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mercredi 6 février 2013

« Heureux les simples » de Jean-Marie Pelt (2011)


Les temps ont changé. Autrefois les saints étaient partout, aujourd’hui ils sont plus nulle part. Les people les remplacent. (Les saints, modèles exemplaires et forts comme une savoureuse bière d’abbaye belge ; les people, pas de bière, seulement la mousse.)

Nous sommes à des années-lumière de certaines fractions dévoyées de l’islam radical où le martyr est celui qui tue en se tuant lui-même ; un concept totalement étranger au christianisme (…) Pour nous, la vie n’a pas de prix, elle vaut plus que tout. Et pour eux, elle est sans prix, elle ne vaut rien.

Faut-il rappeler que les cardinaux partagent avec les martyrs la couleur du sang par la pourpre dont ils sont vêtus ? Cette qualité est censée attester qu’ils sont prêts à donner leur sang pour l’amour du Christ

Les vierges martyres illustrent la liberté dont se revendiquent ces femmes, par rapport à toutes les autorités parentales et civiles qui prétendent dicter leur conduite. Elles annoncent, pour les femmes, autonomie et libre-arbitre, un statut étranger à leur époque.

Sainte Hildegarde de Bingen

Son époque est marquée par la querelle des Investitures. On se battait pour savoir à qui revenait le droit de nommer papes, empereurs et évêques.

« Fais de ton cœur une source pure et entoure cette source d’une amour très pur ! »

« La Terre ne doit pas être blessée, la Terre ne doit pas être détruite. Chaque fois que les éléments de la Terre seront violés par de mauvais traitements, Dieu les purifiera par des souffrances, par des tribulations du genre humain. Toute la Création est donnée par Dieu à l’humanité pour qu’elle l’utilise. Mais, en cas d’abus de ce privilège, la justice de Dieu permet à la Création de punir l’humanité. »

Elle ne précise pas le moment exact de l’arrivée de l’âme, mais saint Thomas, au siècle suivant, fixera ce délai à trois mois après la conception.


Saint François d’Assise

(…)  les Fioretti, les petites fleurs, écrit anonyme datant du XIVè siècle

Lorsqu’en 1223, trois ans avant sa mort, il eut l’idée d’inventer la première crèche de l’histoire, à Greccio, François prit soin d’entourer la mangeoire où avait été placé l’enfant Jésus, d’un âne et d’un bœuf qui le réchauffaient de leur souffle.

(…) une célèbre lettre de saint Bernard de Clairvaux, son prédécesseur qui, bien que grand théologien, écrivit : «Rapportez-vous en, mon cher ami, à ma propre expérience. On apprend beaucoup plus de choses dans les bois que dans les livres ; les arbres et les rochers vous enseigneront des choses que vous ne sauriez entendre ailleurs… »

 Saint Thomas d’Aquin

Comme il contemplait la ville du haut de la colline de Montmartre, l’un de ses compagnons lui demanda : « Que donneriez-vous pour régner sur cette capitale ? » Thomas répondit : « Je préfèrerais encore posséder le commentaire de saint Jean Chrysostome sur saint Matthieu ». Mais ce texte n’existait qu’en grec et Thomas n’entendait pas cette langue.

Au couvent de Cologne professait un maître unanimement reconnu pour sa sagesse, sa sainteté et sa science, Albert Le Grand, à qui le jeune dominicain faut confié pour achever sa formation. Thomas suivit ses cours de 1248 à 1252. Albert enseigna aussi à Paris, où sa réputation fut telle qu’on lui dédia une place de la ville, la place Maubert, diminutif de Maître Albert. La science d’Albert était universelle. Il excellait dans la botanique, la zoologie, la chimie (désignée sous le nom d’alchimie), l’astronomie (alors confondue avec l’astrologie), la philosophie et la théologie. Il ne négligeait point cependant de nourrir son âme, passant de longues heures en oraison et récitant chaque jour les cent cinquante psaumes du psautier.

Son imposante stature et son repli constant dans le silence lui valurent de ses condisciples le sobriquet de Bos mutus, « bœuf muet » (…) une calvitie précoce en même temps qu’un embonpoint qui, à la fin de son existence, se transforma en obésité.

(…) la philosophie d’Aristote parvenait à l’Occident chrétien par les Arabes, Averroès de Cordoue en particulier.

Voici le type de conseil que Thomas prodiguait à ses étudiants : « Ne vous pressez pas de dire ce que vous pensez, ou de montrer ce que vous avez appris ; parlez peu, et ne répondez jamais avec précipitation. Fuyez les conversations inutiles ; on y perd à la fois du temps et l’esprit de dévotion. Conservez surtout avec soin la pureté de conscience ; ne faites jamais rien qui puisse souiller ou vous rendre moins agréable aux yeux de Dieu… »

Ses supérieurs le nommèrent dans une chaire vacante à l’université de Paris. Il y séjourna au couvent Saint-Jacques (…) entre l’actuelle place du Panthéon et le boulevard Saint-Michel. Le couvent avait été baptisé Saint-Jacques en l’honneur des pèlerins qui y faisaient escale sur la route de Compostelle.

Thomas enseignait selon la méthode scolastique. Il divisait ses exposés en trois parties, chaque partie en trois sous-parties et chaque sous-partie en trois-points, et ce d’une manière absolument rigoureuse. A cette époque, les universités étaient profondément marquées par l’aristotélisme dont l’Eglise se méfiait. En 1245, Innocent IV proscrivit cet enseignement dans toutes les universités. Thomas pourtant se considérait comme un disciple d’Aristote.

Thomas, comme à son habitude, condamnait en théologien les doctrines qu’il jugeait fausses, mais était aussi soucieux d’extraire des philosophies les plus diverses la parcelle de vérité qu’elles pouvaient contenir. Les Pères de L’Eglise n’avaient-ils point fait de même avec Platon ? Et c’est ainsi que l’œuvre du grand philosophe grec s’inscrivit dans la tradition chrétienne notamment avec saint Augustin.

Thomas fut ravi en extase pendant qu’il célébrait la messe. Il resta longuement muet sur ce qui lui avait été révélé et était, à ses yeux, inénarrable : « Je suis resté, finit-il par avouer, dans le silence de la stupéfaction. La langue de l’homme est impuissante à rendre les merveilles de Dieu. » Il décida alors de ne plus écrire, laissant sa fameuse Somme en l’état. (…) car tout ce que j’ai écrit me semble à présent comme de la paille ! »

(…) il mourut saintement, en murmurant une prière attribuée à saint Augustin : « Je ne commencerai vraiment à vivre, ô mon Dieu, que lorsque je serai entièrement rempli de vous et votre amour. Actuellement je suis à charge de moi-même parce que je ne suis pas encore assez plein de vous. »

Thomas venait à peine de rendre sa belle âme à Dieu qu’il fit son premier miracle. On conduisit dans la chambre mortuaire le sous-prieur du monastère. Aveugle, celui-ci posa son visage sur celui de Thomas et recouvra la vue derechef.

Son fidèle et intime ami Reginald  déclara à plusieurs personnes que « la dernière confession du saint docteur ressemblai à celle d’un enfant de cinq ans dépourvu de malice. »

Séraphin de Sarov

Le calendrier des saints orthodoxes ne compte pas moins de trente-cinq fol-en-Christ (…) L’un d’entre eux est si célèbre qu’on l’enterra à Moscou dans cette belle église multicolore de la Place rouge qui porte son nom : Basile le Bienheureux.

Un gros ours finit par partager l’intimité du saint. Pour l’ours et le saint, c’est l’alliance entre le divin et la nature ; le père envoie l’ours « en commission » lorsqu’il reçoit des hôtes et l’ours revient, selon plusieurs témoins, avec des rayons de miel.

Dans le grand triptyque cosmique, Dieu, l’homme et la nature, Séraphin se tient au centre, entre le divin et la création tout entière. Il rejoint la sensibilité d’un Isaac le Syrien qui au VIIè siècle écrivait : « Cœur charitable ? C’est un cœur qui s’enflamme de charité pour la création entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toutes les créatures (…) Et le cœur s’adoucit et ne plus supporter s’il voit ou s’il entend une souffrance quelconque, ne fusse qu’une peine minime infligée à une créature. C’est pourquoi un tel homme ne cesse de prier aussi pour les animaux. »

Maximilien Kolbe

Combattre le mal, selon l’esprit de la milice mariale, c’est le combattre avec amour pour tous les hommes, y compris les moins bons. C’est mettre le bien en relief de manière à le rendre attirant, plutôt que de propager le mal en le décrivant. Quand se présente l’occasion de réclamer l’attention de la société ou de l’autorité sur quelque mal, il faut le faire avec amour pour la personne en cause et avec délicatesse. Ne pas exagérer, ne pas entrer dans les détails du mal plus qu’il n’est nécessaire. Ici point de scoop, de buzz, de people, de petites phrases assassines, rien de ce qui fait l’agitation de notre société hypermédiatisée.

Marthe Robin

Louise Lateau, morte en 1883, était suivie de près par des médecins afin d ‘éliminer toute hypothèse de supercherie. Elle a vécu sept ans sans manger ni boire, hormis l’hostie consacrée (…) Le cas dont il a été le plus débattu est celui de Thérèse Neumann en Bavière. Sur ordre de son évêque, une commission médicale fut nommée sous l’autorité d’un médecin réputé, le docteur Seidl. Quatre religieuses la surveillaient, liées par la foi du serment. Elles se relayaient continuellement pour ne jamais quitter des yeux la jeune fille, tandis que des médecins suivaient au jour le jour l’évolution de son poids, de sa température, de son pouls. L’inédie de Thérèse Neumann a duré quatorze ans,  au début du XXè siècle.

Dans les grands moments de confrontation avec le démon, ou les démons, au sujet du ou desquels Marthe nous a laissé maints témoignages, le trouvant « beau et intelligent », les choses pouvaient aller très loin. Elle était alors insultée, souffletée, secouée, comme il advint aussi du Padre Pio et du curé d’Ars.

Marthe expliqua au prêtre que l’Eglise allait vivre une véritable Pentecôte d’amour en se rajeunissant par le laïcat, qui devait jouer à ses yeux un rôle capital dans le futur.

Le pape Jean XXIII

Il fut un pionnier dans le rapprochement du monde catholique et du monde orthodoxe.

Il supprima les mots peu obligeants à l’égard des juifs dans la prière du Vendredi saint, qui évoquait leur « infidélité » et appelait à leur conversion.

Certes, il y avait bien eu déjà au début du XVè siècle au plus fort du grand schisme d’Occident. Il régnait simultanément avec deux autres papes, Grégoire XII, pape romain, et Benoît XIII, pape d’Avignon. Mais tous furent considérés comme des « antipapes » et destitués en 1417 par le Concile de Constantinople qui parvint à rétablir l’unité de l’Eglise en faisant élire Martin V.

« Avec les chrétiens d’autres confession, nous n’avons pas parlementé, mais parlé ; nous n’avons pas discuté, mais nous nous sommes aimés. »

Dans son Bloc-notes au journal L’Express, François Mauriac écrivait que le bon pape Jean était « le plus grand des six papes sous lesquels il avait vécu et peut-être le plus saint ». Apprenant la mort de Jean XXIII, le général de Gaulle confia à Alain Peyrefitte, son ministre de l’Information : « c’était un bonhomme au sens noble du terme, un homme bon (…) Il a lancé cette grande affaire de l’aggiornamento ; ce n’était pas si simple ; il fallait beaucoup d’estomac ou beaucoup d’innocence. »
Il avait les deux, le bienheureux Jean XXIII.

Robert Schuman

(…) le courage exceptionnel avec lequel, en tant que président du Conseil, il surmonta les grèves insurrectionnelles de novembre et décembre 1947, fomentées par la CGT lorsque le Kominform cherchait à faire tomber la France, comme avant elle les pays de l’Est, dans l’escarcelle de Moscou. Il subit les insultes et les injures particulièrement violentes des députés communistes pendants plusieurs jours. Viscéralement démocrate et républicain, il tint bon alors que ses ministres se débandaient, et ne l’emporta que parce qu’il n’avait cessé de prier tout au long de cette épreuve, comme il me le confia un jour.

(…) le fondement même de l’Union Européenne dont la devise si peu connue est « Unis dans la diversité », une certaine réticence à l’égard du libéralisme, quand on se souvient que la CECA n’était pas une institution libérale, mais que les décisions s’y prenaient au sein d’une Haute Autorité dont les membres étaient nommés par les états.

Lors de l’adoption du marché commun en 1957, il me dit plusieurs fois qu’il eût préféré que l’on commençât la construction européenne par la culture.

(…) cet incroyable coup de pouce de la Vierge Marie qui apparut à l’Île-Bouchard en Indre-et-Loire, le 8 décembre 1947, jour de l’Immaculée Conception, alors que Robert Schuman était au cœur de la plus grave crise politique que connut la France depuis la guerre. Président du conseil assiégé par les grèves insurrectionnelles, c’est étrangement au moment même où la Vierge disait aux enfants de l’Île-Bouchard, lors d’apparitions reconnues par l’Eglise, en l’occurrence par monseigneur André Vingt-Trois : « Priez pour la France qui en grand besoin », que Robert Schuman eut un brusque sursaut et, poussé par l’Esprit, se rendit à la salle des colonnes de l’Assemblée nationale. Il improvisa alors un discours très ferme devant la presse, qui fit brusquement retomber la tension alors à son comble. Dès ce moment, le gouvernement avait repris la situation en main, et les grèves cessèrent.

Frère Roger de Taizé

L’histoire de la Bourgogne est marquée par les évènements qui autour du premier millénaire renouvelèrent le monachisme en Occident. Ce fut d’abord Cluny, monastère bénédictin réformé, bénéficiant d’un privilège spécifique : l’exemption, c’est-à-dire l’indépendance totale par rapport aux rois et aux évêques. L’abbaye dépendait exclusivement du pape et, dès 932, Jean XI la prit sous sa protection. A la fin du XIè siècle, Hugues, abbé de Cluny, exerce son autorité sur près de mille cinq cent monastères comptant plus de dix mille moines répartis dans toute l’Europe.

Roger Schutz naquit dans le canton de Vaud en Suisse romande. Il est le dernier des neuf enfants d’un pasteur protestant suisse marié à une protestante française…

Frère Roger était en relation avec l’abbé Paul Couturier, prêtre du diocèse de Lyon, à l’origine d’une initiative audacieuse pour Lyon, à l’origine d’une initiative audacieuse pour l’époque : les rencontres entre prêtres et pasteurs. Autour de lui, une communauté s’organise dans le cadre d’une vie monastique ; grande nouveauté pour des chrétiens réformés qui avaient, dès l’origine de la Réforme, abandonné ce mode de vie consacrée (…) Pourront y être admis des frères issus de toutes les confessions chrétiennes, et en particulier de confession catholique (…) La communauté ne reçoit ni don, ni cadeau, ni héritage, mais vit du travail de ses frères (…) aujourd’hui un peu plus d’une centaine de frères issus de différents nations…

La communauté accueille aujourd’hui plus de cent mille jeunes chaque année (…) Les prières et les lectures sont dites en plusieurs langues (…) Un considérable travail a été mené pour discerner dans la Bible les textes les plus aisément compréhensible par tous et les plus aptes à éveiller en chacun l’étonnement d‘un amour venant de Dieu.

Fère Roger fut assassiné en août 2005 dans sa propre église par une Roumaine déséquilibrée, alors qu’il accueillait plusieurs milliers de pèlerins dans le cadre des Journées mondiales de la jeunesse qui se déroulaient simultanément à Cologne. Il avait quatre-vingt-dix ans.

(…) il a su établir un dialogue fructueux avec les plus hautes autorités du catholicisme et du protestantisme, bien que parfois tenu pour suspect par ces dernières en raison de sa reconnaissance du primat de l’évêque de Rome.

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