Quelle
chance que je ne me trouve pas seul avec elle ! Car je n’oserais pas
davantage l’embrasser, et je n’aurais aucune excuse. Ainsi triche le timide…
A
force de vivre dans les mêmes idées, de ne voir qu’une chose, si on la veut
avec ardeur, on ne remarque plus le crime de ses désirs.
Ce
que je voulais, c’était faire un travail, guère plus fatiguant qu’une
promenade, et qui laissât comme elle, à mon esprit, la liberté de ne pas se
détacher de Marthe une minute.
Je
profitais de son faux sommeil pour respirer ses cheveux, son cou, ses joues
brûlantes et en les effleurant à peine, pour qu’elle ne se réveillât
point ; toutes caresses qui ne sont pas, comme on le croit, la menue
monnaie de l’amour, mais au contraire, la plus rare, et auxquelles seule la
passion puisse recourir.
Tout
amour comporte sa jeunesse, son âge mûr, sa vieillesse.
… l’amour
est comme la poésie, et tous les amants, même les plus médiocres, s’imaginent
qu’ils innovent.
Envisager
la mort avec calme ne compte que si nous l’envisageons seul. La mort à deux
n’est plus la mort, même pour les incrédules. Ce qui chagrine, ce n’est pas de
quitter la vie, mais de quitter ce qui lui donne un sens. Lorsqu’un amour est
notre vie, quelle différence y-a-t-il entre vivre ensemble ou mourir
ensemble ?
Pourtant
l’amour, qui est l’égoïsme à deux, sacrifie tout à soi, et vit de mensonges.
L’amour
sent confusément que son seul dérivatif réel est le travail. Aussi le
considère-t-il comme un rival. Et il n’en supporte aucun. Mais l’amour est
paresse bienfaisante, comme la molle pluie qui féconde.
Mon
amour sophistiquait tout. De même que je traduisais faussement les phrases de
Marthe, croyant leur donner un sens plus profond, j’interprétais ses silences.
Je
ne pensais même pas à mes amis ; je les redoutais, au contraire, sachant
qu’ils doivent nous rendre service en nous détournant de notre route.
Heureusement ils jugent nos maîtresses insupportables et indignes de nous.
C’est notre seule sauvegarde. Lorsqu’il n’en va plus ainsi, elles risquent de
devenir les leurs.
Serait-il
vrai que l’amour est la forme la plus violente de l’égoïsme ?
L’homme
très jeune est un animal rebelle à la douleur.
Ma
jalousie la suivant jusque dans la tombe, je souhaitais qu’il n’y eût rien,
après la mort.
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