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samedi 6 avril 2019

« Le Prophète » de Khalil Gibran (1923)


Alors Almitra dit : Parlez-nous de l’Amour. 
Et il leva la tête et regarda le peuple, et un silence tomba sur eux. Et d’une voix forte il dit : 
Quand l’amour vous fait signe, suivez-le. 
Bien que ses voies soient dures et escarpées. 
Et lorsque ses ailes vous enveloppent, cédez-lui,
Bien que l’épée cachée dans son pennage puisse vous blesser.
Et lorsqu’il vous parle, croyez en lui, 
Malgré que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du Nord saccage vos jardins. 
Car de même que l’amour vous couronne, il doit vous crucifier. De même qu’il est pour votre croissance il est de même pour votre élagage (…) 
Mais si dans votre peur, vous ne recherchez que la paix de l’amour et le plaisir de l’amour,
Alors il vaut mieux couvrir votre nudité et sortir de l’aire de l’amour,
Pour vous rendre dans le monde sans saisons où vous rirez, mais non pas tous vos rires, et pleurerez, mais non pas toutes vos larmes. 

Alors Almitra parla de nouveau et dit, Et le Mariage, Maître ? 
Et il répondit, disant : 
Vous êtes nés ensemble et ensemble vous resterez pour toujours (…) 
Mais qu’il y ait des espaces dans votre communion,
Et que les vents du ciel dansent entre vous (…) 
Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais, demeurez chacun seul,
De même que les cordes d’un luth sont seules cependant qu’elles vibrent de la même harmonie (…)
Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus : 
Car les piliers du temple s’érigent à distance, 
Et le chêne et le cyprès ne croissent pas dans l’ombre l’un de l’autre. 

Alors, un homme riche dit, Parlez-nous du Don (…) 
Et qu’est la peur de la misère, sinon la misère elle-même ? (…) 
Il en est qui ont peu et qui le donnent entièrement. 
Ceux-ci croient en la vie et dans la bonté de la vie, et leur coffre n’est jamais vide. 

Et la prêtresse parla à nouveau et dit, Parlez-nous de la Raison et de la Passion (…) 
Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de votre âme navigante. 
Si vos voiles ou votre gouvernail se brisent, vous ne pouvez qu’être ballottés et aller à la dérive, ou rester ancrés au milieu de la mer. 
Car, la raison, régnant seule, restreint tout élan ; et la passion abandonnée à elle-même, est une flamme qui brûle jusqu’à sa propre destruction (…)  vous aussi devez reposer dans la raison et vous mouvoir dans la passion. 

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