Je crois, je veux croire au sens
du moindre cri de douleur, fût-ce celui d’un animal. Je crois, je veux croire
au mystère d’un rachat par les uns de la douleur de tous les autres.
L’hédonisme contemporain,
entretenu par un mercantilisme sans foi ni loi, s’offusque à l’idée même que
les appétences de la libido puissent être contrariées. C’est la cause profonde
de l’aversion que l’Eglise inspire aux « modernes ».
Aucune messe ne ressemble à une
autre, aucune ne nous touche sur le même registre émotionnel. Aucune ne nous
largue sur le parvis de l’église dans l’état où nous étions en trempant les
doigts dans le bénitier. Le changement est souvent infime, autant que fugace.
Les Béatitudes (…) Rien de plus
foncièrement anarchiste na été énoncé en ce bas monde, et d’ailleurs, Gibbon a
reproché au christianisme d’avoir accéléré la chute de l’Empire roman en
désacralisant César.
Le plus pauvre, le plus meurtri
des pays caraïbains est de loin le plus créatif, il a ensoleillé la littérature
francophone (…) comme si l’espérance suintait de l’âme collective, à proportion
de ses douleurs. Espérance chrétienne, plus forte que les terreurs entretenues
par le vaudou (…) L’accession au pouvoir d’Aristide prouve surabondamment les
risques d’un « engagement » politique où l’Eglise a partie liée,
puisque enfin, il fut prêtre catholique, et prêtre aimé des pauvres au
surcroît.
Il y a sept degrés dans l’accès
au divin selon saint Augustin (six selon Richard de Saint-Victor et Maître
Eckhart), sept pièces dans le château de Thérèse d’Avila, sept étapes entre
l’abandon et la contemplation.
La cacophonie des
subjectivités règne présentement
sur le champ miné des cultures. Chacun s’arroge le droit d’exprimer à sa guise
les ferveurs de son moi, et elles se valent touts puisqu’il est admis que tout
se vaut jusqu’au départage du marché. Y compris aux étals de la religiosité où
l’on butine u peu de « new age », un peu de psy, un peu de bio pour
se sentir mieux dans son monde, mieux dans sa peau. Patience ! Un temps
viendra où les mortels, déboussolés par la mondialisation, redécouvriront la
nécessité d’ordonner le chaos de leurs âmes.
Mes pleins et mes déliés
n’engagent que moi, ils ne méritent pas un label, je suis juste un catholique
de base qui écrit des livre comme ils lui viennent.
Le destin d’un être s’oriente à
l’âge bête, et juste après, par la grâce ou la malédiction d’une rencontre. La
grâce dans mon cas : Mauriac m’a restitué le meilleur de mon enfance – ou
plutôt, il m’a soustrait à la tentation d’en renier le meilleur, ce sens de la
pureté qui est peut-être inné, mais qui est périssable, et que des prêtres nous
avaient sciemment inculqué.
Mais quand la conscience de
Thomas More lui dicte de refuser à Henri VIII l’assentiment qu’il désire dans
l’affaire de l’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon, les thèses de
Luther se propagent, la chrétienté va imploser (…) Thomas More est un humaniste
(…) comme son ami Erasme qui lui dédiera son Eloge de la folie (…) Il est alors chancelier du royaume (…) jovial
et plein d’humour, aussi pieux qu’érudit et friand de plaisirs charnels, bon
époux, bon père de famille, bon juriste, politique avisé (…)
Utopie (…) dans lequel on trouve, plus ou moins dissimulés, à peu
près tous les thèmes des réformateurs politiques (…) Henri VIII veut que le
pape prononce la dissolution de son mariage : Catherine d’Aragon n’a su
lui donner qu’une fille (la future Marie Tudor) et le roi s’est amouraché
d’Anne Boleyn. Le pape renâcle. Envoie des juristes. Henri VIII hausse le ton
et prémédite l’annexion pure et simple de l’Eglise d’Angleterre, dont il sera
l’unique « protecteur ». En conséquence, Thomas More ne peut
souscrire à un schisme attentatoire à l’unité du peuple chrétien (…)
emprisonnement pendant 14 mois en la Tour de Londres (…) décapitation. Henri
VII épousera Anne Boleyn (puis la fera assassiner)…
(…) Thomas More a été béatifié en
1886 (…) Pie XI l’a canonisé en 1835, et l’an 2000 Jean-Paul II l’a proclamé
« patron des gouvernants et des hommes politiques ».
L’Occident sans « son »
Eglise, c’est fatalement l’esquif sans gouvernail d’un marin d’eau douce
sans boussole, largué dans l’immensité
océane. En dévoyant ses lieux de culte en sites touristiques, c’est sa raison d’être
que la Vieille Europe met au rancart (…)
L’Européen que l’on concocte est
un mélange de scientisme et de scepticisme, voué au dégoût de ses racines. Un
produit hors-sol, une concrétion moralement amorphe dont la sympathie verbeuse
pour les « droits de l’homme » n’est plus reliée à ce qui seul la
fonde : le christianisme.
L’Occident m’a transmis gratis la
foi de nos Pères, la religiosité qui l’a entretenue, le trésor d’une culture.
Par la grâce de l’Eglise, il a enluminé ma sensibilité et l’a mise sur orbite
pour le voyage le plus exotique, celui de l’intériorité. Sans compter ceux auxquels
il convie ans sa mémoire écrite, peinte, bâtie, sculptée.
J’aime toutes les formes de
religiosité que l’Eglise dans sa diversité offre à nos fringales de Dieu, les
secrètes, les discrètes, les extravagantes même. Toutes m’aident à sortir de
mes gonds ordinaires, et c’est bien d’une évasion qu’il s’agit, une fugue d’écolier
buissonnier qui a vu un rayon de soleil lécher son pupitre. Nul n’ignore que la
religiosité est un moyen, pas une fin.
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