les autres ? C’est désirer
pour eux ce dialogue comme il le désire pour lui.
Et quiconque n’agit pas ainsi, quiconque dépense ses forces sans donner sa substance même et sans accepter de se livrer dans un dialogue éternel dès ici-bas… celui-là n’est pas chrétien ou du moins n’agit pas en chrétien.
(…) le tourment des poètes n’est rien d’autre que de retrouver cet émerveillement, si facilement et définitivement perdu par les adultes.
Et quiconque n’agit pas ainsi, quiconque dépense ses forces sans donner sa substance même et sans accepter de se livrer dans un dialogue éternel dès ici-bas… celui-là n’est pas chrétien ou du moins n’agit pas en chrétien.
(…) le tourment des poètes n’est rien d’autre que de retrouver cet émerveillement, si facilement et définitivement perdu par les adultes.
Les
adultes perdent la joie, mais la vraie tristesse du monde leur est aussi cachée
que sa beauté.
Devenir
enfant, c’est aussi accepter de perdre pied. On n’entre pas dans la lumière de
Dieu sans faire naufrage.
Si
la délicatesse de Dieu permet vraiment à notre liberté de lui dire non, elle
lui permet de le dire pour toujours.
… il y a aussi une résistance vraiment dangereuse parce que vraiment efficace, celle qui consiste au fond à refuser le combat […] en esquivant la rencontre : c’est devant cette dérobade invincible que Dieu s’incline lorsqu’Il renonce à nous sauver.
Dieu seul sait vraiment où est notre point faible, cette articulation de la hanche où il doit frapper pour que petit à petit nous devenions infirmes…
… il y a aussi une résistance vraiment dangereuse parce que vraiment efficace, celle qui consiste au fond à refuser le combat […] en esquivant la rencontre : c’est devant cette dérobade invincible que Dieu s’incline lorsqu’Il renonce à nous sauver.
Dieu seul sait vraiment où est notre point faible, cette articulation de la hanche où il doit frapper pour que petit à petit nous devenions infirmes…
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