A l’époque de Jésus, le symbole
de l’étoile était lié, dans la tradition juive, à la naissance d’Abraham. Le
jour de la naissance du patriarche, selon un midrash (méditation exégèse
nourrie par l’enseignement rabbinique) du temps, les astrologues annoncèrent
qu’ils avaient vu une étoile monter dans le ciel (…) Jésus que Mathieu désigne,
dans le premier verset de son Évangile, comme étant le « fils
d’Abraham ».
« La fortune des nations (c’est-à-dire des Gentils, des
non-Juifs) viendra jusqu’à toi (…) ils
apporteront de l’or et de l’encens, et se feront les messagers des louanges du
Seigneur » (Isaïe, 60, 5-6)
« L’épouse d’Amram (…) Dieu lui apparut dans son sommeil,
l’exhortant à ne pas désespérer de l’avenir (…) Cet enfant (dit Dieu) échappera
à ceux qui projettent de le supprimer (…) et il délivrera le peuple hébreu de
sa servitude en Egypte (…) » L’un des scribes sacrés (personnages
doués de grandes aptitudes à prédire l’avenir avec précision) annonça au roi qu’un
enfant allait naître chez les Israélites, qui humilierait la puissance des Egyptiens
et qui élèverait les Israélites (…) Aussi, alarmé, le roi ordonna que soient
tués tous les enfants mâles qui naîtraient chez les Israélites.
Matthieu ancre dès l’abord les
réflexions sur le sens de sa vie (…) dans un contexte culturel typiquement
juif (…) Jésus est présenté comme
le véritable Israël et le nouveau Moïse.
Quant à la fuite précipitée de la
famille en Egypte et à leur séjour qui y dura, semble-t-il, deux années – dont
on ne trouve nulle autre part mention dans le Nouveau Testament -, sans doute
expriment-ils aussi la pensée religieuse de Matthieu, car ils sont
incompatibles avec le récite que fait Luc d’un retour paisible et sans histoire
de Bethléem à Nazareth. Plus révélateur encore, on ne trouve aucune allusion au
massacre des bébés juifs (cet acte horrible que Matthieu attribue à Hérode, à
l’époque de la naissance du Christ, et qui aurait dû faire grand bruit) dans
les écrits de Flavius Josèphe, qui se complaît pourtant à décrire les moindres
méfaits du roi.
Les simples langes dont il est
emmailloté ne trahissent pas la misère, ils (…) nous renvoient directement à
Salomon, le plus riche des rois d’Israël : « J’étais soigneusement
emmailloté dans des langes, car il n’y a aucun autre moyen pour un roi de
commencer sa vie ».
Qinsi, Jésus, né dans la ville
royale de David, n’est-il pas trouvé dans une auberge comme un étranger de
passage, mais dans une mangeoire – comme la véritable subsistance de son peuple ;
et il y est emmailloté dans les atours d’un véritable roi.
Ces bergers (…) symbolisaient la
filouterie et l’absence de scrupule, ayant pour habitude d’emmener leurs
moutons sur les terres des autres, de voler leurs voisins et de revenir le soir
avec plus d’animaux qu’ils n’en avaient le matin.
(…) le patriarche Joseph avait
été (selon le Livre de la Genèse) « l’homme des rêves », qui s’était
rendu en Egypte, où il avait sauvé son peuple de la famine. Est-ce un hasard si
Joseph, le père de Jésus, est la principale figure du Nouveau Testament à
recevoir des révélations en rêve – et s’il est le seul à se rendre en
Egypte ?
Chez Luc, la situation est très
comparable. Les parents de l’Ancien Testament, Abraham et Sarah, se retrouvent
indirectement dans les figures de Zacharie et d’Elisabeth, parents de
Jean-Baptiste (…) Ainsi, de même qu’Anne amena son fils Samuel pour le
présenter au Seigneur et qu’il fut accueilli par le vieil Eli, de même Marie
amène l’enfant Jésus au Temple, où il est accueilli par le vieux Syméon.
Jesus suscite l’antipathie et
même, par sa personne et son message, la franche hostilité de ceux qui
convoitent le pouvoir ici-bas. Il se mêle aux bergers, aux débauchés, aux
voyous – s’identifiant ainsi dès le départ aux proscrits, aux pauvres, aux
humbles.
Dieu crée, Il revendique ce qu’Il
a créé, Il aime ce qu’Il a créé et le sauve pour toujours. C’est
l’Evangile : la Bonne Nouvelle.
Un « mystère », il faut
le préciser, n’est pas quelque chose d’infiniment inconnaissable ni d’à jamais
incompréhensible, c’est au contraire quelque chose à saisir toujours plus
avant, à connaître toujours plus profondément.
La Bible elle-même, guide
indispensable de notre foi, la Bible ne représente que des tentatives faites
par des êtres humains pour exprimer ce qui est totalement inexprimable :
l’identité, la nature, la signification de
Dieu pour le monde.
Un profond silence intérieur est
la condition de l’écoute, de l’attention véritable, ile st la condition même de
la prière ; il ne signifie pas se couper de toute perception, mais
s’ouvrir à la Présence enveloppante qui rend le souffle et la vie possibles.
La vie créative de l’artiste,
comme la vie intérieure de chacun d’entre nous, a besoin d’intuition et de
réflexion silencieuses pour mettre les choses en images ou en mots, en notes ou
en vers.
Pour ce qui concerne Jésus, la
date la plus probable de sa naissance se situe quelque part en 7 ou 6 avant
J-C.
(…) une très jeune femme de 12 ou
13 ans conçut un fils (…) Le mot « fiancée » peut d reste nous induire
en erreur, car pour les Juifs de l’époque il signifiait « mariée ».
La cérémonie des fiançailles, arrangée par les parents du couple, avait
généralement lieu lorsqu’une fille avait 12 ans…
(…) en introduisant très tôt
Jean-Baptiste dans la sphère de Jésus, dès avant leur naissance, l’auteur veut
corriger la rivalité qui opposait les disciples des deux hommes à la fin du Ier
Siècle. Une fois encore, le texte use d’une métaphore destinée à frapper les
esprits, car les relations entre Jean et Jésus n’étaient pas celles d’une
parenté réelle, mais celles d’une fraternité spirituelle. (Nulle part ailleurs
le Nouveau Testament ne laisse supposer un quelconque lien entre les
familles ; en fait, lorsque Jean-Baptiste rencontre Jésus à l’âge adulte,
il affirme : « Je ne le
connaissais pas. »).
Hormis donc la conception
virginale, la matière des chapitres 1 et 2 de Matthieu, centrée sur Joseph, est
en tout point différente de celle des chapitres 1 et 2 de Luc, centrée sur
Marie (…) La conception miraculeuse et virginale de Jésus, le tumulte et le
remue-ménage causés par sa naissance ne sont jamais mentionnés dans les récits
de sa vie publique (…) Le silence que garde la Bible à ce sujet, si l’on
excepte la brève mention qu’en font Luc et Matthieu, laisse supposer soit que
ces « faits » n’étaient pas connus ou pas admis par l’Eglise du Ier
siècle, soit qu’ils n’étaient pas considérés comme essentiels pour la
profession de foi dans le Christ.
Quand le jeune garçon leur répond
qu’il est normal pour lui de se trouver dans la maison de son Père, ses parents
« ne comprirent pas ce qu’il leur disait ». Plus tard, on nous dit
que Marie et les frères de Jésus viennent « pour s’emparer de lui, car ils
disaient : « Il a perdu la tête. » et que « ses frères
eux-mêmes ne croyaient pas en lui. » Pourquoi ne croyaient-ils pas en lui,
si véritablement les circonstances de son entre dans le monde avaient été si
remarquables ? La famille de Jésus serait-elle, dans ce cas, restée dans
l’ignorance ?
Non qu’il faille voir en Joseph
un vieil homme au seuil de la mort, comme l’art religieux a pris l’habitude de
le peindre, sans doute afin de laisser entendre qu’il était pour Marie lus un
père qu’un époux. Cette image d’un vieil homme marié à une jeune femme
insinuait de tout évidence, une union sans relations sexuelles.
« D’après la foi de l’Eglise, sa qualité de Fils de Dieu ne tient
pas au fait que Jésus n’ait pas de père humain : la doctrine de la
divinité de Jésus n’en serait pas affectée s’il avait été le produit d’un
mariage humain normal. Car la qualité de Fils dont parle la foi n’est pas
unfait biologique, mais ontologique ; c’est un événement qui prend place
non dans le temps, mais dans l’éternité de Dieu. » (Cardinal Josef
Ratzinger)
Seul l’homme moderne, trop
rationnel, pense (sottement) que ces récits ne sont pas vrais.
Les chapitres liminaires de Luc
et de Matthieu offrent dans des formes littéraires fort différentes de celles
des chapitres suivants, deux types de résumés de la signification et de
l’importance de la personne de Jésus, à destination de communautés imprégnées
d’histoire et de cultures juives – de même que les onze premiers chapitres de
la Genèse offrent une ouverture, un lever de rideau, qui se comprend et
s’apprécie à la lumière de la suite du texte.
(…) même la Commission biblique
pontificale de l’Eglise catholique romaine (…) enseigne depuis plusieurs
décennies que les Evangiles doivent être étudiés, avec soin dans le respect des
formes littéraires et des normes en vigueur à l’époque où ils ont vu le jour.
(…) la fort ancienne coutume
consistant à baptiser de très jeunes enfants est éloquente : c’est d’abord
Dieu qui agit, avant même de nous ayons l’intelligence nécessaire pour Lui
répondre.
Tout ce que nous exprimons de
l’expérience humaine est, d’une façon ou d’une autre, une métaphore
(littéralement, un transfert, une façon de transporter au moyen de
signes) : écrits et paroles, comme la peinture et la musique, remplacent
une autre réalité.
Quand Jeanne d’Arc se tenait
devant les évêques, ils lui demandaient : « Ne croyez-vous pas que ce que vous appelez vos voix venant de
Dieu ne sont en réalité rien d’autre que votre imagination ? ». A
quoi la paysanne illettrée de 19 ans répondait, avec un sagesse digne des
mystiques : « Bien sûr que
c’est mon imagination ! Comment Dieu pourrait-il nous parler, sinon à travers
notre imagination ? » Ce qui fit taire pour quelque temps les
évêques.
La jeune fille avait raison, bien
sûr. Nous n’avons pas d’autre moyen de traduire notre expérience sinon en
images, en concepts intérieurs qui utilisent la faculté suprême de
l’imagination – la production d’images. Nous ne fabriquons pas, nous inventons
– nous mettons au jour, nous découvrons ce qui était déjà là.
Il était celui qui « s’occupait de faire le bien et de
guérir tous ceux que le diable tourmentait, car Dieu était avec lui. »
Telle était la nature de Jésus de Nazareth, ainsi qu’elle est résumée une fois
pour toutes dans les premières proclamations chrétiennes.
Ces documents nous font remonter
bien plus près des premiers évènements du christianisme que le ne le font les
écrits fondateurs de n’importe quelle religion.
A mes yeux, les Evangiles ne
parlent guère du passé parce qu’ils parlent beaucoup du présent – le leur et,
plus encore, le nôtre. Avec eux, nous nous interrogeons non pas sur les
épisodes de la vie de chair de Jésus, mais sur la signification de sa vie
éternelle. Le Jésus dont ils témoignent appartient à un présent éternel, que
nous pouvons découvrir à chaque instant.
La biographie moderne, fondée sur
un vaste appareil de faits, de sources et de documentation, n’était pas un
genre connu du monde antique (…) Pendant de longs siècles, on avait admis que
le point de vue de l’auteur ainsi que son expérience personnelle apportaient
autant de sens à l’ouvrage que les faits nus qu’il y présentait. Et s’il avait
été touché, ému, inspiré même par son sujet, cela ne donnait que plus de valeur
à son œuvre. Dans un récit moderne, les faits passent un peu trop rapidement
pour la réalité elle-même : ils ne sont pas la réalité – c’est
l’interprétation qui nous conduit à elle.
S’associer avec des femmes était
aussi inusité et révolutionnaire que partager ses repas avec des parias ;
et cela le mettait en confrontation immédiate et directe avec les mœurs juives
dominantes (…) Les femmes, les esclaves et les enfants constituaient les trois
groupes sociaux privés de droits en Israël ; ils étaient donc parmi les
destinataires privilégiés (comme les percepteurs et les pécheurs notoires) de
l’amour et de la sollicitude de Jésus.
En Israël, elles étaient
entièrement privées de droits civils et légaux, et ne pouvaient témoigner lors
des procès (…) elles ne pouvaient ni enseigner en public ni lire des prières à
haute voix à la maison ; même dans le Temple de Jérusalem, il leur était interdit
de pénétrer plus avant qu’une cour extérieure.
« Evitez de parler à une femme dans la rue », disait une
maxime rabbinique d’usage courant ; cela s’appliquait même à l’épouse, qui
devait rester plusieurs pas derrière son mari. La Loi juive interdisait à un
homme de se trouver seul avec une femme qui n’était pas son épouse ; il ne
pouvait même pas saluer une femme, moins encore la regarder, et celle qui
parlait à des étrangers pouvait être immédiatement répudiée par son mari.
… « miracle » (du verbe
latin mirari,
« s’étonner ») (…) En réalité, nombre de lois prétendues naturelles
sont, comme je l’ai suggéré, simplement statistiques : elles décrivent ce
qui arrive en général. Par conséquent, un miracle ne viole ni ne transgresse la
nature : il élève cette nature, il nous fait une promesse, nous laisse
entrevoir un accomplissement.
L’idée d’un Samaritain pris comme
modèle de pieux comportement, de compassion affectueuse et profonde prévalant
sur les anciennes querelles était aussi étonnante que si, de nos jours, un
tortionnaire nazi ou un agresseur d’enfant devenait le héros d’une parabole (…)
Jésus prononçait rarement le mot « amour » quand ce n’était pas pour
l’appliquer à la nature de Dieu. Au lieu d’en abuser et de le transformer ainsi
en un cliché vide, il explicitait la réalité de l’amour dans sa dimension
humaine : il parlait de pardon, de compassion, de réconciliation, de refus
de la vengeance.
Jésus considérait tout le monde
come une victime. Mais il ne décernait pas de récompense pour le seul fait de
posséder ce statut ; et les victimes n’avaient droit, à ses yeux, à aucun
privilège particulier (contrairement à ce qu’elles réclament souvent
aujourd’hui). Enfin, chacun pouvait sortir de ce cycle infernal qui voulait
qu’on fût, tour à tour, trompeur et trompé.
Etre soutenu par Dieu n’élimine
pas les douleurs et les défis de la vie : sur la croix, Jésus a été
rejeté, est mort comme un criminel ; il était complètement abandonné et sa
vie, du point de vue de la réussite terrestre, était un échec total.
« L’incertitude sur l’avenir, sur l’issue que trouveront
quelques-uns des plus graves problèmes de notre vie, c’est l’une des douleurs
majeures que connaissent les hommes. Un Jésus sachant exactement ce qui allait
se produire deviendrait une sorte d’acteur sur la scène du temps, qu’aucune
vicissitude n’affecterait jamais. Ce Jésus-là n’aurait pas craint la mort,
puisqu’il aurait parfaitement su comment il en triompherait, ni n’aurait jugé
nécessaire de prier pour être délivré d’une exécution si terrible. »
(Brown, « Critical meaning »)
En d’autres termes, Jésus
partageait bel et bien l’ignorance normale de tout être humain.
Et personne ne sait mieux que Lui
qu’un pécheur a besoin de temps pour se repentir : c’est l’une des raisons
pour lesquelles aucun disciple de Jésus ne peut, quelles que soient les
circonstances, tolérer la peine capitale. Cette question est essentielle pour
la foi et la pratique chrétiennes. Dès les premiers temps de la croyance en
Jésus, à ceux qui se présentaient pour être baptisés, on interdisait à jamais
d’effectuer une exécution, même légalement autorisées. « On ne peut permettre à aucun soldait, revêtu de l’autorité, de
mettre quelqu’un à mort ; s’il en reçoit l’ordre, il ne doit pas le
faire. » C’est ce qu’établissait la « Tradition
apostolique » de saint Hippolyte, en 215 après J-C (…) Être partisan de la
peine capitale, en d’autres termes, c’est se prendre pour Dieu à plus d’un
égard – non seulement en enlevant une vue, mais aussi en décidant qui peut ou
ne peut pas être transformé par la grâce et le pardon de Dieu.
Car l’amour est une question de
volonté, pas toujours, ni même avant tout, de sentiment.
Les prétendues lois nouvelles
édictées par Jésus (…) décrivent plutôt les signes d’un nouvel ordre du monde,
provoqué par l’incursion radicale de la grâce.
Une Juive qui s’aventurait hors
de chez elle le visage à découvert pouvait s’attendre que son mari l’assigne en
divorce avant la tombée de la nuit ; et certaines femmes craignaient tant
d’être vues non voilées qu’elles restaient dissimulées même à la maison, de
peur qu’un visiteur ou qu’un passant ne les aperçoive (…) « Il est
convenable quelles femmes demeurent chez elles et vivent retirées »,
écrivit l’homme d’Etat et philosophe juif Philon, contemporain de Jésus – Jésus
qui, nous l’avons vu, négligeait touts les coutumes et traditions enjoignant de
ne pas parler aux femmes.
Peut-être, de même que le baptême
inaugure le processus par lequel on devient chrétien, pourrait-on voir le
mariage comme le début du processus par lequel deux personnes tendent à nouer
un lien spirituel, lien que se verra fortifier ou affaiblir, renforcer ou
amoindrir, par l’expérience et la volonté d’un engagement au quotidien, et par
elles seules.
Notre tâche n’est pas réussir,
mais de vivre dans la fidélité, de nous laisser transformer par l’amour infini.
Le critère de notre amour de
Dieu, c’est la bienveillance dont nous usons aussi bien envers notre prochain
qu’envers notre ennemi.
(…) je ne suis ni plus ni moins
qu’un homme engagé dans un certain dialogue : j’écoute, je réponds –
j‘existe dans ce dialogue qui est en lui-même création, action et parole
au-delà des mots.
Et avec qui ai-je ce
dialogue ?
Avec quelqu’un qui remplit le
monde, et pourtant ne lui appartient pas : au contraire, le monde entier
lui appartient, lui qui s’est manifesté dans le Seigneur, ressuscité et présent
parmi nous.
(…) le silence est la condition
pour prendre conscience de la présence de Dieu.
« Priez pour ceux qui vous
persécutent », dit Jésus, et la raison en est claire : Dieu est le
père de tous, même de nos ennemis.
Le Notre Père commence par la
reprise d’une prière araméenne bien connue, le Kaddish, qu’on récitait à la fin
de l’office à la synagogue :
« Magnifié et sanctifié soit Son grand nom dans le monde, qu’Il a créé
selon Sa volonté… Qu’Il établisse Son royaume… vite et bientôt… » (…)
Bientôt Jésus (…) reviendrait anéantir ce monde et établir le royaume de Dieu
pour toujours – c’est nettement affirmé dans le plus ancien document chrétien
qui nous soit conservé, la première Epître de Paul aux Thessaloniciens (datant
de 50 après J-C environ).
« Viens maintenant,
détourne-toi », nous pressait le grand philosophe médiéval Anselme de
Canterbury, au XIè siècle – et c’était d’abord à lui-même qu’il parlait.
« Détourne-toi un instant de ton travail quotidien, échappe un moment au
tumulte de tes pensées. Laisse de côté tes lourds soucis, mets un frein à tes
laborieuses distractions, libère-toi quelques instants pour Dieu, repose-toi
quelques instants en Lui. Entre dans la chambre intérieure de ton âme et
chasses-en tout, excepté Dieu et ce qui peut t’aider à Le
rechercher ; et quand tu
auras fermé la porte, recherche-Le. Dis à Dieu : « Je cherche Ton
visage – Seigneur, c’est Ton visage que je cherche. »
Le Vendredi saint (qui a inspiré
plus d’œuvres d’art qu’aucun autre épisode de l’histoire du monde) nous est
présenté dans Matthieu, Marc, Luc et Jean avec un calme, une sobriété, une
absence de frénésie remarquables. Nulle tentative d’exagérer la lutte,
d’exploiter les sentiments, de s’étendre sur les détails physiques de la
souffrance et de la mort.
Avaient aussi commencé - en l’an
64, sous l’empereur Néron - les persécutions violentes contre les chrétiens,
comme le raconte l’historien romain Tacite.
Parmi ceux qui furent massacrés
au cours de la première persécution à Rome, il y eut Pierre et Paul – le
premier par crucifixion, le second par l’épée.
Les Evangiles sont plutôt de
profondes méditations sur le sens de
ce qui est arrivé.
D’abord, loin dans la mémoire collective,
se trouve enfouie la figure du roi fantôme. Le monarque régnant sur une terre
était jadis considéré comme transmettant la fertilité, et par conséquent
incarnant l’avenir de son peuple. Mais, pour garantir la survie de la terre et
de la race, on devait sacrifier rituellement ce roi avant qu’il ne soit trop
vieux ; et l’on devait verser son sang – la force vitale elle-même – sur
la terre, dans l’espoir qu’il régénérerait la nature et l’humanité (…) A
l’occasion de la fête de la nouvelle année dans la Mésopotamie antique, et même
des Saturnales romaines, on traitait un esclave, ou bien un criminel jugé et
condamné, comme s’il était le roi. Mais une fois la fête finie, on l’exécutait.
Le tout premier document chrétien
(la Première Epitre aux Thessaloniciens, écrite aux alentours de 50 après J-C)
parle des Juifs « qui ont tué le
Seigneur et les prophètes », et l’on trouve ailleurs des affirmations
semblables.
Flavius Josèphe, qui écrit à la
fin du Ier siècle (…) affirme bien que Pilate le condamna à la mort par
crucifixion « sur l’inculpation des
hommes de plus haut rang parmi nous » - c’est-à-dire parmi les Juifs.
Nulle véritable réussite dont on
pût parler à son propos – aucune œuvre qui restât comme monument à sa mémoire,
pas de corpus sûr d’enseignements, pas d’école de gens formés pour poursuivre
son œuvre après lui. Ses amis sont des gens ordinaires, sans grandeur, sans
rien pour les recommander aux foules, et qui n’ont même pas une idée claire de
sa nature et de sa mission.
Ce n’est pas ce que Jésus de
Nazareth a dit ou fait jadis qui constitue l’objet de la foi chrétienne. Ce
qu’il dit et fait maintenant, la
façon dont il se révèle à nous, individuellement et comme communauté de
croyants – voilà le terreau dans lequel la foi est plantée et sur lequele lle
croît. Tel est le processus qui nous mène vers Dieu.
Le christianisme est donc une
certaine façon de percevoir la réalité, fondée sur l’expérience de Jésus en
tant que vivant et présent dans notre présent.
Car voici vers quoi tend la ligne
droite de l’histoire, cette logique suprême : que la présence de Dieu
remplisse le temps et la matière.
(…) tout ce qui compose le corps
humain se renouvelle continuellement. Chaque atome, chaque cellule est dans un
état constant de changement, fait d’une série sans fin de petites morts et de
renaissances.
Et si quelqu’un réplique que la
seule possibilité, pour une « personne intelligente » (quel que soit
le sens de cette expression), d’admettre la Résurrection serait de la réduire à
un événement historique et vérifiable, nous passons alors dans la sphère de (…)
l’impérialisme épistémologique, un déni de tout domaine de la réalité échappant
à notre contrôle – ce qui n’est ni de la bonne histoire ni de la bonne science
(…) La foi expérimente, et décrit l’initiative et l’intervention divines dans
le monde ; et cette proclamation (selon les termes de Jacob Neusner,
éminent spécialiste juif du Talmud) « ne comparait pas devant le tribunal
de l’histoire séculière, pour être jugée vraie ou fausse selon les critères
d’authentification ou de réfutation par les historiens des faits
ordinaires. »
Le ministère de Jésus parut avoir
un air d’improvisation : pas de fioritures ni de décorum l’apparentant aux
grands de ce monde, et du reste il ne convoitait aucun pouvoir politique ni
social. Tout en lui semble vouloir porter la marque de la plus étonnante
simplicité. Dieu ne s’identifie pas aux gens importants, beaux ou célèbres,
mais à ceux dont les vies sont simples, libres de tout excès, affranchies de l’obsession
du moi.
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