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mardi 12 juin 2018

« Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus - Le pari bénédictin » de Rod Dreher (2017)


La pratique religieuse régresse mais l’instinct religieux se manifeste partout. Le décalogue est désappris tandis que des lois passagères revendiquent un caractère sacré (…) Avec ce mouvement de sécularisation, qui semble être une extension du politique par des moyens religieux, est née une nouvelle intolérance, athée, bigote, intransigeante qui ne considère rien de moins que Dieu est une anomalie et que les traditions millénaires du christianisme n’ont pas voix au chapitre de la modernité. Cette nouvelle intolérance s’est parée des atouts du progressisme pour professer avec plus de gloire un humanisme aprocryphe que la réalité rend chaque jour un peu plus tragique et ridicule (…)
La tâche est ardue mais l’humilité, d’où vient le vrai courage, vient à bout de tout.
(Préface de Yrieix Denis)

Saint Benoît et son ordre ont émergé du chaos provoqué par la chute de l’Empire romain : ils ont offert à l’Occident un mode de vie ordonné autour de la prière et du travail, entièrement voué au service du Seigneur. Guidés par leur foi et par leur règle, les moines se sont installés au milieu des territoires barbares et lentement, presque imperceptiblement, ils ont préparé la voie d’une renaissance de la civilisation chrétienne qui était tombée en ruine.

Un nihilisme laïc et hostile a remporté la partie dans nos gouvernements, et la culture s’est puissamment retournée contre la christianisme traditionnel.

D’après le Pew Research Center, un Américain de 18-29 ans sur trois finit par abandonner la religion, s’il en a déjà une.

En 2005, les sociologues Christian Smith et Melinda Lundquist Denton ont examiné les croyances religieuses et spirituelles des adolescents américains, toutes catégories sociales confondues. Dans la plupart des cas, ils ont découvert que les jeunes adhéraient à une pseudo-religion molle, que les chercheurs ont appelé un « déisme éthico-thérapeutique » (DET) (…) l’important est l’estime de soi, le bonheur subjectif et la bonne entente avec les autres. Peu à voir, donc, avec le christianisme des Écritures et de la tradition, qui enseigne le repentir, le sacrifice de soi par amour, la pureté de cœur, et présente la souffrance - la voie de la Croix - comme le chemin vers Dieu.

Le monde qui nous entoure trouve de plus en plus notre langage inaudible, voire offensant.

Elle avait été la plus grande cité du monde, peuplée par un million d’âmes au faîte de sa puissance, au IIè siècle (…) En 476, les Barbares déposèrent le dernier empereur romain d’Occident. Au début du VIè siècle, les départs en masse n’avaient laissé que cent mille âmes au milieu des ruines.

Théodoric, le roi wisigoth qui y régnait à l’époque de Benoît depuis sa capitale de Ravenne, était arien, donc un chrétien hérétique.

Nous sommes gouvernés par ce que le philosophe Alasdair MacIntyre appelle l’émotivisme, soit l’idée que les choix moraux ne sont autre chose que l’expression de ce qu’un individu ressent comme juste lorsqu’il a à choisir. Selon MacIntyre, une société entièrement gouvernée par des principes émotivistes ressemblerait à l’Occident moderne, dans lequel la libération de la volonté individuelle est considérée comme le bien le plus précieux. Une société vertueuse, au contraire, croit dans des pratique et principes moraux, objectifs, qui permettent aux hommes d’incarner le bien dans leur communauté (…) Dans une civilisation post-vertueuse, les individus détiennent une liberté presque absolue de pensée et d‘action, et la société n’est plus qu’un « assemblage d’étrangers, dont chacun poursuit ses propres intérêts sans presque aucune contrainte ».

Dans les années 1940, seuls 2% des Blancs américains étaient des enfants naturels. Le chiffre est aujourd’hui monté jusqu’à 41% sur toute la population américaine.

(…) les hommes du Moyen Âge avaient de toute chose une perception sacramentelle (…) Charles Taylor écrit que Sa présence était une « réalité aussi immédiate que celle des pierres, des rivières, des montagnes. »
Les métaphysiciens du Moyen Âge pensaient que la nature était une indication qui tendait vers Dieu. Les nominalistes ne le pensaient pas : il n’y avait pour eux aucun sens dans la nature que l’on puisse dire objectif et découvrir par la raison. Le sens était extrinsèque, c’est-à-dire imposé de l’extérieur par Dieu, et accessible aux hommes par Lui et par Sa révélation uniquement (…) Le nominalisme non seulement rendit la modernité possible, mais encore jeta les bases du renversement qu’opéra l’homme en se mettant à la place de Dieu.

Le terme de « Renaissance » (…) est issu de la croyance progressiste selon laquelle la période médiévale, trop imprégnée de religion, fut un temps de stérilité artistique et intellectuelle - un point de vue absurde mais au succès tenace (…)
Si le Moyen Age insistait sur la Chute de l’homme, le christianisme humaniste louait son potentiel.

Le modèle aristotélicien, hiérarchie dans l’ordre de laquelle les chrétiens discernaient la présence de Dieu, fut détrôné par l’idée neuve d’un univers mécanique ordonné par les lois de la nature, sans lien nécessaire avec la transcendance (…) La nouvelle science jeta le bagage métaphysique par-dessus bord et s’appliqua à ne raisonner que de manière empirique.

Du point de vue scolastique, la réalité est un état objectif, et le rôle des hommes est d’en découvrir la nature métaphysique, sans quoi ils ne peuvent accéder à la connaissance du monde et de ce qu’il contient. Descartes, lui, démarre l’enquête par l’affirmation d’une radicale subjectivité en déclarant que le premier principe de connaissance est la conscience de soi du sujet.

Le déisme, une école de pensée rationaliste née des Lumières, postule que Dieu est un architecte cosmique qui, s’il a créé l’univers, n’interagit pas avec. Les déistes rejettent la religion biblique et le surnaturel, et n’acceptent, pour penser Dieu - qu’ils nomment « l’Être suprême », que des principes rationnels. La plupart des Pères fondateurs américains étaient ou bien des déistes assumés, tel Benjamin Franklin (membre de la franc-maçonnerie) ou bien sous influence du déisme, tel Thomas Jefferson.

Dans une lettre adressé à l’armée en 1798, John Adams, Père fondateur et unitarien pratiquant, fit cette remarque :  « Notre Constitution a été pensée pour ne s’appliquer qu’à un peuple religieux et moralement droit. Elle ne conviendrait à aucune autre population. »

Le sociologique Philipp Rieff, grand commentateur de Freud, décrivit ainsi la bascule des consciences occidentales : « L’homme religieux naissait pour le salut. L’homme psychologique naît pour la satisfaction. » En 1966, Philipp Rieff publia The Triumph of the Therapeitic : Uses of Faith after Freud (…) Il y développait l’idée que l’Occident (…) avait spiritualisé le désir et embrassé un « évangile » laïc : celui de la « réalisation de soi ».

Notre culture actuelle, au lieu de nous enseigner ce dont il faut que nous nous privions pour être vraiment civilisés, repose sur le culte du désir : d’après elle, c’est en nous libérant des vieux interdits, en agissant chacun indépendamment des autres, que nous trouverons un sens à notre vie.

Réapprendre l’ascétisme, c’est-à-dire à souffrir pour la foi, est un exercice indispensable aux chrétiens d’aujourd’hui et de demain.

Le père Martin (…) constate un manque dans les visages qu’il croise. Ils lui semblent anxieux, agités, peu confiants (…) Quand la seule lumière qui éclaire le visage est celle de l’ordinateur, du téléphone ou de la télévision, l’époque est un Age sombre : « Il leur manque cette lumière qui vous éclaire lorsque vous avez une vie sociale, sans laquelle il n’y a pas d’amour. Sans vrai contact avec les autres, l’amour n’existe pas. »

« Il est plus aisé d’amener l’autre en Christ en l’aidant à voir ce qu’il y a de bon en lui qu’en lui montrant tout ce qu’il y a de mauvais » (père Benoît) (…) « La meilleure défense est l’attaque : pour nous défendre, passons à l’offensive, ajoute frère Ignace, étendons le royaume de Dieu. D’abord dan nos cœurs, puis dans nos familles, enfin dans le monde»

Au soir de sa victoire, Trump avait récolté 52% des voix catholiques et plus, stupéfiant encore, 81% de celles des évangélistes.

La seule chose que les chrétiens orthodoxes doivent attendre de la politique, c’est quelle laisse à l’Eglise assez de marge de manœuvre pour pratiquer la charité, dispenser l’éducation et convertir.

Alexis de Tocqueville en était certain, la démocratie ne pouvait survivre à la perte de la foi chrétienne. Le gouvernement du peuple avait besoin de convictions en partage sur la vérité morale. Or, la foi chrétienne sortait les hommes d’eux-mêmes et leur enseignait que toute loi devrait s’enraciner dans un ordre moral révélé et garanti par Dieu.
Qu’une démocratie perde la religion, écrit-il, et elle tombera dans l’individualisme désordonné, le matérialisme et le despotisme démocratique, et finira par « préparer les citoyens à la servitude ». Ainsi, « il faut à tout prix maintenir le christianisme dans le sein des démocraties nouvelles. »

(…) le libéralisme issu des Lumières, d’où sont nés les deux grands partis américains, est fondé sur la conviction que les hommes sont naturellement « libres et indépendants », et que le but d’un gouvernement est de libérer les individus autonomes. Pour progresser dans cette voie, il faut nier les limites naturelles, ce que font aussi bien les partis qui promeuvent l’ouverture des marchés que, à gauche, les partis égalitaristes et étatistes.

(…) la civilisation n’est pas là pour permettre aux individus de faire ce qu’ils veulent (…) Une civilisation dans laquelle personne ne sentirait la moindre obligation vis-à-vis du passé, de l’avenir, de l’autre ou de ce qui ne se rapporte pas à l’auto-satisfaction serait bien fragile.

Le mathématicien et dissident tchèque Vaclav Benda : « Je crois personnellement que l’un des moyens les plus efficaces, les plus douloureux et les plus irréparables d’éliminer la race humaine ou les nations serait le retour à la barbarie, l’abandon de la raison et de l’apprentissage, la perte des traditions et de la mémoire. Le régime en place, par intention autant que par sa nature intrinsèquement nihiliste, a tout fait pour y parvenir. L’objectif des mouvements citoyens indépendants qui œuvrent à bâtir une polis parallèle doit en être le contraire. Les échecs ne doivent pas nous décourager. Nous devons considérer comme une priorité d’investir le champ de l’école et de l’éducation. »

(…) la politique inspirée par saint Benoît postule que le chaos de la société occidentale est issu d’un chaos dans l’âme occidentale. Elle postule en premier lieu de travailler à la restauration de l’ordre intérieur, en harmonie avec la volonté divine - un telos qu’elle partage avec les communautés monastiques. C’est le départ de tout le reste.
Cela signifie avant tout avoir l’amour pour ordre (…) Ni la peur ni la haine ne doivent nous guider, mais l’affection et la confiance dans la volonté de Dieu (…) 
En allant à la rencontre de plusieurs dissidents tchèques qui avaient survécu à l’ère communiste, Taylor a découvert qu’ils (…) s’étaient faits à l’idée que leur action était valable pour elle-même et non pour des résultats tangibles et mesurables.

Voici comment se lancer dans la politique antipolitique. Coupez-vous de la culture dominante. Eteignez votre télévision. Débarrassez-vous de vos smartphones. Lisez des livres. Jouez. Faites de la musique. Dîner avec vos voisins. Il ne suffit pas d’éviter ce qui est mauvais : il faut adopter ce qui est bon. Créez un groupe dans votre paroisse. Ouvrez une école chrétienne ou aidez-en une existante. Jardinez, plantez un potager, et participez aux marchés locaux. Enseignez la musique aux enfants et aidez-les à monter un groupe. Engagez-vous chez les pompiers volontaires.

Aucune élection ne stoppera les puissantes forces culturelles qui ont, au cours des siècles, coupé l’Occident de Dieu (…) Soyons donc une minorité créative. Proposons des solutions vivantes, chaleureuses et joyeuses à ce monde mourant, toujours plus froid et plus sombre. Nous aurons de moins en moins d’influence, mais accueillons cette réalité avec une sagesse de moine, et voyons-y une occasion que nous donne Dieu de nous purifier et de nous sanctifier.
La culture c’est le mode de vie qui découle d’un culte rendu en commun par un peuple. Notre culture est déterminée par ce que nous considérons comme sacré.

Ne craignons pas de considérer la beauté et la bonté comme nos meilleures armes pour évangéliser. « L’art et les saints sont la plus grande apologie de notre foi », a dit le cardinal Joseph Ratzinger avant de devenir le pape Benoît XVI.

Le rabbin orthodoxe Mark Gottlieb fait ainsi l’analyse suivante : « A mon sens, les chrétiens doivent absolument ressentir l’urgence qu’il y a à se concentrer sur leur famille. Ils doivent se consacrer pleinement à leur famille et à la faire prospérer et grandir. »

L’hospitalité est au cœur de la vie bénédictine…

Votre enfant reproduira, une fois adulte, la culture du groupe dans lequel il a évolué (…) Toutes les études le montrent : quelle que soit la vigueur de la culture d’origine à la maison, les enfants d’immigrés se conforment presque toujours aux valeurs de la culture d’accueil.

« Les chrétiens doivent comprendre que nous devons former une contre-culture, mais jamais fuir la société. Au contraire, nous devons être un signe de contradiction face à cette société, nous y engager, et faire fructifier notre communauté pour le bien de nos enfants. » (Chris Currie)

Pour que ces groupes œcuméniques fonctionnent, il ne faut surtout jamais faire comme si les différences doctrinales n’existaient pas. C’est ce qu’on appelle honorer la diversité : permettre à chacun de venir tel qu’il est, de dire tout ce qu’il pense, sans crainte de se le voir reprocher.

Sermarini est à la tête de la branche italienne de la Chesterton Society. Sa communauté, au départ, n’était guère qu’un petit groupe de jeunes hommes catholiques inspirés par la vie du bienheureux Pier Giorgio Frassati, promoteur de la doctrine sociale de l’Eglise, mort à l’âge de vingt-quatre ans en 1925 (…) les Tipi Loschi, les « types louches », comptent aujourd’hui quelque deux cents membres. Ils ont fondé une école, la Scuola libera G.K. Chesterton, et trois coopératives destinées à des œuvres caritatives.

Libresco au eu, pour la vie des chrétiens célibataires, des idées similaires à celles que les Tipi Loschi ont mises en place pour la vie de famille : ne pas trop réfléchir, faire des choses qui vous plaisent, ne pas y voir un fardeau, laisser la vie suivre son cours, savoir prendre des risques, accepter l’échec et se relever.

(…) les forces insidieuses que nous combattons se sont fixé le même but que les régimes totalitaires d’Europe de l’Est : nous priver de notre foi, de nos valeurs, de notre culture et de notre mémoire, et faire de nous et de nos enfants des pions entre des mains trop puissantes pour que nous puissions y résister. D’où l’importance de l’éducation, dans laquelle il faut s’investir sans tergiverser.

Devenir un homme, c’est grandir, par la contemplation et les œuvres, avec l’aide de la foi et de la raison, dans l’amour du bien, du vrai et du beau, qui tous trois reflètent le Dieu un et trine en Qui nous vivons, évoluons et existons.

Dans son livre Fellow Teachers publié en 1973, Rieff, lui-même professeur d’université, critiquait vertement les membres du système éducatif pour avoir accepté de se plier à l’exigence moderne de « pertinence ».  D’après lui, ils avaient lâchement abandonné leur autorité et la responsabilité qu’ils avaient de transmettre à la génération suivante l’héritage de leur civilisation. « Au bout de cette gigantesque transformation culturelle, il n’y a qu’une issue pour nous autres modernes : la barbarie, écrivait-il. Les barbares sont les hommes sans mémoire historique. »

Comment créer une génération d’ignorants sans but, dépourvus du moindre sens du devoir et tournés vers eux-mêmes ? En les privant de leur passé, tout simplement.
Au XXè siècle, tous les gouvernements totalitaires savaient qu’ils soumettraient les peuples en contrôlant leur accès à la mémoire culturelle. Dans l’Occident moderne, le vol n’a pas été orchestré par des dictateurs. La réalité ressemble plutôt au Meilleur des mondes : comme les personnages du roman d’Huxley voués au confort et à la sensualité, nous avons cessé de nous intéresser au passé, parce qu’il nous inhibe dans notre recherche du plaisir.

C’est quand même quelque chose de voir votre enfant de douze ans rentrer à la maison et dresser la liste de ses camarades bi, disait-elle (…) Elle a ensuite appelé une de ses amies, dont la fille était dans la même classe, et lui a demandé ce qui se passait. « Il faut sortir de ta grotte ! lui a répondu son amie en riant. Au moins un tiers des gamines se prétendent bi. »

« Une chose morte va avec le courant ; seule une chose vivante le remonte », disait Chesterton (L’Homme éternel)

(…) dans cette conception ancienne, chaque métier est perçu non seulement comme un don de Dieu, mais encore comme un bénéfice pour tous. Le travail de chacun participe de quelque chose de mystérieux qui le dépasse, et ce, aussi bien dans l’économie profane que dans l’économie divine.

A mesure que les défenseurs des droits LGBT progressent, une interprétation plus souple des lois anti-discrimnations écarte de plus en plus les chrétiens, attachés à la tradition, du marché du travail (…) La Human Rights Campaign Foundation, un groupe de pression LGBT très influent, publie chaque année une étude sur l’égalité au travail. Dans le rapport de 2016, plus de la moitié du top 20 des grandes entreprises américaines avait un score parfait. Obtenir une mauvaise note est désormais considéré comme un véritable problème.

Le phénomène de ce qu’on appelle aux Etats-Unis les « alliés » - ces hétérosexuels qui se déclarent publiquement en faveur de la cause - est une des façons pour les grandes compagnies de donner des gages aux défenseurs des droits homosexuels, et d’identifier du même coup les dissidents qui entravent la voie du progrès.

De plus, les entreprises américaines qui ne se conforment pas aux textes juridiques defendant les LGBT se verront refuser tout contrat avec l’Etat fédéral.

Au Canada, des associations de juristes veulent interdire aux étudiants de l’université chrétienne Trinity Western d’exercer, sous prétexte que leur institution ne défend pas assez les droits LGBT. Ailleurs, c’est un collectif appelé Campus Pride qui a dressé une liste noire contenant une centaine d’universités chrétiennes dont il appelle le milieu des affaires à ne pas embaucher les étudiants après leur diplôme.

(…) une saine prudence peut venir à bout de bien des obstacles. Le silence peut être un bouclier.
Les chrétiens ne doivent jamais renier leur foi, mais il ne faut pas non plus en tirer prétexte pour faire du rentre-dedans.

« Si un collègue ou un patient tient des propos qui vont à l’encontre de vos convictions, laissez dire, tant que cela n’implique pas de violer votre conscience (…) entretenez des relations amicales, soyez bienveillant, courtois. » (un médecin catholique)

(…) la doctrine paulinienne de pureté sexuelle a été reçue comme une libération dans la culture romaine de l’époque, caractérisée par la pornographie et l’exploitation sexuelle - en particulier par l’exploitation des esclaves et des femmes, dont la valeur principale aux yeux des hommes païens résidait dans leur fonction d’engendrement et d’instruments de plaisir sexuel. Le christianisme, tel qu’articulé par saint Paul, a opéré une révolution culturelle en limitant et canalisant l’eros masculin, en rehaussant la statut de la femme et du corps humain, et en replaçant l’amour au cœur du mariage et de la sexualité conjugale.

La totalité de ce débat (comme de beaucoup d’autres controverses entre le christianisme de tradition et la modernité) tourne autour de notre réponse à cette question : le monde naturel et ses limites sont-ils un donné, ou bien sommes-nous libres d’en faire tout ce que nous voulons ?

En 1996, l’institut de sondage Gallup réalisa sa première enquête demandant aux Américains ce qu’ils pensaient du mariage homosexuel. Une majorité écrasante de 68% s’y déclarait opposée. En 2015, juste avant la décision Obergefell de la Cour suprême américaine proclamant l’existence d’un droit constitutionnel au mariage homosexuel, un sondage Gallup révélait que 60% des Américains soutenaient à présent celui-ci.

(…) la technologie est constitutive d’une idéologie qui conditionne notre rapport à la réalité.

Certaines personnes soutiennent que la technologie n’est que l’application de la science  et que sa portée morale dépend de l’usage qu’on en fait. Ce point de vue est naïf. « Avant d’être un instrument, la technologie est d’abord une façon de voir le monde, qui porte en elle-même une conception particulière de l’être, de la nature et de la vérité », déclarait le philosophe des sciences Michael Hanby en 2015…

(…) ce qui a donné naissance à la technologie comme vision globale du monde a été (…) l’idée selon laquelle la nature n’a pas de signification en elle-même. Qu’elle n’est que de la matière (…) Regarder le monde selon un point de vue technologique revient à le considérer comme un matériau modifiable à volonté, dans les seules limites de l’imagination. Au contraire, pour la tradition chrétienne, la liberté véritable de l’homme, telle que sa nature l’y prédispose, réside dans une soumission pleine d’amour à Son Créateur. Tout ce qui ne vient pas de Dieu est un esclavage.

Pour l’Homme technologique, le choix importe plus que ce qui est choisi.

(…) l’opposition entre la technè, l’artisanat, et l’épistémè, la connaissance acquise par la contemplation. Plus précisément, la technè désigne la connaissance de ce qui nous aide à faire les choses, tandis que l’épistémè fait référence à la connaissance de ce que sont les choses…

Seules les choses auxquelles je consacre mon attention façonnent mon esprit.

La clé pour vivre en hommes et en femmes libres dans la modernité post-chrétienne est de cultiver une vie contemplative authentique en faisant preuve de contrôle cognitif. L’homme dont la raison contrôle ses désirs est libre. L’homme qui fait tout ce qui lui passe par la tête est un esclave.

La première étape pour retrouver un contrôle cognitif sur soi-même consiste à sa créer un espace de silence dans lequel on peut penser.

La technologie devient une sorte de théologie, une théologie protéiforme dont le dieu est le Moi toujours changeant, qui ne désire qu’une chose : se libérer de toute limite et de toute obligation non choisie.

Le pari bénédictin consiste à entreprendre un long et patient travail pour arracher notre monde aux artifices, à l’aliénation et à la dissolution de la modernité. C’est le regarder et l’habiter de manière à ébranler le mensonge moderne, selon lequel les hommes ne sont que des fantômes dans une grande machine dont ils peuvent ajuster les paramètres selon leur fantaisie.
« Il n’est pas bien difficile de deviner que le monde se divisera bientôt entre ceux qui veulent vivre en créatures et ceux qui veulent vivre en machines », écrit Wendell Berry.

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