Je n’envie pas, cependant, ceux
qui n’ont pas connu la faim, parce qu’ils ne connaîtront jamais la joie d’une
miette de pain.
Je ne peux oublier nombre de mes
compagnes qui s’entraidaient, la nuit, à se pendre dans la toilettes, au fond
de la baraque, avec pour corde des lambeaux de leurs vêtements.
J’entends encore la voix chaude
d’une camarade qui était là depuis cinq ans et nous disait : « Ayez
confiance dans la vie. Chassons le désespoir. Cultivons l’amitié entre nous.
Rassemblons nos forces. Ne perdons pas courage : les faibles ne vivent pas
ici. Il nous faut survivre. Il nous faut des témoins. »
Ma vie s’est arrêtée à seize ans,
en pleine crise avec mes parents. A Auschwitz, j’ai quitté ma mère et ma sœur,
sans un regard, sans un geste, et lorsque je me suis interrogée sur leur
absence, une kapo polonaise d’un ton indifférent m’a dit : « Regardez
la cheminée en flammes, ils sont déjà tous dedans ». Ma vie s’est arrêtée,
une seconde fois.
J’étais pétrifiée par l’horreur
de cette vision, par le remords de n’avoir pu dire au revoir aux miens, leur
demander pardon.
J’ai senti qu’en moi, il y avait
un espace où les bourreaux n’avaient aucun accès.
J’ai demandé à l’arbre :
« Parle-moi de Dieu » et il a fleuri. » J’ai fait mienne cette
parole de Rabîndranâth Tagore.
Mes traversées m’ont fait
comprendre que rien ne m’est dû.
Que tout est don.
Nous ne sommes jamais guéris.
Nous sommes en chemin vers la guérison.
Les nuages noirs cachent souvent
le soleil, mais nous savons qu’il est là et n’attend que de se lever dans nos
cœurs.
Je l’avais ouvert à une page au
hasard et j’avais été touchée et émerveillée par la lecture de Matthieu
25 : « J’avais faim et tu m’as donné à manger. J’avais soif et tu
m’as donné à boire. J’étais nu et m’as vêtu. » Je me suis dit en
moi-même : « Voilà quelqu’un que j’aimerais connaître. » Et Il
n’a jamais cessé de m’accompagner depuis.
Lorsque c’est Toi qui m’inspires,
les mots attendent en silence pour être inscrits dans un moment de grâce.
L’amour est gratuit, léger comme
un souffle. Il transfigure le quotidien en un royaume où il fait bon vivre.
L’amour m’a appris à vivre chaque
instant comme s’il était le dernier. Je me laisse recevoir par l’instant
présent. Chaque présence m’offre un moment unique. Sa beauté m’apaise ; de
là, j’entends ce que Tu ne dis pas. La joie de vivre, c’est le ciel sur la
terre.
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