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mercredi 26 août 2020

"Ici et maintenant" de Jim Thompson (1942)

Elle n’avait pas peur de… oh, elle n’avait pas peur, un point c’est tout. Dans son univers solitaire, dépourvu d’amis, elle avait survécu à l’horreur de ne pas être désirée, et elle savait qu’il n’y avait rien de pire à redouter.

Car, Seigneur, alors qu’elle était là, dans mes bras, épuisée mais ayant peur de s’endormir, se nourrissant de haine, la seule pensée que nous ne l’avions pas désirée me donnait l’impression d’être un criminel…

-Ah, ça oui, monsieur, a dit le propriétaire du drugstore. C’est une petite formidable. Vous devriez être très fier d’elle.
-Je suis fier, ai-je dit. Jusqu’à ce soir, je ne savais pas à quel point j’étais fier d’elle et à quel point je l’aimais.
La bouteille lui a glissé des mains et s’est écrasée par terre.

La tête de Shannon est retombée sur mon bras et un frémissement a parcouru son corps chétif. Elle s’est endormie. Et j’aurai beau essayer, je ne pourrai pas décrire la beauté de son sourire.

(…) j’ai repensé à toutes les petites concessions qu’elle avait faites, à sa manière, la seule qu’elle comprenait, pour essayer de se conformer à mes critères. Je me disais que cette tâche devait lui avoir semblé bien ingrate, et, pour l’instant du moins, j’avais envie de ne voir que ces efforts et leurs résultats… j’avais envie de contempler, d’oublier, de ne rien désirer de plus.

Roberta avait dit que la nouvelle était merveilleuse. Maman avait dit, alors, Jimmie, tu n’es pas content d’avoir essayé maintenant ? Mais moi, je savais. Je savais qu’elle était pourrie, déséquilibrée. La manière dont je me sentais planait sur les pages comme une ombre noire.

(…) le soir, je rentrais à la maison, je mangeais et je dormais à nouveau pour pouvoir aller travailler le lendemain matin, et l’argent que je gagnais suffisait tout juste à me permettre d’être fort et reposé de façon à pouvoir aller travailler pour me permettre d’être fort et repose de façon à…
Le psychiatre lève le bras. Mais c’est la même chose pour n’importe quel travail.
Non, non, dit le patient. Non, ce n’est pas vrai. Il y a des métiers qui ont un sens. Je sais qu’il y en a, si seulement je pouvais en trouver un. Ils m’en empêchent. Ils n’arrêtent pas de me mettre des bâtons dans les roues. De me faire voir des choses qui ne sont pas réelles. D’essayer de me faire faire quelque chose que je ne veux pas faire.

Tout ce que j’ai toujours demandé, c’est qu’on me laisse tranquille. Et personne ne veut jamais me laisser tranquille. Il y a toujours quelqu’un qui sait ce qu’il me faut, qui m’oblige à faire ce que je devais faire - de son point de vue.
Mais il ne faut pas que je commence à me dire que c’est délibéré. Que, tout simplement, il y a une conspiration contre moi. Ça devient de plus en plus difficile de ne pas le croire, mais je sais qu’il ne faut pas. Il ne faut pas !

Il avait des cheveux blonds, coiffés en arrière, laissant le front bien dégagé, et les yeux bleus les plus doux que j‘aie jamais vus. Ou plutôt, ils paraissaient doux jusqu’à ce que vous croisiez franchement son regard. Vous vous aperceviez alors qu’il y avait autre chose.

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