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dimanche 6 août 2023

« La garde du temps » de Césaire Falletti (2021)

« Aujourd'hui » est le temps où nous devons garder les yeux grands ouverts, les oreilles attentives et les mains tendues pour donner et recevoir (…)

Avançons en serrant fortement la main de Celui qui sait où il nous conduit.


Nous avons peine à croire qu'au-delà des décombres un monde puisse se reconstruire, qu'au-delà de la violence l'amitié existera encore, qu'au-delà de l'écroulement de tous les espoirs vivra encore l'Espérance. Nous risquons de ne plus vouloir affronter la vie, par peur d'être déçus; mais le printemps surviendra, même si nous nous obstinons à rester bien au chaud dans notre lit, sous une masse de couvertures et sans vouloir en sortir, de crainte qu'il n'y ait pas pour nous d'autre horizon possible que celui d'un brouillard givrant.

«Lève-toi! Sors! Regarde et écoute! »: c'est la Vie qui frappe à notre porte; il y a là une foule de gens qui nous demandent de vivre pour leur donner la vie et qui veulent que l'on s'ouvre pour la recevoir d'eux à notre tour. La Vie est un souffle qui se transmet et qui amène sans cesse de nouvelles naissances et renaissances. Nous la recevons et nous la donnons, à condition que nous acceptions de respirer, c'est-à-dire d'accueillir nous-mêmes ce souffle.


(…) « la voie droite avait été perdue » (Dante, Enfer I,3)


Chaque fois, en effet, que nous considérons les choses et les personnes comme si nous en étions propriétaires, nous tombons dans la tristesse, la déception, l'amertume ; si au contraire nous envisageons tout comme un don, nous sommes saisis de surprise et d'émerveillement. Le temps est un don, comme le sont aussi les êtres humains, les choses et la vie.


Le temps est le lieu de la vie et la vie nous est donnée pour aimer (…) l'écoulement du temps ne nous enlève rien (…) Il nous conduit à la maison de Dieu, à la maison de la vie, à celle de l'amour et donc du bonheur.


Mais il faut faire une distinction entre à la hâte et vite (…) Si on a le courage, au contraire, de s'arrêter pour réfléchir au but à atteindre et pour décider des gestes à accomplir (…) un geste est net et précis si on le fait en étant conscient de la réalité (…) Le meilleur lieu pour la prière et toute autre activité, y compris le jeu, c'est le présent et l'immersion dans le présent. Pour nous sauver, Dieu s'est plongé dans notre présent et nous, pour être avec lui, nous devons être présents à nous-mêmes et croire en sa présence.


L'adulte est en effet une personne qui sait demeurer avec elle-même et se mettre en relation avec les autres sans peur, sans timidité, et sans vouloir dominer ; en laissant l'autre être autre et en étant heureux de le rencontrer.


La peur de ne pas être respectés, aimés, reconnus pour ce que nous sommes ou ce que nous croyons être, la revendication jalouse de nos droits apparents, l'attention que nous réservons  à notre personne sont de continuelles sources d'amertume ; elles nous empêchent de vivre et de recevoir les miettes de vie qui nous sont données une à une, avec joie, avec gratitude et humour (…) Tandis que quand on se présente de manière positive à un autre, surtout quand notre bonté peut atténuer sa misère, on acquiert une beauté qui ne s'efface pas, qui ne se flétrit ni ne se fane. C'est un moment éternel, qui porte en soi l'apparition du Seigneur, qui envahit les ténèbres et l'ombre de la mort, qui enveloppe le monde avec la lumière du Transfiguré, la splendeur de la communion de la Trinité.


Lire, c'est comme se regarder dans un miroir et découvrir les détails de notre personne qui nous avaient échappé.


(…) accepter l'autre, l'accueillir dans une relation qui (…) refuse les soupçons ; je vis avec un a priori favorable, tout en gardant la vertu de la prudence.


(…) aimer le prochain comme soi-même exige en effet d'avoir un cœur serein, simple est content.

(…) savoir que nous sommes en chemin, que nous ne sommes pas encore arrivés et que le but est beau, là, devant nous. À l'horizon se lève une aurore de vie, de joie et de paix, de communion avec tous.


Chacune de nos décisions, de nos paroles, chacun de nos gestes, de nos regards à des conséquences.


Ce n'est pas la quantité de ce que l'on accumule dans son esprit, que l'on acquiert ou que l'on obtient, qui donne de la valeur au désir, mais la beauté de ce à quoi on aspire.


« Ne fais pas quelque chose pour le finir, fais-le pour le faire. Les hommes crèvent d'occuper le futur, jamais le présent. Ils se préparent à vivre, ils ne se réjouissent pas de vivre ». Cette phrase d’Eric-Emmanuel Schmitt…


(…) Si nous ne construisons que du vide ou du vent, la miséricorde ne pourra pas nous transformer en une beauté exaltante. Par peur de mourir, nous laissons une myriade d'angoisses et de soupçons nous paralyser et nous vivons cachés dans un abri protecteur (…) la vie véritable se passe maintenant, en donnant tout de suite le meilleur de nous-mêmes (…) si l'on oublie de vivre maintenant, on perd la raison fondamentale de l'existence humaine : la capacité à aimer. On ne peut aimer que dans le moment présent (…) On n’aime pas pour finir d'aimer, comme s’il s’agissait de fournir une prestation, et on ne prie pas pour cesser de prier, pour payer la taxe d'entrée au paradis (…) Savoir vivre ce qui nous est proposé maintenant, en le considérant déjà dans la grandeur de sa plénitude, est la juste manière de se préparer au futur sans oublier de se réjouir pour ce que l'on vit.


Les saducéens, comme le font souvent les puissants, font tout ce qu'ils peuvent pour ne pas accepter la résurrection, la vie nouvelle (cf Luc 20,27). Car ils ne veulent surtout pas échanger leur sécurité présente contre un gain incertain dans le futur. Les pauvres et les petits sont, au contraire, prêts à accueillir la nouveauté de l'Évangile, la résurrection du peuple et de l'histoire, parce que leur espérance est tournée vers l'horizon et que leur chemin n'est pas freiné par le poids des richesses.


(…) tous ceux qui comprennent que la vie ne consiste pas à se regarder avec complaisance devant un miroir, ni à se servir de tout ce qui peut leur être profitable. Dans la vie, faut se dépenser, donner, semer pour porter beaucoup de fruit.


Je suis toujours très attentif aux larmes (…) elles sont toujours une manifestation d'une chose qui nous dépasse, qui nous submerge et face a laquelle nous nous découvrons pauvres, impuissants et désarmés.


(…) dans toute l'Écriture sainte, le temps de paix est considéré comme le don par excellence que Dieu fait à son peuple : un don qui permet la vie et la prospérité.


(…) ce qui compte, c'est de la donner [sa vie] (…) le fait de vouloir donner sa vie à Dieu et au prochain - il n'est pas dit qu'on y parvienne totalement, mais le vouloir donne déjà une forte orientation à notre vie ! - procure un grand sentiment de liberté (…) vivre avec une certaine légèreté, sans se laisser abattre ni écraser, et sans avoir peur de l'avenir ; mais en rebondissant toujours en direction de la vie qui est celle de l'amour, du service, de la joie et de la paix à communiquer aux autres.


(…) une génération, et même deux, ont été tellement bouleversées par le changement d'époque qu'elles n’ont su transmettre à ceux qui les suivaient que les résultats de leur vécu ; mais sans leur donner le goût de la recherche (…) Chaque génération doit redécouvrir la vie ; c'est un drame pour les parents qui ont l'impression d'avoir tout raté parce que leurs jeunes sont « différents » du modèle qu'ils avaient essayé de leur transmettre (…)

Rien n’est seulement négatif, pas même le péché, il ne faut avoir peur de rien. L’être humain est attiré par le bien, même s’il confond parfois le véritable bien avec des succédanés dangereux ; le devoir de toute société est alors et alors d’aider l'individu à purifier sa recherche du bien, tout comme le devoir de tout individu et d’ouvrir son propre désir à un bien qui concerne toujours plus largement ses semblables.


(…) nous ne sommes pas non plus dans le désespoir ou l'indignation. Le mal, le péché appellent notre miséricorde, c'est-à-dire ce regard sauveur qui ne cherche pas à maintenir les distances et qui sait se salir les mains en sortant le misérable de la boue.


Pourquoi avoir peur de l'avenir quand on sait que (…) le Seigneur nous donne, au fur et à mesure, les forces et la capacité de vivre le moment présent ? C'est là l'expérience du « Dieu avec nous » (Matthieu 1,23), si importante pour un chrétien.

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