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mardi 8 octobre 2013

« Les émotions des animaux » de Marc Bekoff (2007)

Une étude désormais classique a montré comment un macaque rhésus affamé refusait de se nourrir si cela exposait un autre singe à un choc électrique. Plus récemment, une étude scientifique a révélé que les souris éprouvent de l’empathie.

Beaucoup d’animaux font preuve d’humour. Des chimpanzés, des dauphins et des éléphants, entre autres, ont passé avec succès des tests démontrant qu’ils ont conscience d’eux-mêmes.

(…) en Éthiopie, trois lions sont venus au secours d’une fillette de douze ans kidnappée par un gang. Voici ce qu’en a dit le sergent Wondimu Wedajo : « Ils ont monté la garde jusqu’à ce que nous la retrouvions : puis ils nous l’ont simplement laissée, comme s’ils nous faisaient un don avant de retourner dans la forêt ».

En Nouvelle-Zélande, un banc de dauphins a protégé un groupe de nageurs en leur tournant autour pour parer les attaques d’un grand requin blanc. « Ils ont commencé par nous rassembler. Ils nous ont regroupés tous les quatre en nous encerclant étroitement », relate Rob Howes, l’un des baigneurs.

Au zoo Mutsugoro Okoku de Tokyo, une couleuvre nommée Aochan s’est liée d’amitié avec un hamster nain qu’elle était censée dévorer.

Une étude menée auprès de 394 étudiants américains a révélé que ceux qui montraient le plus d’assurance avaient partagé leur enfance avec un chien ou un chat.

(…) qu’il s’agisse de loups, de chiens ou de chats, les gens qui les observent arrivent à reconnaître leurs émotions avec autant de succès, ou presque, que les chercheurs expérimentés. Cela signifie deux choses : soit les émotions animales sont plus visibles qu’on le croit, soit les humains ont une aptitude naturelle à discerner les émotions des autres espèces. Je suis prêt à parier que c’est les deux à la fois.

« C’est un mâle de trente ans, ardent, au sommet de sa forme. Un mucus suinte de ses joues et une urine verte lui coule sur les pattes. Il dégage une odeur qu’on peut sentir à cinq cent mètres et son pénis a des reflets verdâtres. Il bat des oreilles et produit un grondement sourd. Il a l’air sûr de lui : après tout, beaucoup de femmes le trouvent irrésistible (…) C’est un éléphant en musth ; en rut, en quelque sorte. Les mâles sexuellement matures sont en musth un ou deux mois par an. Ils ne le cachent pas précisément : ils sécrètent un mélange de substances chimiques par une glande bulbeuse située sur leurs joues, pouvant atteindre la taille d’un ballon de basket ; ils évacuent plus de trois cent litres d’urine par jour et ils empestent comme un troupeau de boucs (…) pendant cette manifestation spectaculaire de leur sexualité, les mâles semblent être l’objet d’un changement de personnalité ; le terme « musth » vient en effet d’un mot persan signifiant « ivre ». Ils deviennent très agressifs, obsédés par le sexe, en raison probablement de leur taux de testostérone très élevé (il peut être multiplié par soixante). » (« New Scientist » 2006)

En décembre 2005, une baleine à bosse, une femelle de quinze mètres et cinquante tonnes, s’est emmêlée dans des lignes à crabes. En raison du poids des lignes, l’animal avait du mal à garder son évent à la surface. Une équipe de plongeurs courageux l’a délivrée. Puis, une fois sa liberté retrouvée, elle est venue battre des nageoires auprès de ses sauveurs et se frotter contre chacun d‘eux (…) « La baleine », dit James Moskito, l’un des sauveteurs, « s’est arrêtée à trente centimètres de moi, environ ; elle me ballotait doucement : elle s’amusait. » Durant le sauvetage, « lorsque j’ai coupé la ligne qu’elle avait dans la bouche, elle me faisait des clins d’œil, elle me regardait (…) Ce fut un grand moment dans ma vie. »

Un chercheur rapporte ce spectacle : après qu’une femme chimpanzé eut accouchée, son meilleur ami s’est mis à crier et à embrasser deux de ses congénères. Cet ami, ensuite, a pris soin de la mère et de son enfant pendant plusieurs semaines.

Jane Goodall a remarqué que des femmes chimpanzés riaient en se masturbant avec des brindilles.

Les rates que l’on chatouille s’attachent aux chercheurs et en redemandent (…) Les rats ne rient que lorsqu’ils sont contents.

On sait que les gorilles veillent leurs amis défunts (…) Donna Fernandez, la directrice du zoo de Buffalo, décrit comme son compagnon de longue date lui a fait ses adieux : « Il hurla et se frappa la poitrine (…) Il prit un morceau de la nourriture favorite de Babs -du céleri- et le déposa dans sa main en essayant de la réveiller… » Les membres de sa familles « sont entrés en file, un par un », dans la pièce « où reposait le corps de Babs » ; ils s’approchaient de leur « chef bien aimée » et « reniflaient doucement son corps ».

Plus de 90% des oiseaux sont monogames et beaucoup d’entre eux s’unissent pour la vie. Les mammifères monogames sont moins nombreux, et les primates non humains semblent comparativement peu sensibles lorsqu’il s’agit de s’engager.

En Arabie Saoudite, un homme a percuté un babouin avec sa voiture. Ses congénères sont alors restés trois jours sur le bord de la route à attendre que le même conducteur revienne. Lorsqu’il passa devant le groupe, l’un des babouins aboya et tous les autres se sont mis à lancer des pierres sur la voiture et démolirent le pare-brise.

Les éléphants (…) ont un énorme hippocampe, cette structure cérébrale située dans le système limbique, essentielle au développement des émotions.

(…) les animaux, lorsqu’ils jouent, ont souvent recours à des gestes qu’ils exécutent dans d’autres contextes (la prédation, la défense et la copulation). Dans la mesure où divers types de comportement risquent d’être faussement interprétés comme des actes agressifs ou reproductifs, les individus se servent du play bow pour se transmettre des messages comme : « Je veux jouer », « Ce que je vais te faire, c’est pour rire » et « Ce que je viens de te faire, c’était pour rire. »

Le jeu aiguise aussi les aptitudes cognitives, le raisonnement logique et la souplesse comportementale (être capable de faire les bons choix dans des environnements changeants et imprévisibles). Mais les bienfaits du jeu sont surtout sociaux ; il facilite les rapports entre le groupe et l’individu (…) Le jeu collectif, cet espace où la transgression est peu pénalisée, n’offre-t-il pas l’atmosphère la plus propice à l’apprentissage de la loyauté et de la coopération ?

(…) nous avons collecté des données intéressantes sur les coyotes (captifs ou sauvages) indiquant une relation entre le jeu et la puissance de reproduction.

(…) chez les prosimiens diurnes (comme les lémurs) (…) 93% des interactions sociales sont orientées vers la fraternisation ; 86 % chez les singes du Nouveau Monde et 85% pour ceux de l’Ancien Monde (…) les animaux coopèrent et la raison en est bien connue : la cohésion du groupe augmente les chances de survie de chaque individu.

La neurothéologie étudie les fondements neuraux de la méditation et des expériences spirituelles. Le Dalaï-Lama s’intéresse beaucoup à ce champ d’investigation. Il fut lui-même un sujet d’étude et il encourage vivement la recherche scientifique. Les données dont on dispose sont encore rares, mais elles laissent à penser que la méditation est associée à des états neuraux particuliers : un taux accru de l’activité neurale dans la région temporale intérieure gauche du cerveau.

Le célèbre chercheur Robert Wyman a rappelé en ces termes les bases de la méthodologie scientifique : « Quelque chose nous intrigue et on patauge. Au départ, c’est ça la science, on patauge. »

J’ai remarqué au fil des ans un phénomène curieux. Si un scientifique dit qu’un animal est content, c’est un avis que personne ne récuse. Mais s’il dit qu’un animal est malheureux, on l’accuse immédiatement anthropomorphisme.

(…) l’aptitude de se mettre à la place de l’autre repose sur une base neurobiologique (…) « Les neurones miroirs nous permettent de saisir la pensée des autres, non par le biais d’un raisonnement conceptuel, mais par une simulation directe : par l’affectivité et non par la pensée. » (Dr Rizzolatti)

(…) une certaine forme d’intelligence sociale (la faculté de comprendre les états mentaux des autres) repose sur une base neurale.

En tout, les laboratoires américains, en 2001, ont mené des recherches sur 690 800 cochons d’Inde, lapins et hamsters, 161 700 animaux de ferme, 70 000 chiens, 49 400 primates, 22 800 chats, et 80 millions de souris et de rats.

« Nous amendons la réglementation de l’Animal Welfare Act (AWA) pour tenir compte d’une modification de la définition du terme « animal » tel qu’il apparaît dans l’Act. Le Farm Security and Rural Investment Act de 2002 a modifié la définition de ce terme pour en exclure les oiseaux, les rats du genre Rattus et les souris du genre Mus, élevés pour servir à la recherche. » (extrait du registre fédéral de l’année 2004) (…) Puisque les chercheurs ne sont pas « autorisés » à maltraiter les animaux, on redéfinit simplement ce qu’est un « animal » jusqu’à ce que le terme ne désigne plus que des créatures moins souvent utilisées.

En 1998, les Etats-Unis à eux seuls ont tué plus de 26,6 milliards d’animaux pour les consommer ; cela en fait environ 73 424 657 par jour, 3 059 361 par heure, 50 989 par minute et 850 par seconde.

« Une vache laitière, par ses rots et ses pets, produit à elle seule 114 kilos de méthane par an. Comme gaz à effet de serre, le méthane est beaucoup plus meurtrier que le dioxyde de carbone. Il est 23 fois plus puissant, même s’il ne reste pas aussi longtemps dans l’atmosphère. » (James Bartholomew)

Les éléphants vivent dans des groupes matriarcaux où les rapports sociaux sont durables et profonds. Leu mémoire est proverbiale. Ils créent des relations de toute une vie et souffrent lorsque la séparation ou la mort viennent rompre les liens qu’ils ont tissés.


… le mot solastalgia, forgé par le professeur anglais Glenn Albrecht, dénote « le désarroi dû à la transformation du milieu de vie et du sentiment d’appartenance, et la désolation provoquée par ces changements. »

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