… les
expressions du « bon » dans les diverses langues : j’ai trouvé
qu’ils renvoient tous à la même transformation des concepts, que partout
« distingué », « noble », au sens du rang social, est le
concept fondamental d’où naissent et se développent nécessairement les idées de
« bon » au sens « d’âme distinguée » et de
« noble » au sens « d’âme supérieure », « d’âme
privilégiée ». Cette évolution se fait parallèlement à celle qui finit par
transformer les idées de « commun », « populacier »,
« bas », en celle de « mauvais ».
… les
Juifs, ce peuple sacerdotal qui ne put en définitive avoir raison auprès
de ses ennemis et de ses vainqueurs que par le total renversement de leurs
valeurs, donc par l’acte de vengeance intellectuel par excellence.
C’était là la seule issue qui convînt à un peuple de prêtres […] Ce sont les
Juifs qui, avec une effrayante logique, osèrent retourner l’équation des
valeurs aristocratiques (bas=noble=beau=heureux=aimé des dieux) et qui ont
maintenu ce retournement avec la ténacité d’une haine sans fond (la haine de
l’impuissance).
… avec
les Juifs avait commencé la révolte des esclaves dans la morale :
révolte qui a une histoire de deux mille ans derrière elle et que nous perdons
aujourd’hui de vue pour cette seule raison – qu’elle a remporté la victoire.
Alors
que toute la morale aristocratique naît d’un oui triomphant adressé à soi-même,
de prime abord la morale des esclaves dit non à un « dehors », à un
« autre », à un « différent-de-soi-même », et ce non
est son acte créateur.
C’est
dans cette sphère, celle du droit des obligations, que se trouve le
foyer d’origine du monde des concepts moraux, « faute »,
« conscience », « devoir », « caractère sacré du
devoir » - il a été à son début longuement et abondamment arrosé de sang
comme l’ont été à leur début toutes les grandes choses sur terre.
Ce
qui révolte dans la souffrance ce n’est pas la souffrance en soi, mais le
non-sens de la souffrance…
Plus
la puissance et la conscience de soi d’une communauté augmentent, plus le droit
pénal s’adoucit…
… la
cause de la naissance d’une chose se distingue toto coelo de son
utilité, de son application effective et de son classement dans un système […]
Tout
but, toute utilité ne sont cependant que des symptômes indiquant qu’une
volonté de puissance s’est emparée de quelque chose de moins puissant qu’elle
et lui a, de son propre chef, imprimé le sens d’une fonction…
… un
progrès véritable : lequel prend toujours forme de volonté et de voie vers
plus de puissance et s’accomplit toujours aux dépens d’un grand nombre
de puissances mineures.
… on
met au premier plan l’« adaptation », c’est-à-dire une activité
secondaire, une simple réactivité, on en vient à définir la vie même comme une
adaptation interne, toujours plus adéquate, à des circonstances extérieures.
C’est ainsi que l’on méconnaît la nature de la vie, sa volonté de puissance.
(…) l’homme souffrant de l’homme, de soi-même : conséquence d’une
séparation violente avec son passé animal, d’un saut, d’une chute dans un
nouvel état, dans de nouvelles conditions d’existence, d’une déclaration de
guerre contre les anciens instincts sur lesquels s’étaient appuyés jusqu’alors
sa force, son plaisir et ce qu’il avait de redoutable.
Cette
secrète violation de soi-même, cette cruauté d’artiste, ce plaisir de se donner
à soi-même une forme comme on ferait d’une matière difficile, récalcitrante,
souffrante de se marquer au fer d’une volonté […] toute cette « mauvaise
conscience » active, véritable matrice de phénomènes idéaux et
imaginaires, a fini par produire au grand jour une foison d’affirmations et de
beautés nouvelles et étranges et peut-être, pour la première fois, la
beauté elle-même.
Il
n’y a de vision que perspective, il n’y a de « connaissance » que
perspective ; et plus nous laissons de sentiments entrer en jeu à propos
d’une chose, plus nous savons engager d’yeux, d’yeux différents pour cette
chose, plus notre « concept » de cette chose, notre
« objectivité » sera complète.
… par
nécessité naturelle les forts ont tendance à se séparer autant que les
faibles ont tendance à s’unir, si les uns s’associent ce n’est qu’en vue
d’une action agressive commune, d’une satisfaction commune de leur volonté de
puissance, et non sans avoir à surmonter individuellement de grandes
répugnances ; les faibles au contraire, en s’associant, prennent plaisir
précisément à cette association…
Science
et idéal ascétique […] reposent tous deux sur un seul terrain : sur la même
surestimation de la vérité.
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