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mardi 3 décembre 2013

"Dictionnaire amoureux du catholicisme", de Denis Tillinac (2011)

Je crois, je veux croire au sens du moindre cri de douleur, fût-ce celui d’un animal. Je crois, je veux croire au mystère d’un rachat par les uns de la douleur de tous les autres.

L’hédonisme contemporain, entretenu par un mercantilisme sans foi ni loi, s’offusque à l’idée même que les appétences de la libido puissent être contrariées. C’est la cause profonde de l’aversion que l’Eglise inspire aux « modernes ».

Aucune messe ne ressemble à une autre, aucune ne nous touche sur le même registre émotionnel. Aucune ne nous largue sur le parvis de l’église dans l’état où nous étions en trempant les doigts dans le bénitier. Le changement est souvent infime, autant que fugace.

Les Béatitudes (…) Rien de plus foncièrement anarchiste na été énoncé en ce bas monde, et d’ailleurs, Gibbon a reproché au christianisme d’avoir accéléré la chute de l’Empire roman en désacralisant César.

Le plus pauvre, le plus meurtri des pays caraïbains est de loin le plus créatif, il a ensoleillé la littérature francophone (…) comme si l’espérance suintait de l’âme collective, à proportion de ses douleurs. Espérance chrétienne, plus forte que les terreurs entretenues par le vaudou (…) L’accession au pouvoir d’Aristide prouve surabondamment les risques d’un « engagement » politique où l’Eglise a partie liée, puisque enfin, il fut prêtre catholique, et prêtre aimé des pauvres au surcroît.

Il y a sept degrés dans l’accès au divin selon saint Augustin (six selon Richard de Saint-Victor et Maître Eckhart), sept pièces dans le château de Thérèse d’Avila, sept étapes entre l’abandon et la contemplation.

La cacophonie des subjectivités  règne présentement sur le champ miné des cultures. Chacun s’arroge le droit d’exprimer à sa guise les ferveurs de son moi, et elles se valent touts puisqu’il est admis que tout se vaut jusqu’au départage du marché. Y compris aux étals de la religiosité où l’on butine u peu de « new age », un peu de psy, un peu de bio pour se sentir mieux dans son monde, mieux dans sa peau. Patience ! Un temps viendra où les mortels, déboussolés par la mondialisation, redécouvriront la nécessité d’ordonner le chaos de leurs âmes.

Mes pleins et mes déliés n’engagent que moi, ils ne méritent pas un label, je suis juste un catholique de base qui écrit des livre comme ils lui viennent.

Le destin d’un être s’oriente à l’âge bête, et juste après, par la grâce ou la malédiction d’une rencontre. La grâce dans mon cas : Mauriac m’a restitué le meilleur de mon enfance – ou plutôt, il m’a soustrait à la tentation d’en renier le meilleur, ce sens de la pureté qui est peut-être inné, mais qui est périssable, et que des prêtres nous avaient sciemment inculqué.

Mais quand la conscience de Thomas More lui dicte de refuser à Henri VIII l’assentiment qu’il désire dans l’affaire de l’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon, les thèses de Luther se propagent, la chrétienté va imploser (…) Thomas More est un humaniste (…) comme son ami Erasme qui lui dédiera son Eloge de la folie (…) Il est alors chancelier du royaume (…) jovial et plein d’humour, aussi pieux qu’érudit et friand de plaisirs charnels, bon époux, bon père de famille, bon juriste, politique avisé (…)
Utopie (…) dans lequel on trouve, plus ou moins dissimulés, à peu près tous les thèmes des réformateurs politiques (…) Henri VIII veut que le pape prononce la dissolution de son mariage : Catherine d’Aragon n’a su lui donner qu’une fille (la future Marie Tudor) et le roi s’est amouraché d’Anne Boleyn. Le pape renâcle. Envoie des juristes. Henri VIII hausse le ton et prémédite l’annexion pure et simple de l’Eglise d’Angleterre, dont il sera l’unique  « protecteur ». En conséquence, Thomas More ne peut souscrire à un schisme attentatoire à l’unité du peuple chrétien (…) emprisonnement pendant 14 mois en la Tour de Londres (…) décapitation. Henri VII épousera Anne Boleyn (puis la fera assassiner)…
(…) Thomas More a été béatifié en 1886 (…) Pie XI l’a canonisé en 1835, et l’an 2000 Jean-Paul II l’a proclamé « patron des gouvernants et des hommes politiques ».

L’Occident sans « son » Eglise, c’est fatalement l’esquif sans gouvernail d’un marin d’eau douce sans  boussole, largué dans l’immensité océane. En dévoyant ses lieux de culte en sites touristiques, c’est sa raison d’être que la Vieille Europe met au rancart (…)
L’Européen que l’on concocte est un mélange de scientisme et de scepticisme, voué au dégoût de ses racines. Un produit hors-sol, une concrétion moralement amorphe dont la sympathie verbeuse pour les « droits de l’homme » n’est plus reliée à ce qui seul la fonde : le christianisme.

L’Occident m’a transmis gratis la foi de nos Pères, la religiosité qui l’a entretenue, le trésor d’une culture. Par la grâce de l’Eglise, il a enluminé ma sensibilité et l’a mise sur orbite pour le voyage le plus exotique, celui de l’intériorité. Sans compter ceux auxquels il convie ans sa mémoire écrite, peinte, bâtie, sculptée.


J’aime toutes les formes de religiosité que l’Eglise dans sa diversité offre à nos fringales de Dieu, les secrètes, les discrètes, les extravagantes même. Toutes m’aident à sortir de mes gonds ordinaires, et c’est bien d’une évasion qu’il s’agit, une fugue d’écolier buissonnier qui a vu un rayon de soleil lécher son pupitre. Nul n’ignore que la religiosité est un moyen, pas une fin.

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