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mardi 4 février 2020

"Mort d’un pornographe" de Jacques Werup (1988)


Je sors ma queue. Pas le petit radis glacé du vieillard.

Le désir au stade des cavernes. Là où tout vrai désir trouve ses origines.

Ne le salissons donc pas des vaniteuses spéculations de la psychologie et du langage. Laissons les faits concrets être ce qu’ils sont- et l’amour n’en sera que renforcé, dans son incompréhensible, son évidente beauté.

« Tu n’as vraiment aucune tenue ! me lance-t-elle. Moi, ce qu’il me faut, c’est un homme, un vrai ! »
Börje est un homme.
Elle me trompe avec Börje, ce contremaître que je déteste […] C’est là, quand j’ai le nez sur son col de manteau en touffe d’otarie, que mon ego sexuel voit le jour, mon égoïsme, ma démence, tout ce que vous voudrez, ça peut porter tous les noms. C’est là que l’étincelle s’allume.
Que le discernement me vient.
Börje est un type affreux. Aussi  velu qu’un singe, jamais lavé, avec des ongles qui s’écaillent et des points noirs comme des taches de goudron, moins gros sur les joues, plus gros sur le nez, creusés en plaques énormes sur la nuque.
Kerstin est la plus belle femme du village. Ça fait si mal que j’en ai les larmes qui coulent.
Je ressors discrètement. En renverse presque le berceau du petit, ils l’ont déménagé dans le hall (…)
J’ai assez de présence d’esprit pour tirer ma crampe, le même soir avec Kerstin. Veux avoir la preuve que c’est la mauvaise conscience qui motive les femmes, qu’elle est après l’infidélité, un lubrifiant qui reste inégalé […] Nous sommes mariés depuis deux ans et c’est aujourd’hui seulement, alors qu’il est trop tard, qu’arrive ce qui laisseraient supposer que nous deux, nous aurions pu nous accorder ce petit surplus d’énergie qui nous aurait permis de supporter les années de guerre à venir […] « Mais, c’est que je ne veux pas vivre avec lui ! » me dit-elle, démasquée et éplorée, quand je fais ma valise.
Merci pour ces bonnes paroles, Kerstin,
Et c’est cette phrase qui rendra mon départ si facile. Je la garderai, comme un mémorandum, une règle, un réveille-matin pour la mémoire ; je ne serai jamais celui avec qui on veut passer sa vie. Je serai l’AUTRE. Celui avec qui personne ne veut vivre. Celui qu’on ne domestique jamais. Celui qui part, qui prend et qui donne et puis qui part. S’élève, décolle, s’envole. L’amant. La liberté.

Elles se marient avec les amis, et elles s’amusent avec les amants. « Lui, c’est mon ami, disent-elles de celui avec qui elles « vivent ». Les autres, c’est seulement pour baiser. » J’ai entendu ça si souvent que j’ai décidé de ne jamais être un « ami ».

Il n’existe jamais rien de plus important que cet instant, éternel : quand la trique fait un pied de nez à la vie.

Pourquoi serais-je l’ami de Dieter ? Celui qui s’est élevé à une solitude aussi parfaite que la mienne, il lui faut juste des vagins, et des ennemis.

C’est dans la rencontre avec un vagin qui s’est lassé de s’ouvrir aux engagements et à l’avenir d’un gentil imbécile que je trouve tous les principes ramenés à un seul. A l’instant des orgasmes volés, deux systèmes incompatibles s’unissent jusqu’à la confusion. Il y a là toute la confiance que deux êtres peuvent se donner. On se donne ce qu’on a de plus intime, parce qu’on sait qu’on va se trahir dans la seconde qui suit.

Son blasphème avec moi : tout, sauf le vernis de l’âge de raison, qui vous impose une série d’abstraction, comme si l’intellect était un outil réputé fiable pour ceux qui veulent vivre.

Tout n’est que mensonges et vantardise, quand on nous promet une énigme qu’il y aurait à résoudre derrière tout cela. La vie nous joue constamment la comédie, elle n’a que cette réplique retentissante : prenez-moi, j’attends d’être expliquée !

… dans ce monde, ce à quoi nous nous occupons, ce que nous pensons faire, ce à quoi nous consacrons notre existence n’a que peu d’importance, si le sentiment est le bon. C’est la seule chose qui compte et elle est, à un certain point de vue, la même pour tous. La passion. C’est elle qui, durant un court instant, nous fait nous lever au-dessus de la vallée des larmes.
Et peu importe que nous la dirigions dans un sens ou dans l’autre. Ce à quoi nous occupons notre vie, ça n’a aucune importance. Ce n’est pas le but, mais l’intention qui compte, non, seulement l’étincelle de cette intention.

Le manque de responsabilités, cette sensation si salutaire et si nouvelle, me rappelle quelque chose […] ce manque de scrupules me fait penser à un monde antérieur. Ou ultérieur. La prime enfance ? Le paradis ? Le ciel ? Ou tout simplement la mort ? Un monde, quoi qu’il en soit, qui est aussi antérieur qu’ultérieur. Une chose merveilleuse, oubliée… un royaume sans âge, sans règles… où l’on s’en sort, malgré tout… parce que l’homme est bon et libre et qu’il peut tout se permettre.

« Jusqu’à la fin je resterai un intello », souffle-t-il, et il sent que les douleurs recommencent à se faire entendre : « Enfin un langage clair, chuchote-t-il, au milieu de mes balbutiements. » Et il rentre, satisfait du mépris qu’il a pour ses prétentions philosophiques.

Birte est folle de rage. Son jeune mari s’achète du cyanure pendant leur voyage de noces ! […] j’achète une capsule pour parer toute éventualité, et malgré la forte opposition de ma jeune épouse. Ce jeune Arabe sourit, obséquieux, la bouche pleine de dents en or : « Very good quality, mister… for a tired man… » Et il pose la tête sur la paume de la main et fait semblant de dormir doucement, d’un sommeil éternel.

… il se souvient de cette affirmation qui dit que le suicide - et surtout la façon de le commettre - est un acte chargé d’érotisme. On se pend ou on prend des somnifères, les femmes se tirent une balle dans la tête ou elles s’ouvrent les veines : la forme circulaire de la corde et du comprimé symbolise le sexe féminin, la longue turgescence du canon du fusil et de la lame du rasoir symbolise le membre viril. Les types se jettent volontairement dans le trou noir de la mort par noyade. Les femmes se font perforer jusqu’à en mourir, par la pointe dressée.

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